A New York, le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres devrait rencontrer ce mardi les représentants de pays bailleurs de fonds de l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) afin de les persuader de changer d’avis et de maintenir son financement. Une décision qui a pris de court plusieurs organisations internationales.
Alors que les Palestiniens vivent leur plus grande tragédie depuis la Nakba en 1948, date de l’usurpation de leur partie, il a suffi qu’Israël accuse une douzaine des 13.000 employés de cette agence dans la bande de Gaza, d’implication dans l’opération Déluge d’al-Aqsa, pour qu’une dizaine de pays occidentaux décident l’un après l’autre de suspendre leur part de financement. Les Etats-Unis ont annoncé les premiers la suspension de toute aide additionnelle, suivis par plusieurs autres pays, dont l’Italie, le Canada, l’Australie, le Royaume-Uni, la Finlande et l’Allemagne. Ils ont été rejoints samedi par le Japon et dimanche par la France qui a confirmé la suspension momentanée de son aide financière.
Le 7 octobre 2023, le Hamas a mené une opération de grande envergure contre les positions militaires de l’occupation israélienne dans l’enveloppe de Gaza ainsi que contre ses colonies afin de capturer des colons et des militaires israéliens pour les échanger contre les milliers de détenus palestiniens dans les prisons israéliennes et pour faire cesser les incursions meurtrières en Cisjordanie occupée et celles des colons dans la mosquée d’al-Aqsa.
Durant cette opération, 1.140 Israéliens selon les chiffres officiels, des militaires et des colons ont été tués. Israël accuse le Hamas de les avoir liquidés ou exécutés mais le mouvement palestinien assure qu’ils ont été tués dans les échanges de tirs ou dans les attaques de riposte perpétrées par les forces armées et de sécurité de l’occupation contre ses combattants. Une version de faits rapportée mais à une dimension réduite par des médias israéliens citant les rapports de la police de l’occupation israélienne.
« Israël » : Lazzarini doit démissionner.
« Sans ce financement, les perspectives pour l’Unrwa et les millions de gens qu’elle aide sont très sombres », a dit Philippe Lazzarini, le porte-parole du SG de l’ONU. Deux millions de Palestiniens dans la bande de Gaza dépendent désormais de cette organisation, selon les estimations.
« Il serait profondément irresponsable de sanctionner une Agence et toute la communauté qu’elle soutient par suite d’allégations d’actes criminels contre quelques individus, en particulier en temps de guerre, de déplacement et de crise politique dans la région » a-t-il ajouté dans un communiqué.
Sous la pression occidentale, l’Unrwa a assuré avoir licencié neuf des salariés concernés avant même de mener l’enquête qu’elle a promis de faire. Un dixième est décédé.
Mais Israël a réclamé ce mardi le licenciement de M. Lazzarini, un jour avant une rencontre prévue mercredi avec le ministre des Affaires étrangères israélien Israel Katz. « Il y a des employés dans l’UNRWA qui ont participé au massacre du 7 octobre. Il faut que Lazzarini en tire les conclusions et qu’il démissionne. Les soutiens au terrorisme ne sont pas les bienvenus », a écrit ce dernier sur sa page X.
Et des accusations sans preuves
Le gouvernement israélien a également levé d’un cran son ton contre l’agence l’accusant d’être « fondamentalement compromise », en laissant notamment le mouvement Hamas «utiliser ses infrastructures » pour mener ses activités militaires et « cacher des terroristes ».
Selon l’AFP, son porte-parole du gouvernement Eylon Levy l’a aussi accusée d’avoir « embauché massivement des terroristes » et s’être « appuyée sur le Hamas pour la distribution de l’aide », affirme, dans une vidéo.
« Environ 10% » des employés sont des membres du Hamas et du Jihad islamique, l’autre grand mouvement islamiste à Gaza, et « environ 50 % sont parents au premier degré de ces membres », a-t-il affirmé.
