C’est en compagnie d’une délégation élargie de sénateurs américains que l’émissaire américain Tom Barrack est venu au Liban cette fois-ci, sa deuxième visite en moins d’une semaine, accompagnée toujours de son adjointe Morgan Ortagus.
Après leur rencontre avec le chef de l’Etat Joseph Aoun, au palais présidentiel de Baabda, ils ont tous eu leurs mots à dire sur la priorité du désarmement de la résistance. Reprenant en concert les desideratas du Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu qui avait fait passer ce désarmement avant tout éventuel retrait du sud du Liban.
« Si le Liban prend des mesures pour désarmer le Hezbollah, Israël réduira progressivement sa présence en coordination avec le mécanisme de sécurité dirigé par les États-Unis », avait-il déclaré lundi, exprimant sa disposition à coopérer avec le Liban pour ce faire.
« Nous ne sommes pas là pour discuter »
A l’issue de la rencontre avec le chef de l’Etat libanais, le sénateur américain Lindsay Graham, a argué que « l’idée de désarmer le Hezbollah est libanaise et non étrangère »!
« Nous ne sommes pas là pour discuter pas de ce que fera Israël tant que le Hezbollah n’aura pas été désarmé », a-t-il ajouté au cours d’une conférence de presse à Baabda.
Et de renchérir: « Nous discutons d’un changement au Liban, et les USA n’ont aucune intention de faire la guerre ».
Pour sa part, la sénatrice US Jeanne Shaheen a pris la parole, en disant « attendre l’approbation du plan de monopole des armes par l’armée libanaise la semaine prochaine ».
L’adjointe de Barrack, Morgan Ortagus a de son côté estimé que « nous sommes actuellement dans la phase de mise en œuvre de la décision du gouvernement libanais de désarmer le Hezbollah ».
« Israël est prêt à avancer pas à pas avec le gouvernement libanais…Tout dépend des actes et non des paroles », a-t-elle encore dit.
Des garanties après le plan de désarmement
Barrack qui s’est rendu en « Israël » ces derniers jours pour tenter d’obtenir un engagement de Netanyahu en échange de la décision du gouvernement libanais sur le monopole des armes d’ici la fin de l’an, est revenu à Beyrouth sans aucune garantie de ce dernier. Et de reprendre à son compte les déclarations de Netanyahu.
« Les garanties de sécurité à la frontière seront discutées après la présentation par le gouvernement libanais d’un plan de désarmement du Hezbollah. Ce plan ne sera pas nécessairement militaire, mais consistera plutôt à convaincre le parti de déposer les armes. Le gouvernement libanais présentera un plan de désarmement du Hezbollah, et je suis convaincu qu’il sera couronné de succès », a-t-il déclaré pendant le point de presse à Baabda.
Il a en outre proposé « un plan de financement pour indemniser les membres du Hezbollah déposant les armes »! Et d’arguer: « les USA ne veulent pas de guerre civile au Liban ».
« Israël dit qu’il ne veut pas occuper le Liban », a-t-il ajouté. « Nous allons prolonger le mandat de la FINUL d’un an. La solution, c’est l’armée libanaise, pas la FINUL. Chaque fois que l’on se tourne vers des forces extérieures, on perd la valeur de ce que l’on a. »
Et d’assurer : « Les États du Golfe et nous, œuvrerons pour améliorer les conditions de vie du peuple libanais, que l’Iran le veuille ou non. Nous œuvrerons également à la création d’un fonds économique pour soutenir le Liban. Nous payons un milliard de dollars par an à la FINUL mais le Liban reste dans l’impasse avec Israël. »
Barrack a aussi rapporté que le président syrien par intérim Ahmad al-Charaa lui a fait part « qu’il ne veut pas de relations d’animosité avec le Liban ». Il l’avait rencontré à Damas où il s’est rendu avant de retourner au Liban.
« Si la situation est chaotique et le comportement animal… »
Depuis la tribune du palais présidentiel libanais, Barrack a perdu le contrôle de ses nerfs.
Il a insulté les journalistes présents, menacant d’interrompre le point de presse « s’ils ne se comportent pas de manière civilisée »!
« « Nous allons mettre en place un nouveau règlement. Je vous demande de rester silencieux un instant….Dès que la situation deviendra chaotique et le comportement animal, nous partirons », a-t-il averti. « Si vous voulez savoir ce qui se passe, agissez avec civilité, gentillesse et tolérance, car c’est là le problème de la région», a-t-il poursuivi
Et de conclure : « Pensez-vous que ce soit amusant pour nous ? Pensez-vous qu’il soit économiquement viable pour Morgan et moi d’être ici pour endurer cette folie ? Autant vous parlerez avec gentillesse, attention et poserez des questions pertinentes, autant nous vous donnerons des réponses. Si ce n’est pas comme ça que vous voulez que les choses se passent, nous partons. »
Comme Donald Trump!
