La Chine, la Russie et l’Iran se préparent à de nouveaux exercices conjoints – dans le Nord de l’océan Indien. Le triumvirat semble plus que jamais déterminé à montrer son unité aussi bien dans le cadre trilatéral que du grand espace eurasien dans son ensemble – devenu un fer de lance évident du concept multipolaire. Et vraisemblablement aussi de la véritable communauté internationale.
Après les exercices navals conjoints de décembre 2019 entre les trois pays, qui s’étaient déroulés dans l’océan Indien et le golfe d’Oman, les forces armées chinoises, russes et iraniennes se rencontreront désormais à nouveau dans le cadre d’un exercice naval dans le Nord de l’océan Indien.
Si les trois puissances ne cachent pas leur proximité dans la sphère géopolitique, géoéconomique et sécuritaire internationale, il n’empêche qu’à chaque nouvelle action du triumvirat, l’establishment politico-médiatique occidental s’active dans ses commentaires. Cette nouvelle fois n’a pas fait l’exception.
Pour France Info, les trois nations présentent désormais un front uni face à leurs rivaux occidentaux. En parlant justement de rivalité, il serait tout de même important de rappeler que c’est précisément Moscou, Pékin et Téhéran qui sont considérés comme étant les principaux adversaires de Washington, et ce au niveau officiel de ce dernier. Et par la même occasion du bloc occidentalo-atlantiste dans son ensemble.
Mais une fois de plus ce qu’oublient de dire les médias mainstream sur le sujet, c’est que l’alliance sino-russo-iranienne n’est pas à sa base principale une alliance destinée contre un bloc particulier. Il s’agit avant tout d’une union entre trois grandes civilisations mondiales, menant des politiques indépendantes et souveraines – conformément à leurs intérêts nationaux respectifs. Les trois nations appartiennent par ailleurs au grand espace eurasien, dans lequel leurs visions convergent sur nombre de dossiers. Des convergences que l’on retrouve également sur de nombreux dossiers internationaux, qui dépassent le cadre strictement eurasien.
Or, la Russie, la Chine et l’Iran sont des fervents partisans du concept multipolaire du monde – devenu réalité. Et partagent également des positions similaires ou proches sur des défis majeurs comme la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme. Et c’est peut-être seulement après que l’opposition à l’unilatéralisme occidental commence à prendre également forme – et ce pour des raisons tout à fait logiques et légitimes.
Après tout, l’Occident politique, qui représente une infime partie de l’humanité, mais continue de s’autoproclamer porte-parole de la communauté prétendument internationale, se doit progressivement d’apprendre que la véritable notion de communauté internationale a pris forme en Eurasie. Faudrait-il encore le rappeler qu’une grande structure eurasienne et internationale comme l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS) représente à elle seule près de la moitié de la population mondiale, des ressources naturelles stratégiques en grande quantité (20% des ressources mondiales pétrolières et près de 40% des ressources gazières pour ne citer que cela), mais aussi et cela ne doit pas être oublié – des routes commerciales stratégiques – appelées à monter encore plus en puissance dans les années à venir.
Et au-delà de l’aspect des divergences géopolitiques évidentes entre l’Occident nostalgique de l’unipolarité et les partisans affirmés du monde multipolaire actuel, la géoéconomie effectivement n’est pas en reste. L’Occident – ayant si longtemps promu le concept d’une libre concurrence internationale – se retrouve aujourd’hui dans toutes ses propres contradictions du moment que la concurrence géoéconomique entre les nations occidentales et non-occidentales ait atteint un niveau important dans le monde contemporain. Et réfute de plus en plus activement les notions dont il a tellement fait la promotion. Une promotion faite évidemment à une époque où il était pratiquement l’unique bénéficiaire.
Et au lieu de mettre en avant ses éventuels atouts pour assumer pleinement cette concurrence internationale, l’establishment occidental préfère miser sur les pressions multiples, allant de sanctions jusqu’au non-respect de ses propres engagements. Peu de domaines y échappent – de la sphère énergétique jusqu’aux nouvelles technologies. Pratiquement tous les atouts de ses adversaires géopolitiques et géoéconomiques sont non seulement dénigrés mais se retrouvent constamment dans le viseur des élites occidentales.
Le problème de l’approche occidentale est large et multiple. Tout d’abord, l’Occident apprend désormais à faire face au principe de la réciprocité. Que ce soit dans le domaine économique où les contre-sanctions efficaces face aux sanctions occidentales ont fait leurs preuves. Ou même dans la sphère médiatique, avec comme dernier exemple en date – l’interdiction de diffusion de la BBC en Chine après que la licence de diffusion au Royaume-Uni ait été retirée à la chaine de télévision internationale chinoise CGTN.
Le domaine militaro-sécuritaire n’est pas en reste. Tout comme le contrepoids politico-diplomatique, y compris au niveau du Conseil de sécurité de l’ONU où le bloc sino-russe arrive à stopper des initiatives occidentales d’un autre temps.
L’autre atout qui joue en faveur des partisans de la multipolarité est le soutien de plus en plus affiché des nations non-occidentales aux grandes puissances comme la Chine, la Russie et l’Iran. Notamment en Afrique, au Moyen-Orient ou encore en Amérique latine. Sans oublier une part notable de la société civile y compris même dans les pays occidentaux. Renforçant un peu plus le bloc pro-multipolaire et les intérêts réciproques.
En ce sens l’axe Chine-Russie-Iran joue effectivement un rôle de premier plan. Les actions conjointes du triumvirat, notamment la coordination militaro-sécuritaire, politique et économique renforcent un peu plus ce concept d’une communauté internationale au sens véritable et large du terme. Quant aux nouveaux exercices militaires conjoints – ils ne font que confirmer une fois de plus la confiance existante entre Pékin, Moscou et Téhéran. Aussi bien dans le cadre trilatéral qu’international.
Par Mikhail Gamandiy-Egorov : Analyste russe
Source : Observateur continental
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