Un sentiment de malaise a régné au niveau officiel et diplomatique égyptien suite à la tournée de l’Emir du Qatar, Cheikh Tamim Bin Hamad Al-Thani, en Afrique subsaharienne. En effet, le Caire estime que le timing de cette tournée n’est pas innocent, il laisse transparaitre une volonté qatarie de réduire l’influence de l’Egypte dans le bassin du Nil . Une tournée africaine qui a commencé en Ethiopie et qui le mènera également au Kenya et en Afrique du Sud.
En effet, l’émir du Qatar est arrivé, lundi, à Addis-Abeba, la capitale éthiopienne, à la tête d’une délégation de haut niveau, pour une visite de deux jours, axée sur la coopération économique et sociale mais aussi sur une coopération au niveau militaire et diplomatique.
Puis, il s’est dirigé mercredi à Alger pour une visite officielle de deux jours à l’invitation du président de la République Abdelaziz Bouteflika.
Cette visite sera « l’occasion » pour le président de la République d’examiner avec l’Emir de l’Etat du Qatar les « voies et moyens de consolider et promouvoir les relations bilatérales dans divers domaines de manière à répondre aux attentes des deux peuples frères », avait indiqué la présidence de la République dans un communiqué.
Elle « permettra également aux deux chefs d’Etat de poursuivre leur coordination et concertation et d’échanger les vues sur les différentes questions arabes, régionales et internationales d’intérêt commun », avait ajouté le communiqué.
Dans une interview au quotidien libanais alAkhbar, un diplomate égyptien, proche du dossier éthiopien, a déclaré que » le Caire attend la réaction éthiopienne de la visite de l’émir du Qatar, notamment une attitude plus radicale concernant le barrage d’alNahda, et qui s’inscrit dans le cadre de la poursuite du soutien accordé à l’ Ethiopie par le Qatar au site du barrage alNahda en Décembre l’année dernière « .
Une source, qui a requis l’anonymat, a souligné qu’ « au niveau diplomatique les relations entre deux pays ne peuvent être invoquées car en apparence elles sont normales », ajoutant que « le Caire est certain que l’intérêt qatari dans des questions telles que le barrage d’alNahda ou les investissements agricoles sur le territoire éthiopien ou soudanais, a pour but de jouer avec les intérêts égyptiens dans l’eau , sachant que tout le monde sait l’eau fait partie de la sécurité nationale égyptienne principalement ».
Et de poursuivre : « la question du barrage d’alnahda est un point de discorde entre l’Egypte et l’Ethiopie car jusqu’ à ce jour les questions relatives au mécanisme de fonctionnement du barrage, au stockage de l’eau ou encore à la quantité de l’eau dont l’Egypte sera privée jusqu’à ce qu’à la mise en fonction du barrage ».
Toujours selon la même source, « l’Egypte est parfaitement consciente de l’attirance des pays africains vers les pays du Golfe en raison de leurs investissements colossales ou de leur influence politique régionale sur le continent prometteur. Du coup, l’administration égyptienne s’est activée pour tenter de faire face à la situation et s’imposer sur la scène africaine, qui s’est transformée en un terrain de jeu ouvert aux forces du Moyen-Orient ».
La source a souligné qu' » on ne peut pas ignorer le besoin des africains pour le soutien financier des pays du Golfe, sans compter la volonté de ces pays de rivaliser avec l’Egypte son statut régional, tant dans la région arabe que dans celle africaine ».
Les analystes et les observateurs expliquent le soutien aussi passionné du Qatar envers le barrage d’alNahda n’est qu’une volonté de sa part pour porter atteinte à la sécurité égyptien marine. Certains pensent que la politique régionale du Qatar ne sera pas axée sur des relations bilatérales avec certains pays, mais sur la construction d’alliances régionales fidèles à Doha, qui seront utilisées par le Qatar comme un moyen de pression sur l’Egypte.
A ce titre, la directrice de l’unité de recherches africaines, au centre d’alAhram pour les études , Amani Tawil a affirmé que » la tournée de l’émir du Qatar a pour but de former ‘une nouvelle alliance régionale entre trois pays: l’Ethiopie, le Soudan et le Qatar ».
« Cette alliance sera principalement concentrée sur une tentative d’influencer les négociations futures concernant le barrage d’alNahda et les problèmes de stockage d’eau. De même, l’Ethiopie cherche à travers son alliance avec le Soudan et le Qatar de contrer les récentes initiatives égyptiennes dans le bassin du Nil et dans les pays de la mer Rouge » a-t-elle ajouté.
Et de conclure : » on ne peut pas imaginer le rapprochement du Qatar vers l’Ethiopie indépendamment des objectifs politiques. Le Soudan est également préoccupé par le Caire qui renforce ses liens avec le Sud du Soudan, d’où son intérêt de conclure une alliance qui puisse lui garantir une forme de puissance pour faire face au Caire ».
Source: Traduit du journal AlAkhbar