L’Iran est prêt à aider le Liban sans contrepartie, a assuré le ministre iranien des Affaires étrangères Mohamad Javad Zarif, lors d’un entretien exclusif accordé à la télévision d’information libanaise satellitaire al-Mayadeen Tv, lors de sa visite à Beyrouth le vendredi 14 août.
La présence des navires de guerre, une menace
Interrogé sur la position de l’Iran après la double explosion qui a eu lieu dans le port de Beyrouth, le 4 août dernier, et qui a couté la vie à plus de 180 personnes et blessé 6.000 autres, M. Zarif a répondu :
« L‘Iran se tient au côté du peuple libanais dans cette tragédie. Il est disposé à lui fournir l’aide dans les secteurs énergétiques et autres, selon les requêtes des responsables libanais ».
Il a toutefois mis en garde les Libanais contre ceux qui voudraient semer la scission parmi eux, « dans ce cas, il y aurait des craintes sur l’avenir du Liban», a-t-il averti.
«La présence des navires de guerre étrangers sur les côtes libanaises n’est pas quelque chose de normal. C’est une menace au peuple libanais ».
« Les responsables iraniens ont voulu que je transmette au Liban que l’Iran est prêt à lui fournir de l’aide sans contrepartie, et à soutenir le choix du peuple libanais. Jamais nous n’avons imposé quoique ce soit à aucun groupe libanais. La Communauté internationale devrait reconnaitre que le Liban est un pays indépendant et s’abstenir d’interférer dans ses affaires », a-t-il affirmé.
Le chef de la diplomatie iranienne a souligné que son pays supportait les pressions des Etats-Unis et de l’entité sioniste parce qu’il se tient au côté du Liban et il est toujours prêt à le faire ».
« Ce que le Liban choisit, nous sommes prêt à le choisir. La sécurité du Liban équivaut à notre sécurité. Nous collaborons avec tout gouvernement élu par les Libanais ».
M. Zarif a indiqué que son pays n’avait aucun candidat au poste de Premier ministre libanais et collaborera avec toute personnalité choisie par les Libanais, assurant que son pays n’est pas disposé à prendre des décisions à la place du Liban, ni de la Syrie ni de tout autre Etat.
Sur l’appel entre Macron et Rohani
Interrogé sur le contact téléphonique entre le président français Emmanuel Macron avec son homologue iranien Hassan Rohani, il a nié que Macron a transmis un message américain sur le dossier libanais et la formation du gouvernement. Selon lui, l’Iran a accepté de fournir son aide pour la reconstruction à condition que les Libanais le décident.
« Ce que M. macron a demandé est que nous aidions le Liban pour franchir cette étape. Nous parlons ici de problèmes urgents et sur le long terme, et sur la possibilité qu’il y ait un groupe international pour fournir de l’aide à New York », a-t-il poursuivi.
Selon M. Zarif, l’enquête devrait être libanaise et dirigée par le gouvernement libanais.
Sur la rencontre avec S. Nasrallah
Le responsable iranien a aussi révélé la teneur de sa rencontre avec le secrétaire général du Hezbollah sayed Hassan Nasrallah.
« Nous avons exprimé notre disposition à envoyer de l’aide et nous avons évoqué sa nature. Nous avons parlé des changements régionaux et des circonstances actuelles de la région. Et aussi des conditions internationales, du dossier nucléaire et des récentes évolutions dont entre autre au Conseil de sécurité. La rencontre a été fructueuse et j’ai pleinement bénéficié de ses remarques ».
L’Iran n’impose pas de gouvernement en Irak
Sur l’ingérence américaine en Irak, il a dit : « nous croyons que les USA ne devraient pas décider de l’avenir de l’Irak et nous avons dit aux Irakiens que nous allons soutenir celui que vous choisissez à la présidence du cabinet ministériel. Nous n’acceptons pas les histoires selon lesquelles les Américains et nous imposons des gouvernements en Irak ou au Liban ».
L’accord de normalisation EAU-Israël: aucun impact
Sur l’accord de normalisation entre les Emirats arabes unis et l’entité sioniste M. Zarif a assuré qu’il n’aurait aucun impact
« Mais ce que les EAU ont fait est regrettable, toutefois cela n’est pas nouveau », a-t-il regretté.
