Emmanuel Macron avait été alerté dès décembre 2019 des dangers du coronavirus par l’ambassadeur de France à Pékin, selon les informations du Canard enchaîné. Un avertissement qui s’ajoute à celui d’Agnès Buzyn en janvier et à celui de l’actuel DGS, qui mettait en garde le candidat Macron sur l’impréparation du pays face à une épidémie.
Visiblement non. Selon le Canard enchaîné du 6 mai, Emmanuel Macron et Jean-Yves Le Drian, son ministre des Affaires étrangères, avaient été avertis de la menace que représentait le coronavirus SARS-CoV-2 bien avant son arrivée en Europe.
Le Palmipède révèle ainsi que dès le mois de décembre, le quai d’Orsay et le palais présidentiel avaient «reçu des informations alarmantes dont ils n’ont tenu aucun compte», lorsque Laurent Bili, ambassadeur de France en Chine, avait averti le sommet de l’exécutif de l’apparition d’un dangereux virus à Wuhan. Nous étions alors plusieurs semaines, avant le premier décès en France –et en Europe–, celui d’un touriste chinois de 80 ans, hospitalisé depuis le 25 janvier à Bichat dans le XVIIIe arrondissement de la capitale.
«Ne serait-ce que pour la protection nécessaire des Français séjournant et travaillant à Wuhan, les informations venues de Pékin, via l’ambassade, méritaient mieux qu’une lecture rapide», assène le «Canard», qui rappelle les liens particuliers qu’entretient la France avec la ville de Wuhan. À la décharge du Président, l’hebdomadaire satirique énumère des précédents en matière de mise en sourdine d’alertes sanitaires adressées aux chefs d’État français successifs. 2005, 2008, 2009 ou encore 2013 marquent ces différentes «alertes au virus», depuis la crise du SRAS, adressées sans grand succès par des services de sécurité –parfois étrangers– au sommet de l’exécutif tricolore.
«Quand sont parvenues à Paris, en décembre 2019, les informations relatives à l’apparition d’un nouveau virus, il était encore possible, pour un Président conscient de ses responsabilités, de constituer un bon stock de masques, de tests et de respirateurs. Mais Macron n’a pas trouvé le temps d’y penser», conclut le Canard enchaîné.
Des révélations qui plantent une nouvelle épine dans le pied de la défense adoptée par le gouvernement depuis le début de l’épidémie: la crise était imprévisible, répète-t-il à l’envi. Une ligne adoptée notamment face aux critiques concernant la fonte, ces dernières années, du stock stratégique de masques de protection respiratoire. Si aujourd’hui, Agnès Pannier-Runacher, Secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des Finances, vante les mérites de l’administration dans la gestion de la crise et claironne que «c’est nous qui avons poussé l’ensemble des entreprises à s’équiper en masques», cette même Secrétaire d’État appelait les Français à «sortir de ce fantasme autour des masques». Nous étions le 19 mars, le jour où la France aurait passé sa première commande de masques à la Chine.
«Si le Covid-19 est imprévisible dans le moment où il se manifeste, c’était en revanche tout à fait possible qu’une crise se manifeste», jugeait fin mars, auprès de nos confrères de France24, Aurélien Rouquet, professeur de logistique à la Neoma Business School. Auteur quelques jours plus tôt d’une tribune publiée dans le journal Le Monde, il revenait sur la succession de «décisions aberrantes» ayant mené à la disparition des masques.
Il fustigeait une «faillite logistique» en France, le manque de tests et de lits de réanimation qui manquaient alors également à l’appel ne faisant à ses yeux que «confirmer le déficit structurel de vision logistique qui existe au sommet de l’État».
Jérôme Salomon, auteur en 2016 d’une note à Macron
D’ailleurs, en mai 2019, un rapport de Santé Publique France avertissait que si sa «survenue ne peut être datée», le risque de pandémie «doit être considéré comme important», recommandant d’entretenir le stock de masques de protection, «une assurance, que l’on souhaite, malgré la dépense, ne jamais avoir besoin d’utiliser», précisait le rapport. Ce dernier avait été commandé en novembre 2016 par la Direction Générale de la Santé (DGS).
