Les États-Unis n’ont fait que trahir le peuple kurde, encore et encore. Vous voyez, vous ne pouvez trahir que quelqu’un qui vous fait confiance et les Kurdes, à tort, font confiance aux Étasuniens.
Le problème, c’est que les Étasuniens que les Kurdes aiment ne dirigent pas les États-Unis et, franchement, ils n’existent peut-être plus.
Nous commençons par cette citation du Daily Beast, un média autrefois contrôlé par la puissante députée israélienne et étasunienne Jane Harman, dont la carrière s’est effondrée lorsqu’elle a été surprise en train d’aider le super espion Jonathan Pollard.
C’est une autre histoire, l’histoire publique est que Pollard aidait Israël avec des renseignements sur les Palestiniens. La vérité ? Pollard a détruit la CIA en accédant à des listes d’agents infiltrés qui ont été vendues au plus offrant, à savoir l’Union Soviétique. Plus de 1000 d’entre eux ont été « liquidés ».
Je n’en parle que parce que, au fur et à mesure que nous avançons, nous entrons dans une réalité différenciée. J’ai servi dans le Gouvernement Régional du Kurdistan (GRK) avec la mission de l’ONU au plus fort de l’occupation US. En tant que diplomate et Étasunien qui critiquait la politique US, j’ai construit de solides relations, de solides amitiés et j’ai provoqué la colère de beaucoup de gens lorsque je n’ai pas cédé à la pression US depuis Bagdad.
Comme pour toute question, la première chose que nous devons ou devrions aborder est de savoir pourquoi un lecteur devrait s’en soucier, pourquoi est-ce important maintenant, même si on vit à 3000 ou 7000 km de distance ? Une réponse toujours valable est la question du bien et du mal, il y a une place pour la moralité et la justice, même aujourd’hui. Voici notre citation du Daily Beast, comme promis :
« Il est clair que Donald Trump ne ressent aucun remords pour sa décision d’abandonner les Kurdes alliés de l’armée US en Syrie pour faire place à une attaque de la Turquie. La Maison-Blanche a annoncé dimanche soir que les troupes US se retireraient du nord de la Syrie et laisseraient les Kurdes, qui ont mené la majorité des combats contre l’État Islamique et mené la lutte pour faire tomber le « Califat » du groupe terroriste, seuls pour affronter une invasion turque. Écrivant lundi matin, Trump a plus ou moins dit « tant pis » aux alliés qu’il a abandonnés, en déclarant que les Kurdes « vont maintenant devoir régler la situation ».
Il a écrit :
« Les Kurdes se sont battus avec nous, mais ils ont reçu des sommes d’argent et de l’équipement considérables pour le faire. Ils combattent la Turquie depuis des décennies. J’ai retardé ce combat pendant presque 3 ans, mais il est temps pour nous de sortir de ces guerres sans fin ridicules, dont beaucoup sont tribales, et de ramener nos soldats à la maison. NOUS NOUS BATTRONS LÀ OÙ CELA NOUS EST BÉNÉFIQUE, ET SEULEMENT POUR GAGNER ». Le président a ajouté : « Nous sommes à 7000 miles de là et nous écraserons l’État Islamique à nouveau s’ils s’approchent de nous ! »
Réalités kurdes et exploitation US
Les Kurdes sont très nombreux en Turquie, en Irak, en Syrie et en Iran. Les terres qu’ils occupent changent car elles ont toutes été ethniquement nettoyées et considérées comme des « nettoyages ethniques » lorsqu’elles étaient soutenues par les États-Unis.
Ainsi, les Syriens ont toujours eu une population kurde au nord d’Alep et dans certaines régions de l’Est, mais nient généralement l’existence d’une région kurde historique à Hasakah ou en particulier à Deir Ezzor, où les Kurdes ont enlevé des populations arabes et ont agi comme une force d’occupation hostile comme en témoignent les soulèvements généralisés dans certaines régions contre le pouvoir kurde.
En Irak, les Kurdes détenaient des régions au nord de Bagdad jusqu’à ce que Saddam Hussein les expulse dans les années 1970, puis se sont déplacés vers le nord car leur présence menaçait le contrôle des énormes réserves de pétrole de Kirkouk.
Nous allons également fournir de la documentation de base maintenant, car le contexte est le plus important et, comme Trump le reconnaît si souvent à juste titre, ce qu’on dit au public est faux à 100%.
Remontons le temps jusqu’en 2014 et la prise de pouvoir fulgurante de l’EI sur une grande partie de l’Irak. J’étais là à l’époque, représentant un groupe de défense des Émirats Arabes Unis, de la Grande-Bretagne, de la France et des États-Unis, pour essayer de réorganiser l’armée irakienne. Je ne reviendrai pas là-dessus, mais dire que c’était une «mission d’imbécile » est un euphémisme.
