Sur l’échiquier changeant de la géopolitique mondiale, peu d’événements sont aussi importants et aussi peu médiatisés que l’émergence de deux corridors : le corridor de Zanguezour et le corridor de David.
Ces projets, qui s’étendent du sud du Caucase au nord de l’Irak, ne sont pas seulement des infrastructures : ils sont les instruments d’un nouvel ordre géopolitique.
Ce ne sont pas seulement les flux commerciaux et énergétiques mondiaux qui changent, mais aussi le paysage stratégique de toute guerre future contre l’Iran.
Rompre le lien Est-Ouest de l’Iran
Le corridor de Zanguezour, qui traverse la province arménienne de Syunik, est conçu comme un pont terrestre reliant l’Azerbaïdjan à son enclave du Nakhitchevan et, au-delà, à la Turquie.
Avec le soutien de la Turquie et d’Israël et un appui solide des intérêts énergétiques alignés sur l’Occident, ce corridor contourne efficacement l’Iran en tant que centre de transit régional, ce qui sape sa valeur géopolitique le long de la route de la soie Est-Ouest.
- Contournement stratégique de l’énergie : le projet Zanguezour est étroitement lié au transport de l’énergie. Il permet au gaz de la Caspienne, provenant d’Azerbaïdjan et d’Asie centrale, d’atteindre l’Europe via la Turquie, sans dépendre de l’Iran ou de la Russie.
- Asphyxie économique de l’Iran : comme l’initiative chinoise «Belt and Road» et le corridor de transport nord-sud de la Russie dépendaient autrefois de l’Iran, ce changement redirige le commerce de l’Iran, l’isolant économiquement des principaux marchés eurasiatiques.
- Influence d’Israël et de l’OTAN : la présence militaire et les services de renseignement israéliens en Azerbaïdjan se sont considérablement renforcés, profitant de ce corridor pour recueillir des renseignements et, à l’avenir, établir des bases militaires sur le front nord de l’Iran.
Le corridor de David : une porte dérobée vers le flanc occidental de l’Iran
Alors que le corridor de Zanguezour affecte l’Iran depuis le nord, le corridor de David (terme désignant la route terrestre émergente qui part de la Palestine occupée, traverse la Jordanie et la Syrie et se dirige vers l’Irak) remplit une double fonction : logistique et militaire.
Accès stratégique pour Israël : cette route offre à Israël une connexion terrestre potentielle avec les forces américaines et alliées stationnées dans le Kurdistan irakien. Il s’agit d’un point d’inflexion en termes de déploiement logistique, de surveillance et même d’armement.
Déstabiliser le Levant : le succès du corridor dépend de la fragmentation de la Syrie et de l’Irak, en maintenant ces deux pays trop faibles ou trop divisés pour résister à sa formation.
Contrôle par les puissances en Irak : le nord de l’Irak, en particulier la région kurde, est devenu une plate-forme non seulement pour les militaires américains et israéliens, mais aussi pour l’extraction d’énergie qui échappe au contrôle de Bagdad.
Redessiner la carte du commerce mondial sous couvert militaire
Ensemble, ces corridors représentent une stratégie sur deux fronts :
- Au nord, le corridor de Zanguezour vise à couper les artères économiques de l’Iran, en redirigeant les oléoducs, les chemins de fer et les infrastructures numériques hors du contrôle de Téhéran.
- À l’ouest, le corridor de David offre une voie logistique militarisée directement vers le flanc ouest vulnérable de l’Iran, raccourcissant ainsi le champ de bataille pour une éventuelle guerre future.
Il ne s’agit pas seulement de commerce : c’est une guerre des infrastructures.
Le tableau d’ensemble : l’encerclement et l’isolement de l’Iran
Ces corridors ne sont pas des phénomènes isolés, mais font partie d’une stratégie d’encerclement coordonnée :
- L’Azerbaïdjan est désormais une base avancée pour les opérations israéliennes près du nord de l’Iran.
- Le nord de l’Irak est en train de se transformer en une zone militaire molle avec une forte présence israélienne et américaine.
- Le Levant, en proie à la guerre et aux divisions, offre suffisamment de chaos pour permettre au Corridor de David de s’étendre sans être remarqué.
L’Iran voit le piège
Pendant ce temps, les exercices militaires de l’Iran à la frontière avec l’Azerbaïdjan, ses liens de plus en plus étroits avec la Russie et la Chine et ses efforts pour sécuriser des routes alternatives vers l’est sont autant de signes que Téhéran voit se former un piège.
Que la guerre commence bientôt ou non, le champ de bataille est déjà en train d’être préparé, corridor par corridor.
Par Ibrahim Majed
Sources: Geoestrategia via Euro-Synergies; Réseau international