Il n’a pas avancé de preuves pour étayer ces allégations, que l’AFP n’était pas en mesure de vérifier.
OMS : ce n’est pas le moment
Selon l’Organisation mondiale de la Santé, ce n’est pas le moment d’abandonner la population de Gaza.
Cette polémique, « aussi importante soit-elle, détourne l’attention des près de 27.000 morts, dont 70% de femmes et d’enfants » à Gaza, a pour sa part déclaré son porte-parole, Christian Lindmeier, à Genève.
Selon le ministère de la Santé de Gaza, près de 27.000 ont été tués et plus de 65.363 blessés dans l’offensive israélienne menée depuis le 7 octobre
« Cela détourne l’attention du fait qu’une population entière est empêchée d’avoir accès à l’eau potable, à la nourriture, à des abris », et « est soumise à un bombardement continu (…) », a poursuivi M. Lindmeier.
A savoir que 150 membres de l’UNRWA ont été tués dans cette guerre
L’UE se démarque
Pour sa part, l’Union européenne s’est démarquée de la position des Etats occidentaux assurant par la voix de son chef de la diplomatie Josep Borrell qu’elle continuera à aider les Palestiniens dans la bande de Gaza à travers les organisations partenaires dont l’UNRWA.
Cette dernière apporte son assistance, notamment dans le secteur de l’éducation et de la santé, à 5,9 millions de personnes aussi bien dans la bande de Gaza, qu’en Cisjordanie, au Liban, en Syrie et en Jordanie où vivent des réfugiés palestiniens.
Timing : Après la décision de la CIJ
Des observateurs ont été surpris par le timing de la décision des Occidentaux, qui est intervenue directement après que le Tribunal international de Justice a décidé d’accepter la plainte de génocide portée par l’Afrique du sud à l’encontre d’Israël. La cour de La Haye avait entre autres demandé de fournir l’aide nécessaire aux Palestiniens déplacés dans la bande de Gaza.
Selon d’aucuns, cette démarche pourrait être une riposte et avoir pour objectif de marquer leur soutien inconditionnel à l’entité sioniste en ces moments où son image est plus ternie que jamais, à l’insu des accusations portées contre elle.
Selon d’autres, Américains et Européens pourraient vouloir sérieusement liquider cette agence qui maintient vivante la cause du peuple palestinien, en maintenant son statut de réfugié.
Tentatives pour liquider l’UNRWA
Créée en 1949, l’UNRWA a fait l’objet ces dernières années de tentatives de liquidation de la part l’entité sioniste, de concert avec les Etats-Unis, dans le but de mettre un terme à la question des réfugiés palestiniens dont elle refuse le retour en Palestine et insiste pour qu’ils soient implantés dans les pays qui les hébergent ou ailleurs.
En 2020, une étude réalisée par l’Institut de sécurité nationale israélienne a proposé 4 alternatives dont en tête le démantèlement de l’UNRWA, le transfert de son budget aux pays hôtes et le transfert de ses prérogatives à l’Agence des Nations Unies pour les réfugiées. Cette antenne concentre son action sur le transfert des réfugiés vers un Etat tiers de sorte qu’ils puissent y être naturalisés. Ce qui permettrait de leur ôter le statut de réfugiés.
En 2018, l’administration du président américain Donald Trump avait utilisé la menace de suspendre le financement de l’UNRWA, pour exercer des pressions sur les Palestiniens afin qu’ils acceptent son Deal du siècle destiné à liquider la cause palestinienne.
En fournissant le tiers du budget de l’agence onusienne estimé à près de 1,2 m$, Washington ne manque pas de faire chanter les Palestiniens pour leur soutirer des concessions. Mais la fronde qu’elle conduit cette fois-ci, avec les autres puissances occidentales est certes sans précédent. Serait-ce le moment de liquider cette agence? La réunion du chef de l’ONU de ce mardi sera certes révélatrice de leurs réelles intentions.
Source: Divers