La CIA m’avait précédé avec des grosses sommes d’argent saoudien et une histoire. Ils allaient redonner la prééminence à la population sunnite minoritaire de l’Irak, mais pour ce faire, il fallait créer un faux groupe terroriste, un groupe étroitement contrôlé, qui déclencherait une guerre civile qui détruirait les puissantes milices chiites soutenues par l’Iran et favoriserait un retour des États-Unis.
L’objectif de la CIA était de reconstruire l’infrastructure et un climat politique qui permettrait aux États-Unis de manipuler un Irak divisé pour qu’il accueille une invasion US de l’Iran depuis son sol et l’État Islamique allait rendre cela possible.
Ainsi, les Étasuniens en Irak pendant la guerre contre l’EI ont principalement bombardé les milices irakiennes combattant l’EI tout en ravitaillant l’EI et en utilisant les ressources étasuniennes pour que la guerre dure le plus longtemps possible.
Le général Souleimani d’Iran avait d’autres idées et n’avait pas été pris en considération. Début octobre, les États-Unis ont de nouveau tenté d’assassiner Souleimani, la 4ème tentative ou était-ce la 5ème ?
Il y a d’autres histoires, la Syrie est claire, Al-Qaïda et l’État Islamique sont alliés avec Israël et l’Arabie saoudite, ainsi que les États-Unis les combattant tout en les aidant.
C’est la guerre qui compte
Ce que le public ne comprend jamais, c’est que c’est la guerre qui compte, et non pas qui se bat, ni même qui gagne ou perd, le grand jeu est toujours fondé sur le conflit. Ce n’est qu’en période de conflit que les prix du pétrole et du gaz peuvent être manipulés ouvertement et rapporter des milliards, que d’énormes contrats d’armes peuvent être signés, que d’autres milliards peuvent être volés et que les gouvernements peuvent être ouvertement corrompus, alors que le public se retrouve dans une situation de désespoir permanent, sous le régime de forces de l’ordre renouvelées dans les anciennes démocraties occidentales.
Parlons-nous de la « Turquie », du complot pour renverser Erdogan ? Il dit que c’était la CIA, mais il est toujours assis à la table avec l’OTAN et se rend régulièrement aux États-Unis.
Ainsi, nous avons une armée turque prête à entrer en Syrie pour massacrer les Kurdes qui ont mollement combattu l’EI, mais surtout volé des terres arabes et canalisé le pétrole syrien et irakien, plusieurs milliards de barils, à travers la Turquie et sur les marchés mondiaux, enrichissant qui ?
On se souvient ensuite de la guerre kurde contre l’EI qui a permis aux convois pétroliers de l’EI de traverser la capitale kurde d’Erbil pendant des années, à travers les « lignes de bataille » dans une guerre à 99% «sitzkrieg » et 1% « blitzkrieg ».
Pourtant, comme les Palestiniens, les Kurdes souhaitent leur propre État. Au lieu de cela, ils ont été poussés à prendre la terre de quelqu’un d’autre, habilités par les complots de la CIA contre la Turquie, l’Irak et la Syrie, comme un outil à utiliser et jeter. Ils sont tombés dans un piège que n’importe quel idiot aurait dû voir, un piège dans lequel ils avaient déjà été, encore et encore.
Vers qui peuvent-ils se tourner ? Damas et Moscou les sauveront-ils ?
Des unités kurdes ont combattu aux côtés des forces syriennes pour libérer Alep. J’ai parlé avec des dirigeants syriens et la Syrie est disposée à soutenir une zone autonome kurde fondée sur le retrait des États-Unis et le rétablissement des communautés arabes qui ont été écrasées par une incursion étasuno-kurde qui n’avait rien à voir avec la lutte contre l’EI.
Les forces de l’EI ont été évacuées à maintes reprises des zones où l’on prétendait que les forces de l’EI avaient été « vaincues ».
À maintes reprises, les forces de l’EI ont été déplacées dans des camps d’entraînement pour être redéployées en Syrie ou en Afghanistan lorsqu’on prétendait qu’elles avaient été vaincues au combat.
Le rétablissement de la confiance est un problème pour les Kurdes et, dans une certaine mesure, la raison pour laquelle ils sont aujourd’hui confrontés à l’anéantissement.
Pourtant, il y a une décence inhérente au peuple kurde et s’il y a une faute, c’est qu’il fait confiance aux mauvaises personnes ou qu’il saisit des occasions « trop belles pour être vraies », ce qui s’est avéré être exactement cela, « trop belle pour être vraie ».
