Les analyses faisant état de divergences entre les deux alliés saoudien et émirati de la coalition arabe dans la guerre contre le Yémen, sur les récentes évolutions ne font pas l’unanimité.
Le samedi 10 août, les forces séparatistes du sud supervisées par le Conseil transitoire du sud (CTS) et soutenues par les EAU se sont emparées à Aden et son entourage de la plupart des camps qui étaient occupés par la Garde présidentielle, fidèle au président yéménite contesté Abed Rabbo Mansour Hadi. Pourtant l’allié indéfectible des deux pays.
Ces dernières heures, il est question que d’autres milices également soutenues par Abu Dhabi, Gardiens de la République et Bataillons des géants ont conquis le camp al-Omari qui surplombe le détroit de Bab al-Mandeb. Sans résistance qui vaille comme dans le cas précèdent.
Certains observateurs semblent bien convaincus que l’Arabie saoudite et les Emirats arabes unis sont tout-à-fait d’accord pour laisser tomber leur homme de main Hadi et faire valoir d’autres acteurs dans leur projet de division du Yémen.
Une thèse très plausible alors que ces deux pays sont en train de perdre la guerre du Yémen face à l’organisation Ansarullah à qui ils font d’ores et déjà miroiter qu’ils sont prêts à lui concéder le nord du pays.
Parmi ceux qui défendent cette perception figure un tweeter très bien suivi sur sa page et se présentant sous l’appellation Mohamad al-Ahmad et qui a été relayé par le site d’information en ligne qatari Watanserb. Selon lui, tout comme le prince héritier émirati Mohamad ben Zayed, le prince héritier saoudien Mohamad ben Salmane soutiennent la séparation entre le sud et le nord non pas parce que c’est un fait accompli mais en raison du fait qu’il y va pour ses intérêts. Les deux princes concoctent aussi de donner le nord à l’organisation Ansarullah qu’ils ne sont pas parvenus à vaincre dans leur guerre qui dure depuis plus de 4ans.
Selon lui, plusieurs faits tangibles reflètent un soutien tacite de Riyad à la campagne des séparatistes. Contrairement aux apparences lorsque des avions de la coalition ont bombardé les positions conquises par les séparatistes le lendemain de leur campagne.
Il cite entre autre le silence des appareils saoudiens officiels et non officiels durant cette dernière, relève al-Ahmad. Hormis les déclarations de l’ambassadeur saoudien au Yémen selon lequel « ce qui se passe au Yémen ne fait que servir les Houthis ». Il n’a toutefois pas pris la défense de Hadi, constate le tweeter.
En même temps, assure-t-il, les forces de ce dernier se sont trouvées à court d’armements et sans aucun soutien ni politique, ni logistique, ni diplomatique de la part de l’Arabie saoudite. Alors que les séparatistes ont obtenu des équipements aussi bien légers que lourds et un approvisionnement complet en effectifs et en logistique qui ne saurait être effectué à l’insu de l’Arabie.
« La coalition menée par l’Arabie n’a publié de communiqué officiel que lorsque la situation a été tranchée en faveur des séparatistes et la formule du texte semblait reconnaitre le fait accompli au lieu de s’opposer à l’élimination de la légitimité», a-t-il tweeté insinuant par le terme « légitimité » les forces de Hadi.
Constatant entre autre que le communiqué de la coalition s’est contenté de menacer quiconque viole le cessez-le-feu, Al-Ahmad s’interroge sur sa page sur la nécessité d’une telle violation alors que « les défenseurs de la légitimité étaient entièrement finis ».
Autre constat de sa part : dans le discours médiatique saoudien, les séparatistes ont été traités sur le même pied d’égalité que les forces pro Hadi et n’ont pas été taxés de rebelles comme c’est le cas avec les Houthis. Il a surtout insisté pour inviter les deux protagonistes à des négociations à Riyad.
Sur les raisons pour lesquelles MBS s’est résigné à une telle option, l’analyste avance l’incapacité de ce dernier à trancher la bataille au Yémen en sa faveur d’autant que sa poursuite menaçait sérieusement son règne sur tous les niveaux.
Le séparatistes seraient aussi programmés pour aussi bien servir les agendas de MBS que ceux de MBZ, sur le plan religieux où al-Ahmad perçoit aussi « campagne de liquidations et d’arrestations contre les prédicateurs et les islamistes à Hadramaout et dans les villes du sud », à l’instar de ce qui se passe en Arabie saoudite et aux Emirats arabes unis.
Ils seraient aussi disposés à renoncer à Riyad une bande terrestre qui s’étend depuis al-Robea al-Khali et jusqu’à la mer arabe, aux confins avec les frontières omanaises. Ce qui selon le tweeter devrait permettre aux Saoudiens d’y installer un pipeline énorme pour exporter du pétrole en contournant le détroit d’Ormuz. Un projet d’autant plus juteux qu’il jouit du consentement des Etats-Unis et de l’Europe, qui, curieusement n’ont pas exprimé de positions hostiles aux récentes manœuvres des séparatistes.
Sur les chances de réussite du projet saoudo-émirati, le blogueur estime qu’elles sont minces.
Il s’est attendu à l’exacerbation des tensions tribales dans le sud, compte tenu de sa composition sociale. Il prévoit aussi leur rejet de donner le nord à Ansarullah, de permettre à l’Arabie de parler en leur nom ou de négocier avec l’organisation houthie en leur nom.
Même cette dernière devrait aussi, d’après lui, afficher son opposition à la séparation du sud.
De plus en voyant Riyad abandonner les forces pro Hadi, il faut s’attendre à ce que les groupes pro saoudiens prennent désormais leurs précautions et envisagent une entente avec les Houthis ou une alliance contre l’Arabie.
Enfin, Al-Ahmad estime qu’Oman ne va non plus rester les bras croisés devant des mesures censées affaiblir sa sécurité nationale en voyant l’Arabie saoudite se placer entre son territoire et le sol yéménite. En allusion à la bande terrestre que les séparatistes pourraient léguer à l’Arabie.
En conclusion al-Ahmad est persuadé que les dernières évolutions ne feront que compliquer la donne au Yémen. Alors que les Saoudiens et les Emiratis croient se libérer du bourbier dans lequel ils se sont empêtrés, il ne font que s’y engluer davantage.