L’ONU a obtenu jeudi une trêve dans plusieurs régions dévastées du Yémen, pays au bord de la famine, à l’issue de consultations de paix en Suède.
Les médiateurs, qui ne nourrissaient que de maigres espoirs d’obtenir une percée, ont indiqué que la délégation nationale (armée + Ansarullah) et celle du gouvernement démissionnaire soutenue par Ryad devaient se revoir fin janvier pour tenter de définir un cadre de négociation en vue d’un règlement politique.
Le Conseil de sécurité tiendra vendredi matin à New York une réunion pour entendre un compte-rendu de ces pourparlers à Rimbo près de Stockholm, a annoncé jeudi soir l’ONU. Il devrait adopter la semaine prochaine une résolution pour entériner leur résultat, selon des sources diplomatiques.
Cessez-le-feu à Hodeïda
Un « cessez-le-feu » doit entrer en vigueur « dans les prochains jours » à Hodeïda (ouest), port de la mer Rouge par où entre l’essentiel de l’aide dans ce pays, le plus pauvre de la péninsule arabique, et où sévit selon l’ONU « la pire crise humanitaire du monde », prévoit l’accord.
Selon les termes de l’accord signé en présence du secrétaire général de l’ONU et rapportés par les médias émiratis et saoudiens, les deux parties doivent retirer leurs troupes du port et du district de Hodeïda, laissant le contrôle de la ville à la police et aux forces locales qui la contrôlaient déjà avant 2014.
L’Arabie saoudite à la tête d’une coalition mène, depuis 2015, une guerre sans merci contre le Yémen qui a fait quatre ans de guerre qui ont fait environ 10.000 morts et menacent jusqu’à 20 millions de personnes de famine, selon l’ONU.
30 observateurs onusiens à Hodeïda
L’ONU jouera un « rôle-clé » dans le contrôle du port, a précisé M. Guterres lors d’une cérémonie en présence des deux délégations. Et selon une source onusienne, 30 observateurs de l’ONU pourraient être déployés dans la ville.
Le ministre démissionnaire des Affaires étrangères, Khaled al-Yémani, et le négociateur en chef d’Ansarullah, Mohammed Abdel Salam, ont échangé à l’issue de la cérémonie une poignée de mains à forte portée symbolique.
Points de blocage
Mais « il reste des questions en suspens », a averti Antonio Guterres.
Aucun accord n’a en effet été trouvé sur le redressement de l’économie yéménite ni sur la réouverture de l’aéroport de la capitale Sanaa.
Contrôlé par les forces yéménites et fermé depuis trois ans, il fait de facto l’objet d’un blocus par la coalition, qui reste maître du ciel.
Ansarullah révèle les dessous des consultations
Le chef de la délégation nationale, Mohammad Abdel Salam, a accusé la délégation soutenue par Ryad d’ « entraver l’arrêt total des opérations militaires et la fin de la souffrance du peuple yéménite ». Il faisait allusion au dossier économique (paiement des salaires des fonctionnaires) et l’ouverture de l’aéroport de Sanaa.
M.Abdel Salam a précisé que « cette délégation a refusé la signature d’un accord cadre de l’Onu ayant pour objectif de parvenir à une solution politique qui met fin à la guerre ».
S’agissant de l’aéroport de Sanaa, M.Abdel Salam a affirmé que les membres de la délégation qu’il préside ont « proposé le départ des avions de l’aéroport de Sanaa vers la Jordanie et l’Egypte, mais l’autre partie a réclamé leur atterrissage dans l’aéroport Aden. Or ce dernier n’est pas du tout sûr et n’est pas sous le contrôle du gouvernement démissionnaire (mais de la coalition saoudo-émiratie) ».
« La fermeture de l’aéroport de Sanaa est injustifiable, et l’objectif de faire atterrir les avions à Aden est une tentative de sauver la face », a-t-il ajouté.
Et de conclure: « nous ne sommes pas parvenus à toutes les solutions requises, mais les consultations qui se sont déroulées en Suède sont l’une des meilleures auxquelles nous avons participé… Notre peuple doit rester vigilant. Toutes les concessions présentées préservent l’unité, l’indépendance et la souveraineté du Yémen ».
Sur un autre plan, M.Abdel Salam a révélé que « la délégation nationale et certains libres vivants à l’étranger ont distribué, aux ambassadeurs et émissaires de divers pays, plus de 1000 brochures illustrant les images et les crimes de la coalition ».
Dans une interview avec la chaine yéménite AlMasirah, il a révélé que « la délégation nationale a présenté des rapports confirmant la présence des membres d’Al-Qaïda et de Daesh sur les fronts de bataille au Yémen ».
Il convient de noter qu’en dépit des négociations en Suède, la coalition a intensifié ses raids contre le front de la côte ouest, de Nehm, Doureihmi, Baqem, Razeh et autres, a affirmé jeudi le chef de l’armée yéménite, le général Yehya Sari’.
L’Iran salue les avancées « prometteuses » des consultations de paix
L’Iran a salué jeudi les avancées « prometteuses » obtenues à l’issue de ces consultations, et a espéré que des négociations futures permettent de parvenir à un accord final.
« Nous saluons les accords entre les deux parties supervisés par le représentant du secrétaire général des Nations unies et considérons comme prometteurs ces pas positifs et ces accords préliminaires pour la poursuite des pourparlers », a déclaré le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Bahram Ghassemi.
L’Iran a joué « un rôle constructif » dans l’organisation des discussions de paix en Suède, a affirmé M. Ghassemi, disant espérer la réouverture prochaine du port de Hodeïda et de l’aéroport de la capitale Sanaa afin que l’aide puisse être acheminée.
L’accord « montre que les groupes yéménites présents lors des discussions comprennent bien la situation déplorable du peuple yéménite et ont préféré empêcher la détérioration de la situation », a ajouté M. Ghassemi.
Avec AlMasirah + AFP