Une spécificité du Mondial Qatar 2022 qui fera parler d’elle pour de longues années : il a été le plus politisé de tous. Et c’est surtout la cause palestinienne qui a été la plus médiatisée. Illustrant le véritable sentiment du public arabe profondément hostile à ‘Israël’. Mais la cause LGBT y a pris un coup, et avec elle l’image de l’Allemagne disqualifiée dès la phase des Poules. De même pour celle des autres pays occidentaux, avec l’élimination de leurs équipes, exceptée la France. Faisant dire à un dirigeant russe dont le pays mène une guerre en Ukraine contre ces puissances qu’il préfère une finale du Mondial sans elles.
Falastine… Falastine et le Maroc
Pour de nombreux observateurs, cette coupe aura été la Coupe de la Palestine. Falastine… Falastine… Falastine a été le slogan politique le plus scandé. Elle sera aussi celle du Maroc, premier pays arabe, musulman et africain ayant accédé aux demi-finales. D’autant que son équipe nationale a affiché avec fierté son amour pour la Palestine. Exploitant toutes les occasion pour arborer les deux drapeaux marocain et palestinien ensemble.
Dès le début des compétitions, la cause palestinienne s’y est invitée à l’improviste, à travers le public arabe, qui n’a pas manqué de profiter de cette occasion, de portée mondiale, pour se démarquer de ses gouverneurs et faire part de son refus de la normalisation avec ‘Israël’. Il le faisait certes via les réseaux sociaux, mais le mondial de football lui a offert une visibilité qui est de loin plus considérable, grâce à sa médiatisation internationale.
Force est de constater que les médias occidentaux ont été timides quant à la couverture de cette présence singulière de la cause palestinienne au Mondial de Qatar. Contrairement aux médias israéliens qui l’ont rapportée non sans stupeur. Par les voix de leurs correspondants dépêchés au Qatar et leurs analystes dans les studios.
Stupéfaction israélienne surprenante
L’étonnement israélien est certes lui-meme surprenant tant les processus de normalisation entamés avaient été dument concoctés sans l’approbation des peuples, voire même à leur insu, par des moyens les plus perfides, et seulement de collision avec des régimes et des dirigeants qui doivent leur survie politique au soutien de l’Occident.
L’un des analystes israeliens l’a fait remarquer, mettant de l’avant la soi-disant menace iranienne pour les régimes arabes qui les rapprochent d’Israël.
Tout au long des manifestations du public arabe et musulman de soutien à la cause palestinienne, aux cris « Falastine » (Palestine), drapeau palestinien brandi, dans les stades et dans les rues, parfois lors d’interventions pour des médias israéliens, ou leur refus d’intervenir, aucun de ces dirigeants arabes n’a bronché.
Les chantres de la normalisation saluent la victoire marocaine
Ils se sont finalement manifestés avec la victoire du Maroc contre le Portugal pendant les quarts de finale pour mettre de l’avant ce sentiment de fierté. Surtout ceux qui sont les chantres de la normalisation avec Israël.
Le porte-parole du ministère des AE égyptien Ahmad Abou Zeid y a vu « une victoire honorable » pour le « royaume marocain frère ». Évitant d’attribuer cette victoire aux Arabes. L’Egypte, premier pays signataire des accords de capitulation avec l’entité sioniste ayant participé à des coupes du monde précédentes, sans jamais franchir le Rubicon.
Ce que le vice-président des Emirats arabes unis Mohammed ben Rached al-Maktoum n’hésitera à encenser : « Aucune voix ne dépasse celle du Maroc dans la Coupe du Monde… Mabrouk pour tous les Arabes la réalisation du rêve arabe aux mains des Lions du Maroc ». Il faut croire que le dirigeant émirati la percevait sous le prisme que le régime marocain était de pair avec le sien dans les accords de normalisation avec l’entité sioniste entrepris dans le cadre des accords d’Abraham, en même temps que le Bahreïn et le Soudan en 2020.
Même enthousiasme mais moins accentué de la part du royaume hachémite jordanien, deuxième pays ayant normalisé avec Israël. « Les Lions de l’Atlas façonnent l’histoire », s’est contenté de dire le prince héritier jordanien le prince Hussein ben Abdallah II. Les dirigeants jordaniens excellent par leur concision et leur profil bas.