Regardons ensuite la Turquie et demandons-nous si une éventuelle souveraineté syrienne est fondée sur de véritables questions de sécurité. Cette réponse serait de manière générale « non », un « non » très catégorique.
Les mains sales de la la Turquie en Syrie et en Irak
La Turquie n’a pas les mains propres quand il s’agit de la Syrie.
À Idlib, la Turquie a travaillé main dans la main avec l’EI et Al-Qaïda pendant des années, a violé tous les accords et ne s’y conforme que lorsqu’elle est contrainte par des sanctions économiques et une défaite militaire.
La Turquie continue de considérer la terre turque de Hatay bien que cette région soit ethniquement syrienne et l’ait été depuis des temps immémoriaux.
De l’autre côté de la frontière, à Idlib, l’occupation turque, main dans la main avec Al-Qaïda payé par les Saoudiens, est une réalité indéniable, oui, le même Al-Qaïda à un moment donné accusé d’avoir organisé le 11 septembre.
Pourtant, avec le déclin de la puissance étasunienne, ayant perdu un «combat de terrain » contre l’Iran alors que l’Arabie Saoudite commence à s’effondrer de l’intérieur comme de l’extérieur, il est clair que la Russie détient toutes les cartes.
La question n’est pas de savoir si les Kurdes seront punis, mais quel sera le degré de punition autorisé lorsque l’incursion turque sera contraire aux garanties russes de la souveraineté syrienne.
Derrière tout cela se cache la survie de la Syrie. La province d’Idlib, occupée par la Turquie, dispose d’importantes réserves de pétrole et de gaz convoitées par la Turquie et ses partenaires israéliens.
Une autre menace pour la Turquie est le projet d’oléoduc reliant l’Iran à la Méditerranée, qui réduirait les revenus de la Turquie provenant des champs pétroliers de Kirkouk en Irak. On pourrait également ajouter que la Turquie a permis le vol de pétrole irakien, vendu via la Turquie, principalement à Exxon et BP, pendant de nombreuses années.
Un autre rappel est le rôle de la Turquie dans le pillage du nord de la Syrie. Des usines entières ont été démantelées, des banques pillées, tout ce qui pouvait être déplacé des régions les plus industrialisées de Syrie a été transporté par camion en Turquie et réparti par familles clés loyales envers Erdogan. Le ministère de la Justice de Damas a une liste, une longue liste, de preuves sans fin et il est peu probable qu’il «pardonne et oublie » le vol de 100 milliards de dollars d’actifs par la Turquie. J’ai personnellement examiné ces dossiers.
L’Irak a une liste similaire et le gouvernement de Bagdad cite la complicité kurde dans le pillage de l’Irak par l’EI. Toutes les routes vers la Turquie et les marchés mondiaux passent par des régions contrôlées à 100 % par les Kurdes, ces milliers de camions pétroliers par exemple, escortés hors d’Irak par des Kurdes et non par l’EI. Tout le monde dans le monde n’ignore pas la géographie.
Pourtant, lorsque les Kurdes font face à la colère, en particulier de la main la moins offensée, celle de la Turquie, ne devraient-ils pas être défendus, en particulier par les États-Unis ?
Prévenir un super-Etat Islamique
Derrière cela se cache un jeu à plus long terme, qui consiste à prévenir l’inévitabilité d’un « super-État » Islamique capable de stabiliser la région et de mettre en place une vaste zone commerciale entre l’Europe et la Chine.
Il ne s’agit pas seulement de la route de la soie vers le sud, mais de quelque chose de plus. Jouer au « grand jeu » du « diviser pour régner», monter les sunnites et les chiites les uns contre les autres, soutenir les terroristes de l’Organisation des Moudjahiddines du Peuple Iranien (MeK) ou jouer avec les Kurdes ne sont que des moyens de repousser ce qui est inévitable.
Ce n’est pas une superpuissance nucléaire islamique que l’on craint, mais plutôt la menace la plus dangereuse à laquelle les « élites » et les « oligarques » sont confrontés, celle de voir la paix « éclater ».
Par Gordon Duff: ancien combattant de la guerre du Vietnam, il a travaillé pendant des décennies sur les questions relatives aux anciens combattants et aux prisonniers de guerre et consulté les gouvernements confrontés à des problèmes de sécurité. Il est rédacteur en chef et président du conseil d’administration de Veterans Today, et écrit pour le magazine en ligne «New Eastern Outlook».
Sources: New Eastern Outlook; Traduction Réseau international