La Cour suprême israélienne examine jeudi des recours déposés contre une nouvelle loi limitant la possibilité de déclarer un Premier ministre inapte à sa charge, dans un contexte de crise autour d’un projet de réforme judiciaire, qui divise le pays.
La séance, consacrée à la présentation de ces trois recours et aux arguments du gouvernement en défense du texte adopté en mars par les députés, s’est ouverte au siège de la Cour à Jérusalem peu après 10H00 (07H00 GMT) en présence d’onze des quinze juges de cette institution.
Elle se tient dans un climat d’intense polarisation politique entre partisans et adversaires de la réforme de la justice à l’origine d’un des plus importants mouvements de contestation de l’histoire d’Israël, depuis la présentation en janvier d’un projet de réforme du système judiciaire par le gouvernement du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Plusieurs opposants à la réforme dénoncent cette nouvelle loi comme étant taillée sur mesure pour M. Netanyahu, qui aura 74 ans en octobre.
La loi contestée est un amendement à la loi fondamentale dite « Le gouvernement » précisant à quelles conditions un Premier ministre peut être déclaré temporairement inapte à exercer ses fonctions.
Les lois fondamentales font office de Constitution en Israël, et jusque-là, celle sur le gouvernement stipulait que le Premier ministre pouvait être déclaré inapte, mais sans préciser les motifs pouvant entraîner une telle décision, ni détailler la procédure.
Aux termes de la nouvelle loi, le chef de l’exécutif ne peut être déclaré inapte qu’en cas d’incapacité physique ou mentale, et dans seulement deux cas de figure: qu’il en fasse lui-même la demande, ou à l’issue d’une procédure enclenchée par un vote du gouvernement avec une majorité des deux tiers des ministres.
Les recours contre l’amendement demandent son annulation ou au moins que son application soit reportée après les législatives prévues en 2026.
En février, une ONG anticorruption avait introduit un recours devant la Cour suprême en vue d’obtenir la destitution de M. Netanyahu affirmant que ce dernier était dans une situation de conflit d’intérêt à cause de son procès en cours pour plusieurs affaires de corruption.
Le chef du Likoud (droite), qui a remporté avec ses alliés de partis juifs ultra-orthodoxes et d’extrême droite les élections de novembre 2022, est accusé de corruption dans une série de dossiers.
Son procès s’est ouvert en mai 2020, une première en Israël pour un Premier ministre en exercice. M. Netanyahu réfute les accusations portées contre lui et s’estime victime d’une chasse aux sorcières.
Selon les partisans de M. Netanyahu, toute tentative de le destituer à cause de son procès, serait « illégitime ».
Le ministre de la Justice Yariv Levin a qualifié l’audience de « tentative d’annuler les élections », selon un communiqué de son bureau, estimant que les juges ne peuvent pas aller à l’encontre du vote populaire.
L’un des juges, Yitzhak Amit, a déclaré pendant l’audience que cet amendement est « personnel » pour protéger M. Netanyahu d’une procédure de destitution ce à quoi l’avocat chargé de représenter le gouvernement a rétorqué qu’il s’agissait de « combler une lacune dans la loi ».
Les juges de la Cour suprême sont sous les feux des critiques du gouvernement, qui les accuse d’avoir trop de pouvoir par rapport à celui des élus.
La Cour suprême a tenu mi-septembre une audience sur une mesure clé de cette réforme visant à annuler la possibilité pour le pouvoir judiciaire de se prononcer sur « le caractère raisonnable » des décisions du gouvernement ou du Parlement.
Dans le passé, un seul chef de gouvernement israélien avait été déclaré inapte, Ariel Sharon. En 2006, il avait été hospitalisé et avait été remplacé par Ehud Olmert son suppléant jusqu’aux élections suivantes.
Poursuivi en justice alors qu’il était Premier ministre, M. Olmert avait dû faire face à une demande de l’opposition de le destituer mais la Cour suprême avait rejeté cet appel, ce qu’elle a aussi fait lors d’un appel contre Benjamin Netanyahu en 2021, qui était déjà inculpé pour corruption.
Source: Avec AFP