De violents combats en Libye ont opposé entre lundi et mardi deux influents groupes armés, et fait au moins 27 morts et 106 blessés en banlieue de Tripoli, selon un bilan provisoire du Centre médical d’urgence.
Selon ce centre qui gère les secours dans l’ouest, 234 familles et des dizaines de médecins et infirmiers étrangers ont pu être extraits des zones du sud de Tripoli, où s’affrontaient la « Brigade 444 » et la « Force al-Radaa ».
Trois hôpitaux de campagne et une soixantaine d’ambulances ont été mobilisés pour secourir des blessés et évacuer les civils.
Les combats à l’arme lourde et à l’arme automatique ont démarré après l’arrestation lundi du colonel Mahmoud Hamza, commandant de la Brigade 444, par la Force al-Radaa. Aucune explication n’a été fournie pour son arrestation.
Mardi soir, le « conseil social », formé de notables et personnalités influentes de Soug el-Joumaa, le fief de la Force al-Radaa au sud-est de Tripoli, a annoncé un accord avec le chef du gouvernement siégeant à Tripoli, Abdelhamid Dbeibah, pour transférer le colonel Hamza à une « partie neutre ».
Dans un communiqué lu à la télévision, le conseil a indiqué qu’un cessez-le-feu allait suivre, ce qui a permis un retour au calme dans la nuit de mardi à mercredi.
Selon des médias locaux, M. Hamza se trouverait au quartier général de « l’Autorité de soutien à la stabilité » (SSA), un autre groupe armé influent à Tripoli.
Les vols commerciaux, déviés provisoirement vers Misrata, à 200 km plus à l’est, ont repris mercredi matin, selon le service média de l’aéroport de Mitiga, le seul aéroport civil de Tripoli.
Malgré un retour à des activités normales dans la capitale, la tension demeurait palpable.
Les deux groupes se sont affrontés de lundi soir jusqu’à mardi soir en banlieue sud-est et des tirs aveugles ont touché des zones habitées.
La brigade 444 et la Force al-Radaa figurent parmi les groupes les plus puissants de Tripoli où siège l’un des deux gouvernements qui se disputent le pouvoir en Libye.
Le pays est plongé dans un chaos sécuritaire depuis la chute du régime de Mouammar Kadhafi en 2011, alimenté par une prolifération de factions aux allégeances mouvantes.
Accompagné de son ministre de l’Intérieur, Imed Trabelsi, le Premier ministre Dbeibah, s’est rendu dans la nuit à Ain Zara, l’un des secteurs les plus touchés, dans la banlieue sud de Tripoli.
illonnant à pied les rues plongées dans l’obscurité de ce quartier, M. Dbeibah a donné des instructions pour « déblayer les débris » et recenser les « dégâts matériels afin de dédommager les citoyens », selon le centre média du gouvernement.
De son côté, le ministère de l’Intérieur a mis en place un dispositif de sécurité pour superviser le cessez-le-feu en déployant des forces dans les secteurs tendus.
Mais pour le spécialiste de la Libye, Jalel Harchaoui, « quelle que soit la suite des évènements, les trois dernières années ont été perdues » par les diplomates et les décideurs.
Selon lui, « Tripoli est un territoire encore plus dominé par les milices qu’auparavant » et même si « Dbeibah reste au pouvoir, les évènements montrent qu’il ne contrôle pas » la situation.
La Libye est dirigée par deux gouvernements rivaux: celui de M. Dbeibah installé à Tripoli (ouest) reconnu par l’ONU, l’autre dans l’Est, soutenu par le puissant maréchal Khalifa Haftar.
Mardi, la mission de l’ONU en Libye ainsi que les ambassades américaine, britannique, française, italienne et européenne ont appelé à une « désescalade immédiate » et à « préserver les progrès accomplis ces dernières années sur le plan de la sécurité ».
« Après de violents affrontements à Tripoli, nous constatons les platitudes et les lamentations habituelles. Rien ne changera tant qu’il n’y a pas de conséquences » pour les responsables, a déploré Hanan Saleh, chercheuse de l’ONG Human Rights Watch.
La Brigade 444, basée dans le sud de Tripoli, dépend du ministère de la Défense et est considérée comme le plus discipliné des groupements armés de l’ouest.
La Force al-Radaa est une puissante milice qui fait office de police à Tripoli. Se disant indépendante du gouvernement, elle contrôle le centre et l’est de Tripoli ainsi que l’aéroport de Mitiga et une prison.
Fin mai, des combats entre les deux groupes, jusque dans des rues bondées du centre-ville, avaient fait des blessés légers. En juillet et août 2022, des affrontements entre al-Radaa et d’autres groupes avaient causé une cinquantaine de morts à Tripoli.
Source: AFP