Voici ci-dessous le texte intégral du discours du chef de l’Etat libanais Michel Aoun sur la proposition américaine de démarcation des frontières maritimes sud frontalières de la Palestine occupée.
«Libanaises et Libanais, mon message pour vous aujourd’hui traitera d’un sujet lié aux négociations ardues et difficiles que le Liban a menées au cours des dix dernières années, pour délimiter ses frontières maritimes sud et extraire son pétrole, et qui ont abouti à une fin positive. J’espère que ce sera un début prometteur pour mettre la pierre angulaire d’une relance économique dont le Liban a besoin en achevant l’exploration
En ce qui concerne le pétrole et le gaz, lesquels garantissent la stabilité, la sécurité et le développement dont notre pays a besoin. En conséquence, après avoir consulté le président du Parlement, M. Nabih Berri et le Premier ministre, M. Najib Mikati, et en ma qualité de chef de l’État, et après m’avoir informé par le président américain Joe Biden de l’approbation d’Israël, et après que le gouvernement israélien a annoncé son approbation, j’annonce la position du Liban d’approuver la version finale préparée par le médiateur américain pour délimiter les frontières maritimes sud, en attendant la signature des textes nécessaires des parties américaine et israélienne conformément au mécanisme adopté dans l’accord.
Cet accord indirect répond aux exigences libanaises et préserve pleinement nos droits. Je remercie tous ceux qui ont soutenu le Liban dans cet exploit, qui n’aurait pu être réalisé sans l’unité et la solidité de la position libanaise pour résister à toutes les pressions, et pour ne faire aucune concession substantielle, et pour ne s’engager dans aucune sorte de normalisation rejetée.
Bien-aimés, vous savez sans aucun doute que ce à quoi nous sommes parvenus hier dans le dossier de la démarcation maritime, et ce qui en decoulerait dans l’avenir pour l’exploration et l’extraction, n’était pas le produit de l’heure, mais plutôt le fruit d’un long processus qui a effectivement débuté en 2010 lorsque le ministère de l’Énergie et des Eaux, qui était dirigée par le ministre Gebran Bassil, a préparé, le projet de loi sur les ressources pétrolières dans les eaux maritimes libanaises, qui a été approuvé au Parlement le 17 août 2010, puis la publication de 25 décrets portant sur les règles et règlements qui parrainent les activités pétrolières, et la nomination de l’Autorité de gestion du secteur pétrolier en 2012. Sans oublier la réalisation et l’analyse des levés géophysiques bidimensionnels et tridimensionnels, et la mise en place de la salle d’information.
En mai 2013, a été annoncé le lancement du premier cycle de licences dans les eaux maritimes libanaises, dans l’espoir d’approuver un décret divisant les eaux du large en blocs, et un décret pour un modèle de contrat d’exploration et de production censé être signé avec les entreprises gagnantes.
Le lancement du premier cycle de licences a attiré 54 grandes entreprises internationales qui ont exprimé leur désir d’obtenir des licences.
Cependant, les frictions et les arguments politiques invoqués par certains, ainsi que les tentatives déployées par d’autres pour faire obstacle à des projets vitaux sur lesquels travaillait l’équipe ministérielle qui nous représentait dans les gouvernements successifs, pour des raisons purement politiques, ont conduit au gel de cette ruée et à la suspension des deux décrets. Cette situation s’est poursuivie dans cet état pendant plus de quatre ans.
Lorsque j’ai accédé au premier poste présidentiel, mon souci était d’assouplir les restrictions qui entravaient cette marche car j’étais conscient ce que cela signifiait pour le Liban puisse devenir un pays pétrolier. Raison pour laquelle j’ai insisté, lors de la première session du Conseil des ministres qui s’est tenue en janvier 2017, après que le gouvernement a gagné la confiance, pour inclure les deux décrets restants pour clôturer le cycle des licences, dans le premier point de l’ordre du jour. Après leur approbation, le cycle de qualification a été lancé en préparation au cycle des licences.