Erdogan : la première équipe africaine
Parmi les réactions des dirigeants musulmans, à retenir celle du numéro un turc Erdogan. La Turquie ayant été l’un des premiers pays islamiques à avoir tissé des liens diplomatiques, politiques et de renseignements avec l’entité sioniste du temps de la mainmise des Républicains et qui, après des litiges avec elle, les a rétablies récemment sous la coupe du parti islamique Justice et développement. Tout en accueillant sur son sol des dirigeants du Hamas.
« Je félicite du fond du cœur l’équipe du Maroc qui est considérée comme le première équipe africaine qui a atteint la demi-finale et je félicite tous nos frères marocains pour cet exploit » a dit M. Erdogan. Force de constater que le président truc évite de l’attribuer aux Arabes ou aux Musulmans. Il ne manque toutefois pas d’exprimer des sentiments de fraternité avec les marocains.
En Irak, les réactions officielles de félicitation ont mis en exergue le sentiment de fierté arabe, mais omis de signaler l’appui aux Palestiniens. Mais le courant sadriste l’a fait. « Notre espoir mise sur le peuple marocain pour soutenir ses frères de la Palestine en arabite », a tweeté sayed Moqtada Sadr.
Hezbollah aux Marocains : vous avez triomphé 2 fois
C’est au Liban que les réactions officielles et des partis politiques ont mis de l’avant ce sentiment de solidarité avec la cause palestinienne.
« Le héros est le Maroc, l’exploit est le Maroc, quant au rempart le plus fortifié c’est le drapeau de la Palestine, le symbole des opprimés », a dit le ministre par intérim de la Culture Mohammed Wissam.
Le Hezbollah non plus n’a pas manqué l’occasion de saluer la victoire du Maroc, via le prisme de la Palestine, lorsqu’il a été qualifié pour les quarts-finales. « Mabrouk pour la victoire de l’équipe marocaine et sa qualification pour les demi-finales du Mondial de Qatar 2022. Vous avez triomphé deux fois : la première par votre qualification. La seconde en arborant le drapeau palestinien. Nous vous aimons, Les Lions, et félicitations pour la Palestine », a tweeté son numéro deux cheikh Naim Qassem.
« Mabrouk (félicitations) pour la Palestine. Mabrouk pour les Arabes. Mabrouk pour nous tous », a tweeté le chef du parti tripolitain Courant de la Dignité (Tayar al-Karamah), Fayçal Karameh.
Iran : le Mondial n’a pas été une tribune pour les opposants
En Iran, les victoires du Maroc durant ce Mondial, face à l’Espagne puis au Portugal ont été chaleureusement saluées par les dirigeants iraniens. Le porte-parole du ministère des AE a même envoyé une lettre de félicitations au Maroc, écrite en arabe, pour le féliciter lors pour sa qualification pour les quarts de finale.
La République islamique qui avait aussi son équipe se doit de se réjouir que le Mondial de Qatar n’a pas offert de tribunes à ses opposants. Ils ont été insignifiants certes.
Même les femmes iraniennes non voilées présentes comme supporters arboraient le drapeau de leur république islamique. Rectifiant l’image qui leur a été faite dans les médias occidentaux qu’elles lui sont hostiles. Après avoir hésité à chanter l’hymne national, dans leur premier match, les membres de l’équipe nationale iranienne, dont certains sont des professionnels internationaux, se sont finalement résolus à le faire. Leur prestation sportive a été saluée par le guide suprême l’ayatollah Ali Khamenei et les Iraniens.
Russie : « Une finale sans les pays hostiles »
Autre spécificité de ce mondial inhérente aux dimensions géopolitiques de ce sport : la plupart des équipes occidentales classées favorites ont été écartées : c’est le cas de celles du Royaume-Uni, de l’Allemagne, de l’Italie, de la Hollande… seule celle de la France tient le coup et a atteint les demi-finales.
Le vice-président du Conseil de sécurité russe Dmitri Medvedev n’a pas manqué de faire remarquer que « ce serait génial si la finale se déroulait sans les pays hostiles », à son pays, en guerre en Ukraine. Emettant l’espoir qu’elle puisse confronter l’Argentine au Maroc !
Non au LGBT. L’image de l’Allemagne écorchée
On se rappellera aussi de ce mondial la position de refus du gouvernement qatari de toute expression de soutien au mouvement LGBT dont le brassard. « Par respect pour la cuture islamique du pays ». Et la position contestatrice « aux bouches cachées » de l’équipe de l’Allemagne qui n’oubliera pas de sitôt qu’elle est éliminée dès la phase de poules d’une Coupe du monde ! N’ayant pu atteindre les huitièmes de finale de la compétition!
