La communauté internationale a multiplié les appels à Khalifa Haftar pour que ses forces cessent leur offensive vers Tripoli, au moment où des combats au sud de la capitale libyenne avec le gouvernement de Fayez al-Sarraj font craindre un nouvel embrasement.
Réunis vendredi en France, les ministres des Affaires étrangères des sept pays les plus industrialisés (G7) ont « exhorté » tous les acteurs à stopper « immédiatement » tous « les mouvements militaires vers Tripoli, qui entravent les perspectives du processus politique mené par les Nations unies ». « Il n’y a pas de solution militaire au conflit libyen », ont souligné les chefs de la diplomatie des Etats-Unis, du Canada, de la France, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, d’Italie et du Japon.
Le même jour, le Conseil de sécurité de l’ONU, convoqué en urgence, a lui appelé plus directement l’Armée nationale libyenne du maréchal Haftar, qui a entrepris de marcher vers la capitale, « à interrompre tous les mouvements militaires », selon l’ambassadeur allemand Christoph Heusgen.
Depuis le renversement par l’Otan du régime Kadhafi en 2011, cet Etat pétrolier d’Afrique du Nord est plongé dans le chaos avec la présence de nombreuses milices ainsi que deux autorités rivales qui se disputent le pouvoir: le Gouvernement d’union nationale (GNA) dans l’Ouest, reconnu par la communauté internationale, et l’ANL de Khalifa Haftar dans l’Est.
Au lendemain d’une rencontre à Tripoli avec le chef du GNA Fayez al-Sarraj, le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres a rencontré vendredi à Benghazi (est) le maréchal Haftar.
Guterres « profondément inquiet »
« Je quitte la Libye avec une profonde inquiétude et un cœur lourd », a ensuite déclaré le patron de l’ONU à l’aéroport, « espérant toujours possible d’éviter une confrontation sanglante à Tripoli et ses environs ».
Jeudi, Khalifa Haftar a ordonné à ses forces d' »avancer » en direction de Tripoli. « L’heure a sonné », a-t-il dit dans un message audio, promettant d’épargner les civils, les « institutions de l’Etat » et les ressortissants étrangers.
La force de protection de Tripoli, une coalition de milices fidèles au GNA, a aussitôt annoncé une contre-offensive et de puissants groupes armés de la ville occidentale de Misrata se sont dits « prêts à stopper l’avancée maudite » des pro-Haftar.
Vendredi avant l’aube, ces derniers ont été chassés après un « court accrochage » à un barrage à 27 km à l’ouest de Tripoli, selon une source de sécurité. Des dizaines de combattants pro-Haftar ont été faits prisonniers.
Selon un journaliste de l’AFP sur place, M. Sarraj, accompagné de commandants militaires, s’est rendu ensuite au barrage, dans un convoi d’une vingtaine de véhicules, dont des pick-up armés de canons anti-aériens. Il a échangé avec les troupes avant de reprendre la route vers Tripoli.
En fin de journée, de premiers combats significatifs ont éclaté entre les deux camps à une cinquantaine de kilomètres au sud de Tripoli.
Des forces de l’ANL ont pu progresser ensuite jusqu’à l’aéroport de Tripoli situé à une trentaine de kilomètres au sud de la capitale et inutilisé depuis qu’il a été détruit en 2014 par des combats.
Risque de « bain de sang »
L’ANL a réussi à prendre brièvement l’aéroport, avant d’en être chassée par les forces loyalistes, a déclaré le ministre de l’Intérieur du GNA, Fathi Bachagha, à la télévision Libya al-Ahrar. « Les combats se déroulent actuellement dans la région de Gasr Ben Ghechir », au sud de l’aéroport, a-t-il précisé.
Le porte-parole de l’ANL, Ahmad al-Mesmari, a lui fait état « d’une importante avancée », tout en reconnaissant le revers subi vendredi matin avec la perte du barrage de sécurité à l’ouest de Tripoli.
Il a déploré cinq morts parmi les forces de l’ANL depuis jeudi, faisant état d’un autre front dans la région d’Al-Azizia, à 50 km au sud-ouest de la capitale.
Le Kremlin a mis en garde contre une « reprise du bain de sang » et appelé à un règlement « pacifique et politique » du conflit.
Avant la Russie, Washington, Paris, Londres, Rome et Abou Dhabi ont appelé les protagonistes libyens à faire baisser les tensions et à trouver une solution politique. Le Canada et la Tunisie, pays voisin de la Libye, ont aussi exprimé leurs inquiétudes.
La nouvelle escalade intervient avant une Conférence nationale sous l’égide de l’ONU prévue mi-avril à Ghadamès, dans le sud-ouest du pays, afin de dresser une « feuille de route » avec la tenue d’élections pour tenter de sortir le pays de l’impasse.
« Le risque d’embrasement est accru », estime Jalel Harchaoui, chercheur à l’Institut Clingendael de La Haye. « Prendre Tripoli (…) reste une possibilité » pour Khalifa Haftar, appuyé par des pays du Golfe, avance-t-il, faisant allusion aux Emirats arabes unis et à l’Arabie saoudite, où il a été reçu fin mars.
Source: Avec AFP