Entre-temps, le Conseil des ministres a approuvé l’adhésion du Liban à l’Initiative pour la transparence des industries extractives, devenant ainsi le 52eme pays qui rejoint cette initiative.
En mars 2017, 54 entreprises se sont qualifiées pour participer au premier cycle d’octroi de licences, qui s’est clôturé le 12 octobre 2017. Les contrats d’exploration et de production dans les blocs 4 et 9 ont été remportés par un consortium unique composé du français Total, de l’italien Eni et du russe Novatek.
Le 27 février 2020, le navire appartenant à la société Total a directement suivi sur le terrain le forage du premier puits du bloc n°4, mais les travaux se sont arrêtés pour des raisons dont je n’étais pas convaincu, simultanément avec le blocus et l’effondrement sous lesquels le Liban a plié.
Mes bien-aimés, parallèlement aux travaux d’exploration pétrolière et gazière, le Liban devait activer le processus de démarcation de ses frontières maritimes, en particulier celles du sud, et corriger les erreurs survenues lors de la démarcation avec Chypre, qu’Israël a exploitée pour envoyer aux Nations Unies la ligne numéro 1. Mais le Liban se devait d’envoyer à l’ONU la ligne 23, qui a été définie par le décret 6433 en 2011.
Cependant, de nombreuses années de négociations et de discussions sur les frontières maritimes se sont écoulées, et seul le médiateur américain de l’époque Hoff, a présenté la ligne connue sous son nom, que nous avons rejetée. Un certain nombre de médiateurs américains ont continué sans parvenir à une formule acceptable pour le Liban, jusqu’à ce que le médiateur Amos Hochstein reprenne la tâche.
Les négociations ont repris entre le 11 août 2021 et le 10 octobre 2022, date à laquelle un accord indirect a été conclu au cours duquel le Liban a maintenu ses frontières déclarées par le décret 6433 de l’année 2011, et l’ensemble de ses blocs, en plus de l’ensemble du champ Qana (Cana), sans causer aucun préjudice au Liban compte tenu du contrat signé avec l’opérateur international, en plus des garanties américaines et françaises d’une reprise immédiate des activités pétrolières dans les eaux maritimes libanaises.
Mes bien-aimés, le Liban a le droit de considérer que ce qui a été réalisé hier est un acquis historique, car nous avons pu récupérer une zone de 860 kilomètres carrés qui faisait l’objet d’un différend et le Liban n’a concédé aucun kilomètre à ‘Israël’, de même nous avons obtenu la totalité du champ de Qana sans aucune compensation payée de notre part bien que tout le champ ne se trouve pas dans nos eaux. De même, nos frontières terrestres n’ont pas été touchées, et le Liban n’a pas reconnu la ligne de bouées établie par ‘Israël’ après son retrait de nos terres en l’an 2000. Aucune normalisation avec ‘Israël’ n’a eu lieu, ni aucun pourparlers ou accord direct avec lui.
Quant à la compensation qu’il réclamait pour une partie du champ de Qana situé dans les eaux occupées, elle sera obtenue de Total, sans préjudice au contrat signé entre le Liban et Total. L’accord stipule comment résoudre tout différend à l’avenir, ou au cas où un autre réservoir de pétrole commun apparaîtrait des deux côtés de la frontière, ce qui garantirait et renforcerait le sentiment de stabilité des deux côtés de la frontière.
Chers Libanais, malgré les blocages internes qui sont apparus dans le dossier pétrolier et gazier, et malgré les pressions extérieures qui nous ont été exercées pour nous empêcher de profiter de nos richesses gazières et pétrolières, le Liban est devenu un pays pétrolier. Ce qui n’était qu’un roman ou un rêve, est aujourd’hui une réalité grâce à la fermeté de nos positions et à notre solidarité et notre attachement à nos droits.