Des internautes se sont réjouis de leur départ.
« Maintenant ils peuvent mettre leur main sur leur bouche tant qu’ils sont en dehors du Mondial », a écrit sur twitter Omar Madniyah, selon lequel l’image de l’Allemagne auprès du public arabe est bien écorchée.
Ceci va certes coûter à Qatar une campagne médiatique bien orchestrée dans les médias occidentaux, avec pour prétexte des droits de l’homme. Elle risque fort de se poursuivre. Mais les Qataris le savent.
« Israël » : grâce à la normalisation!
Les Israéliens et leur lobby ne devraient pas être loin de cette campagne. Ils ont déjà commencé la leur.
D’aucuns opteront pour le déni, en avançant que le Maroc a gagné parce qu’il a normalisé avec ‘Israël’. Et de rappeler que le Maroc a consolidé sa collaboration économique et technologique avec lui.
Sur la chaine i24, sont lancées des insinuations malsaines sur la politique d’immigration en Europe qui a permis la présence de plus de deux millions de marocains en France, « des gens qui nous détestent », a dit le présentateur israélien, parlant au nom des Européens. Et où les prisons regorgeraient de prisonniers marocains !
Certains de leurs analystes commencent d’ores et déjà à exiger des excuses des autorités marocaines.
Euphorie palestinienne sur fond de martyrs
On retiendra plus que tout l’euphorie qui a régné parmi les Palestiniens dans les territoires occupées en 1967: dans la ville sainte d’al-Qods et en Cisjordanie, lors de la victoire du Maroc. En dépit du fait qu’ils mènent des affrontements sans répit depuis plusieurs mois, les plus violents et les plus difficiles à maitriser, de l’aveu des officiers et observateurs israéliens.
Pendant les jours du Mondial, ce conflit a connu un véritable regain à Naplouse et à Jénine. De même pour la cruauté meurtrière israélienne. C’est comme si les Israéliens s’étaient effarouchés en apprenant qu’ils n’étaient pas admis parmi les peuples arabes. Une trentaine de martyrs sont tombés pendant cette période, dont une dizaine depuis le début du mois de décembre et plus de 20 en novembre. La comparaison avec le chiffre de 2021, où il y a eu 5 martyrs l’illustre parfaitement. mais
Après avoir mené d’âpres combats dans la journée et enterré leurs martyrs, les palestiniens étaient enchantés dans la soirée de voir les joueurs de l’équipe nationale du Maroc se couvrir du drapeau palestinien au milieu du stade. Et de voir dans les rues de Doha ses supporters chanter tous comme un pour la cause palestinienne la chanson qu’ils avaient composée quelques années plus tôt, lors d’un tournoi local entre l’équipe marocaine Raja (Espoir) et l’équipe palestinienne al-Hilal. Dont les paroles dénoncent l’oppression des sionistes, les dirigeants corrompus et les peuples endormis.
C’est comme si le soutien du public arabe de football avait donné des ailes aux résistants palestiniens. Le lendemain, ils reprennent leur lutte sans répit. Elle est marquée par a performance de la Taniere des Lions, un nouveau groupe de résistants qui a perfectionné les méthodes de résistance palestinienne et son image de marque médiatique.
Les Palestiniens ont pris soin de rendre la pareille au Maroc. Le drapeau rouge a été brandi par des palestiniens à proximité de la mosquée d’al-Aqsa avec comme légende « on la célèbrera la prochaine fois à al-Qods, inchallah ».
Et lors d’un rassemblement a l’une de ses portes Bab al-Amoud, par des Palestiniens traqués par les soldats israéliens.
C’est cette symbiose entre les Palestiniens et les peuples arabes qui fait le plus peur aux Israéliens et contre laquelle ils ont œuvré pendant des décennies. Leurs efforts se sont finalement avérés vains. Ce qui explique qu’ils soient tellement vexés et si féroces. Ils croient qu’en adoptant une politique de répression sanguinaire contre les Palestiniens, ils pourront la contenir et la neutraliser. Mais c’est tout le contraire qui en résulte. Plus les Palestiniens souffrent, plus la Palestine reste vivante. Chez eux et chez les autres peuples.
Source: Divers