Hasard du calendrier? En septembre 2016, le chef de pôle adjoint à l’hôpital Raymond-Poincaré de Garches (Hauts-de-Seine), un certain Jérôme Salomon –que les Français ont appris à connaître ces dernières semaines sous sa casquette de patron de la DGS, poste auquel il a été nommé début 2018 par Agnès Buzyn– avait averti l’équipe de campagne d’Emmanuel Macron de l’impréparation de la France face à la survenue d’une «catastrophe majeure» telle qu’une pandémie.
Dans cette note confidentielle datant de septembre 2016, et rendue publique quelques mois plus tard à l’occasion des «Macron Leaks», Jérôme Salomon appelait ainsi à une «révision en profondeur» de la «réponse nationale face aux risques majeurs de catastrophe, d’acte terroriste avec tuerie de masse, d’afflux de victimes et/ou d’usage d’armes NRBC [nucléaires, radiologiques, biologiques, chimiques, ndlr]», rappelait CheckNews dans l’un de ses articles. La rubrique de «vérification des faits» de Libération soulignait au passage que l’on retrouvait alors, dans le «groupe Santé» de la campagne de Macron, au côté Jérôme Salomon, l’actuel ministre de la Santé, Olivier Véran.
En somme, difficile de prétendre que le risque et l’importance des masques n’étaient pas connus de l’équipe dirigeante actuelle.
«Il va falloir qu’il s’en explique. Les homicides et blessures involontaires, ce sont des actes de négligence, d’abstention», s’emportait au micro de Sputnik l’avocat Régis de Castelnau, à l’encontre de Jérôme Salomon. «On ne fait pas ce qu’on devrait faire alors qu’on a la connaissance de la situation: eh bien, c’est une faute pénale!», avertissait-il.
Au-delà du fait que le pouvoir savait que ce risque épidémiologique, pandémique, pouvait un jour survenir, la menace que représentait singulièrement le coronavirus SARS-CoV-2 était connue au sommet de l’État, à en croire les aveux de l’ex-ministre de la Santé, Agnès Buzyn.
Souvenez-vous, nous étions mi-mars, alors que l’on se questionnait sur le bien-fondé d’avoir maintenu le premier tour des élections municipales.
La toute fraîche candidate LREM, éliminée sans surprise la course à la mairie de Paris, à l’issue de ce premier tour qu’elle qualifia de «mascarade», se lâchait dans une interview accordée au quotidien Le Monde. S’apitoyant sur son sort, elle déclarait notamment:
«Je pense que j’ai vu la première ce qui se passait en Chine: le 20 décembre, un blog anglophone détaillait des pneumopathies étranges. J’ai alerté le directeur général de la santé. Le 11 janvier, j’ai envoyé un message au Président sur la situation. Le 30 janvier, j’ai averti Édouard Philippe que les élections ne pourraient sans doute pas se tenir. Je rongeais mon frein.»
«Quand j’ai quitté le ministère […], je pleurais parce que je savais que la vague du tsunami était devant nous. Je suis partie en sachant que les élections n’auraient pas lieu», se justifiait une Agnès Buzyn qui, au cours de l’interview, laissait transparaître une certaine attention à l’égard sa «réputation». «Fallait-il abandonner son poste en pleine tempête, alors qu’elle devinait le drame à venir?» s’interrogeait alors la journaliste du Monde. Des aveux qui ont motivé la plainte d’un collectif de soignants à l’encontre de l’ex-ministre, également intéressé par la véracité de la date des commandes de masques passées à la Chine.
«Je ne l’appelle plus. Ça ne sert à rien, c’est même contre-productif. Il n’écoute personne!», déclarait au Parisien un fidèle d’Emmanuel Macron, dans une formule qui a depuis fait florès. Nous étions dans un tout autre contexte, celui des grèves contre la réforme des retraites, nous étions en décembre 2019.
Source: Sputnik