Cela a été inscrit dans les lois, les décrets, les enquêtes, les licences, les contrats et l’exploration a été entamée.
Dans les prochains jours, Total devra démarrer des travaux d’exploration dans le champ de Qana, comme promis, pour rattraper les années qui se sont écoulées sans pouvoir extraire de pétrole et de gaz, au moment où ‘Israël’ poursuivait ses opérations d’exploration et d’extraction, ce qui a provoqué un déséquilibre pétrolier.
Cependant, nous sommes capables aujourd’hui, après avoir repris l’initiative, grâce à la persévérance, aux efforts déployés et à notre attachement pour ce qui est juste pour nous et pour les générations futures qui, nous l’espérons, vivront une époque meilleure que celle que nous avons vécu. Et d’établir un fonds souverain qui préserve les rentrées conformément à la proposition de loi soumise à cet égard.
Les champs pétroliers 8, 9 et 10 dans la zone économique exclusive étaient menacés, mais grâce à l’accord, nous avons pu les préserver et les protéger et nous les investirons pleinement. En effet, la voie d’exploration ouvrira les portes à de nouveaux gisements pétroliers et offriront à d’autres entreprises la possibilité de participer aux opérations d’exploration et d’extraction, ce qui rétablit la confiance dans notre pays et renforce l’espoir que notre économie se relèvera de l’abîme dans lequel il est tombé.
La prochaine étape devrait être celle de tenir des pourparlers avec la Syrie pour résoudre la zone contestée avec elle, qui s’étend sur plus de 900 kilomètres carrés, par des discussions fraternelles.
Il est également nécessaire de revoir la frontière délimitée avec Chypre et de décider ce qu’il faut faire à l’avenir.
Je vous dédie cet exploit, à vous les Libanais. Je voudrais, en votre nom, remercier le président des États-Unis d’Amérique, Joe Biden, en particulier le médiateur américain, Amos Hochstein et son équipe, et l’ambassadrice américaine à Beyrouth et ses adjoints.
Je remercie également l’Etat français et notre ami le président Emmanuel Macron et ses collaborateurs, l’ambassadrice de France à Beyrouth et ses assistants pour avoir suivi le cours des négociations, notamment avec Total.
Je remercie également l’ONU, qui a accueilli une partie des négociations à Naqoura, qui accueillera la conclusion nécessaire des négociations, et les pays frères et amis qui se sont tenus aux côtés du droit libanais et l’ont soutenu, et saluant tout particulièrement l’État du Qatar et son émir Sheikh Tamim ben Hamad Al Thani pour l’intérêt qu’il a montré pour investir au Liban et y renforcer la stabilité.
Des remerciements sont également adressés au Président du Parlement, M. Nabih Berri, au Premier Ministre, M. Najib Mikati, et au Vice-Président du Parlement, M. Elias Bou Saab, qui, ces derniers mois, ont dirigé, avec les membres de l’équipe, y compris des militaires, des experts et des techniciens, des négociations difficiles et ardues.
Je remercie également tous les responsables qui se sont succédé dans ce dossier aux Ministères de l’Energie et des Eaux et celui des Affaires Etrangères, ainsi que l’Autorité de Gestion du Secteur Pétrolier , son président et ses membres, la direction de l’armée, en particulier le chef et les membres de l’équipe des négociations, les responsables du Département d’hydrographie, et tous les experts et techniciens qui ont contribué, par leur expérience et leurs connaissances, à la réussite du processus de négociation.
Quant à vous, Libanaises et ls Libanais, les remerciements vous sont doubles car, par votre constance, votre fermeté, votre lutte et votre résistance, qui s’est avérée être un élément de force pour le Liban, vous avez contribué à fortifier la position libanaise dans les négociations, comme dans la confrontation. Vous y êtes parvenu, pour vous et pour les générations futures, tout cela pour l’élévation de votre pays, son progrès, sa prospérité, et le confort de son peuple. Vive les Libanais et le Liban.
Source: Médias