L’opération Rubicon a été mise en route par Berlin et Washington pour écouter tous les pays du monde et toutes les personnes ciblées. Cette affaire dévoile la question de la dépendance des services secrets d’un Etat mais aussi leur souveraineté politique. C’est par la chancelière allemande que le scandale a pris une tournure brisante.
En 2013, un scandale secoue l’Allemagne et ébranle Angela Merkel. Ses services avaient auparavant fait la promotion par la presse de la qualité exceptionnelle de son portable, qu’il était impossible d’écouter. C’était aux Etats-Unis l’époque de la gouvernance démocrate avec Barack Obama.
Une période glaciaale a alors menacé les relations germano-américaines. Les services secrets américains surveillaient apparemment non seulement le téléphone portable de la chancelière Angela Merkel, mais utilisaient déjà également l’ambassade US à Berlin comme poste d’écoute. Angela Merkel a souvent dit qu’elle supposait déjà que ses appels pouvaient être mis sur écoute, mais elle pensait alors à des pays comme la Chine ou la Russie, mais pas au camp ami de Washington. Ce fut un choc brutal et le monde commençait à obtenir des informations sur les actions de la NSA et des écoutes.
L’affaire des écoutes et de la NSA a ébranlé les certitudes de la politique allemande. Même la CSU, un fidèle ami de Washington, a remis ouvertement en question l’accord de libre-échange transatlantique. «Espionner des amis, ce n’est pas possible», avait déclaré la chancelière Angela Merkel lors d’un sommet de l’UE à Bruxelles et rajouté: «Maintenant, la confiance doit être rétablie».
Il y a peu de temps, Berlin semblait avoir une confiance ferme dans les services secrets de l’allié américain. En Allemagne, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Etats-Unis, est l’ami fidèle et protecteur du bien-être du peuple allemand, surtout chez le camp de la CDU et de la CSU mais plus généralement au sein de la population, surtout dans les anciens Länder.
Cette affaire a ébranlé profondément cette confiance et remis en cause cette certitude chez les sphères politiques et la population, expliquant notamment l’émergence de mouvements patriotiques (AfD fondée en 2013, Die Montagsdemos, Pegida, Die Reichsbürger) dénonçant les Etats-Unis, comme un pouvoir occupant le pays. Ce qui est nouveau en Allemagne. Mais, curieusement les protestations, surtout dans les hautes sphères du monde politique ont été étouffées dans l’œuf, laissant le peuple continuer seul à tenter de reprendre avec très peu de moyens l’indépendance de sa politique.
La raison de ce silence et de l’arrêt des poursuites du politique allemand contre l’attaque américaine pour l’espionnage des conversations secrètes des politiques allemands des plus hauts gradés est dû à la révélation de l’opération Rubicon. L’affaire a révélé la trahison de l’ami américain envers l’Allemagne mais aussi la trahison à un vaste niveau de l’Allemagne et de Washington envers le monde libre, envers leurs alliés mais envers d’autres Nations.
Des journalistes allemands de la ZDF, du Zeit, et américains du Washington Post ont révélé que les services secrets allemands, BND, et américains, CIA, ont acheté en 1971 la société Crypto AG via un fonds du Lichtenstein. Et cette opération conjointe a été baptisée Rubicon. Les deux services secrets ont donc utilisé une société écran, officiellement opérant en Suisse en terrain neutre, faisant la promotion de la garantie du secret des données stockées pour leurs clients.
«Parmi ses clients – les deux rivaux, le Pakistan et l’Inde, des juntes militaires latino-américaines, l’Argentine, l’Arabie saoudite, l’Iran, l’Autriche, la Turquie, la Libye, la Grèce, le Qatar, le Japon, la Corée du Sud et même le Vatican», comme Observateur Continental l’écrivait en février dernier.
De facto, ces clients très spéciaux (chefs d’Etat, organisations secrètes d’Etat ou des sociétés privées), qui ont tous payé de leur poche à un prix très élevé pour que leurs informations, devant rester secrètes, se retrouvent au final entre les mains de la CIA et du BND.
Les services secrets allemands étant impliqués dans ce montage d’écoute international, Angela Merkel et les responsables politiques de Berlin ont été obligés de se taire, au risque de voir d’autres révélations très compromettantes sortir dans les médias dès 2013.
Cependant cette affaire a provoqué un scandale en Allemagne et ébranlé la justice et la constitution de l’Etat allemand. La Cour constitutionnelle fédérale ( Bundesverfassungsgericht) a entamé une procédure contre le BND accusant les services allemands d’avoir violé la constitution allemande (Grundgesetz). Au-delà, le BND a trahi le politique allemand en travaillant avec la CIA mais aussi ses alliés de l’Otan.
Par Olivier Renault
Source : L’observateur continental