Le diplomate iranien a rappelé que les dirigeants d’Arabie saoudite et d’Abu Dhabi ont des antécédents avec le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. « Ils ne considèrent pas Israël comme étant un ennemi et ils collaborent avec lui dans les massacres commis contre les Palestiniens.
« Ce qu’Abu Dhabi a fait s’inscrit dans le soutien électoral au président Donald Trump … En revanche, les Américains et les sionistes ne resteront pas toujours aux cotés des dirigeants d’Arabie saoudite et d’Abu Dhabi ».
Rappelant que l’Iran a des côtes communes avec les EAU, il a signifié « qu’il n’était pas convenable de substituer la promiscuité géographique par un rapprochement avec les sionistes… L’entité sioniste a utilisé tous les moyens contre l’Iran sans rien réaliser ».
Il a révélé que son dernier contact avec son homologue émirati s’était porté sur la pandémie du nouveau coronavirus et sur la collaboration bilatérale.
Interrogé sur les raisons de l’animosité saoudienne, il a répondu : « les dirigeants de Riyad souhaitent que les Américains viennent dans la région pour nous affronter… leur rêve ne se réalisera jamais », a-t-il objecté.
Et de poursuivre : « si les gouverneurs saoudien voulaient parler avec l’Iran, il y aurait beaucoup de dossiers… l’Iran détient des preuves sur le soutien des dirigeants saoudiens aux groupuscules terroristes. Ils devraient bien lire l’accord de paix d’Ormuz et le discuter ».
Un monde post-occidental
Sur la vision iranienne des relations internationales, M. Zarif a assuré que son pays plaide pour la collaboration régionale et le dialogue.
« Nous sommes bien loin des illusions sur la rentabilité de l’ingérence étrangère et de recours à la force pour réaliser des intérêts nationaux », a-t-il ajouté.
Selon M. Zarif, le monde d’aujourd’hui et « un monde post-occidental et les pays occidentaux voudraient bien entretenir des relations durables avec la Chine ».
«Le monde occidental est fini et l’occident ne possède plus les ressources du monde.Certains d’entre eux ont changé leur positions de principe sous le joug des pressions américaines », a-t-il expliqué.
« Les relations de l’Iran sont bonnes avec de nombreux Etats et il œuvre pour les approfondir et les élargir ».
Interrogé sur les efforts de Washington pour prolonger l’embargo des armes contre l’Iran au Conseil de sécurité, il a répondu :
« Nous croyons que la démarche des Américains est illégale. Le projet qu’ils ont rédigé le mois de mai dernier et distribué aux membres du CS n’a pas obtenu deux votes, alors qu’il devrait en obtenir 9. Deux protagonistes ont refusé de lui accorder leur consentement. Le projet de résolution présenté par les Américains ne passera pas… depuis que les Etats-Unis se sont retirés de l’accord nucléaire et ont imposé les pressions extrêmes contre l’Iran, ils pensaient qu’ils allaient obliger l’Iran à se plier en quelques mois. Mais aujourd’hui, ils savent que ce qu’ils avaient fait n’était pas correct. Et que c’était une erreur que de sortir de l’accord. Maintenant, ils voudraient utiliser ce que l’accord nucléaire pouvait leur donner en même temps ».
Si Trump se rétracte, l’Iran réfléchira
M. Zarif a répondu à la question sur les dernières déclarations du président Trump selon lequel il est prêt à conclure un accord avec l’Iran s’il est réélu.
« S’il décide de s’écarter de sa politique erronée, s’il se rétracte de tout ce qu’il a commis à l’encontre du peuple iranien, dont le crime commis contre notre grand commandant le général Qassem Soleimani et ses compagnons, s’il indemnise les pertes économiques infligées au peuple iranien en raison de ses politiques , nous parlons ici de plusieurs milliards de dollars , s’il fait tout ceci et revient à l’accord avec l’Iran, la République islamique réfléchira à sa proposition et annoncera sa position formellement. M. Trump pourrait remédier à la situation ».
Interrogé sur la découverte de cellules d’espionnage pour la CIA, le Mossad et des renseignements européens, au sein de ministères iraniens, dont celui des AE, M. Zarif a dit :
« Hélas, l’utilisation des espions est une réalité qu’on retrouve partout et c’est sans doute préoccupant. Nul doute qu’Israël et les USA exploitent leurs potentiels et profitent de leurs capacités. Il y a un nombre limité de personnes qui sont victimes de ces réseaux et tombent dans leur piège. »
Source: Médias