Les forces alliées au gouvernement en Libye ont repoussé vendredi des combattants rivaux engagés dans une offensive pour prendre la capitale Tripoli, des affrontements susceptibles de replonger le pays dans un nouveau conflit.
Le Conseil de sécurité de l’ONU doit se réunir en urgence vendredi à 19H00 GMT, à la demande du Royaume-Uni, pour discuter de la situation libyenne, ont indiqué des diplomates.
Deux autorités se disputent depuis des années le pouvoir dans ce pays en proie au chaos depuis la chute de Kadhafi en 2011: à l’ouest, le GNA dirigé par Fayez al-Sarraj, établi fin 2015 par un accord parrainé par l’ONU et basé à Tripoli, et à l’est une autorité rivale contrôlée par l’Armée nationale libyenne (ANL), autoproclamée par le maréchal Khalifa Haftar.
Jeudi soir, des forces de l’ANL se sont emparées d’un barrage de sécurité à 27 km à l’entrée ouest de la capitale libyenne Tripoli, selon un journaliste de l’AFP.
Au moins une quinzaine de pick-ups armés de canons anti-aériens et des dizaines d’hommes en uniformes militaires ont pris position à ce point de contrôle connu sous le nom de « pont 27″.
Le commandant des opérations militaires de l’ANL dans la région ouest, le général Abdessalem al-Hassi, a confirmé à l’AFP que ses forces s’étaient emparées du barrage sans combat.
Plus tôt, le maréchal Khalifa Haftar a ordonné à ses forces d' »avancer » en direction de Tripoli. « L’heure a sonné », a déclaré le maréchal, ordonnant aux troupes qui lui sont loyales « d’avancer » sur Tripoli dans un message sonore, promettant d’épargner les civils, les « institutions de l’Etat » et les ressortissants étrangers.
Les forces de l’ANL sont « aux portes de la capitale », a affirmé en soirée le général Ahmad al-Mesmari, porte-parole de l’ANL.
Du côté du GNA, le Premier ministre Fayez al-Sarraj a donné mercredi soir l’ordre à ses troupes de se tenir prêtes pour « faire face à toute menace ».
De puissants groupes armés de la ville de Misrata (ouest), loyaux au GNA, se sont dits jeudi « prêts (…) à stopper l’avancée maudite » des pro-Haftar, demandant à M. Sarraj de donner ses « ordres sans délai ».
Jeudi soir, la Force de protection de Tripoli, une coalition de milices tripolitaines pro-GNA, a annoncé de son côté sur sa page Facebook le lancement d’une opération anti-Haftar.
« Purger l’ouest »
Le général Mesmari a annoncé mercredi la préparation d’une offensive pour « purger l’ouest » libyen « des terroristes et des mercenaires », sans identifier davantage ces cibles.
Jeudi à l’aube, une colonne de véhicules armés de l’ANL est arrivée au sud de Gharyan, où l’armée du maréchal Haftar a déjà obtenu le ralliement d’un important groupe armé local, selon des images de médias pro-Haftar.
Le général Abdessalem al-Hassi a assuré à l’AFP que ses forces étaient entrées sans combattre dans Gharyan, ville située à 100 kilomètres au sud de Tripoli. Une information toutefois démentie en matinée par au moins quatre sources locales contactées par l’AFP.
Outre l’est libyen, le maréchal Haftar contrôle déjà des pans du sud du pays, vaste région désertique. En janvier, il y avait lancé une offensive pour « purger » cette zone « des groupes terroristes et criminels » et de groupes rebelles tchadiens.
Sebha, chef-lieu du sud, ainsi qu’un des plus importants champs pétroliers du pays, à al-Charara, sont passés sous son contrôle.
« Solution politique »
Cette montée des tensions a coïncidé jeudi avec le deuxième jour de la visite dans le pays du secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres.
Au cours d’une conférence de presse à Tripoli, M. Guterres a adressé un « appel ferme » pour « l’arrêt de tous les mouvements militaires, (…) à la retenue, au calme et à la désescalade, à la fois militaire et politique ». « Il n’existe pas de solution militaire en Libye. La solution doit être politique », a-t-il répété.
Guterres, qui a rencontré M. Sarraj jeudi à Tripoli, devrait rencontrer vendredi le maréchal Haftar dans l’est.
Une Conférence nationale sous l’égide de l’ONU est prévue mi-avril à Ghadamès (sud-ouest), afin de dresser une « feuille de route » avec notamment la tenue d’élections pour tenter de sortir le pays de l’impasse.
Le 31 mars, l’Union africaine (UA) annonçait par ailleurs la tenue en juillet à Addis Abeba d’une conférence de « réconciliation » entre les différentes parties libyennes.
Aucun des efforts diplomatiques de l’année écoulée n’a toutefois permis de réelle percée.
Haftar appuyé par des pays du Golfe
Selon Emad Badi, un analyste libyen, l’avancée des troupes du maréchal Haftar peut lui permettre de « valoriser sa position au niveau des négociations, si la conférence de Ghadamès se tient ». Mais l’analyste fait aussi état d’une « coordination accrue » entre les factions de l’ouest libyen, qui « considèrent toutes qu’Haftar est une menace commune ».
« Le risque d’embrasement est accru », juge pour sa part Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael de La Haye.
« Prendre Tripoli n’est assurément pas une tâche facile, mais cela reste une possibilité » pour le maréchal Haftar, appuyé par différents pays du Golfe, avance-t-il, faisant allusion aux Emirats arabes unis, à l’Egypte et à l’Arabie saoudite, où il a été reçu fin mars par le roi Salmane.
Source: Avec AFP