« Il se comporte comme Donald Trump se comporte avec les journalistes. Il a commis une grave erreur en insultant les journalistes depuis la tribune du Palais présidentiel en les qualifiant d’animaux », a déploré le média libanais en ligne al-Jarida. En constatant que la traductrice s’est contenté de traduire le terme « chaotique ».
Des excuses, sinon le boycott!
Le Syndicat des rédacteurs de la presse libanaise a le premier réagi aux insultes de l’émissaire américain, les qualifiant dans un communiqué de « traitement pour le moins inadmissible et contraire à la décence et à la diplomatie ».
Qualifiant la situation de « totalement inacceptable, voire profondément répréhensible », il a exigé « une correction des excuses publiques de la part des médias ».
« L’absence d’une telle déclaration pourrait inciter le Syndicat des rédacteurs de la presse libanaise à appeler au boycott des visites et des réunions de l’envoyé américain, comme un premier pas pour faire comprendre à toutes les parties concernées que la dignité du journalisme et des journalistes n’est pas bon marché et qu’aucun envoyé, quel que soit son rang, ne peut la transgresser. »
Aoun salue les positions américaines
Le président de la République Joseph Aoun a pour sa part, salué les positions exprimées par les membres de la délégation américaine, qui « reflètent la vision américaine pour le sauvetage du Liban, fondée sur trois principes fondamentaux :
Assurer la sécurité en limitant le recours aux armes et le pouvoir de décision en matière de guerre et de paix à l’État ;
Assurer la prospérité économique en s’appuyant sur la capacité du peuple libanais à innover et à investir, en préservant l’initiative individuelle et en libérant le potentiel du secteur privé au Liban et à l’étranger ;
Préserver la démocratie consensuelle au Liban, qui protège tous les groupes libanais au sein d’un système libre et pluraliste qui les traite tous sur le même pied d’égalité devant la loi et en fait des partenaires à part entière dans la gouvernance de l’État. »
Selon le communiqué de la présidence, le chef de l’Etat libanais a également été « informé par les membres de la délégation des résultats de leur visite à Damas et s’est dit très satisfait de leur rapport sur la volonté de la Syrie d’établir de meilleures relations avec le Liban ».
Le président Aoun a affirmé qu’il s’agissait « d’une volonté et d’un souhait mutuels entre les deux pays ». Il a également réitéré « la volonté du Liban d’œuvrer immédiatement à la résolution des questions bilatérales en suspens dans un esprit de fraternité, de coopération et de bon voisinage, dans le respect des relations historiques entre les peuples des deux pays ». Il a souligné « le plein soutien du Liban à l’unité et à l’intégrité territoriale de la Syrie ».
Dans ce contexte, des sources ont indiqué pour des médias libanais que Berri, a insisté sur deux points : « la prolongation du mandat de la FINUL et l’engagement d’Israël envers la résolution 1701, en prélude au progrès des négociations en vue de consolider le cessez-le-feu, le retrait des forces hostiles du territoire libanais, le retour des prisonniers libanais des prisons israéliennes et la reconstruction.»
Aïn al-Tineh: l’engagement d’Israël d’abord
Après Baabda, la délégation américaine s’est rendue à Aïn al-Tineh, chez le chef du Parlement Nabih Berri.
Des sources proches ont indiqué pour des médias libanais que Berri a insisté sur deux points : « la prolongation du mandat de la FINUL et l’engagement d’Israël envers la résolution 1701, en prélude au progrès des négociations en vue de consolider le cessez-le-feu, ainsi le retrait des forces hostiles du territoire libanais, le retour des prisonniers libanais des prisons israéliennes et la reconstruction.»
Les sources ont ajouté que « le Liban est attaché au principe de monopole de l’usage des armes, qui peut être discuté au Liban, sans aucune pression, une fois ces mesures prises dans un cadre préservant la souveraineté libanaise. »
Après cette rencontre, seule Ortagus a pris la parole. Interrogée sur le discours du secrétaire général du Hezbollah prononcée la veille, elle n’a trouvé de mots à dire que de le taxer de « pitoyable ».
Pas d’étape par étape
Le lundi 25 août, le secrétaire général du Hezbollah, Cheikh Naïm Qassem a réitéré son « refus de désarmer la Résistance », affirmant que « tous les problèmes du pays proviennent de l’ennemi israélien et du soutien américain dont il dispose ». Il a assuré que le Hezbollah refuser de régler la crise actuelle étape par étape, invitant le gouvernement libanais à faire appliquer l’accord de cessez-le-feu conclu après 66 jours de guerre avec Israël. Accord que ce dernier n’a nullement respecté, le violant des milliers de fois selon les chiffres de l’armée libanaise.
Le numéro un du Hezbollah a surtout insisté sur la nécessité que le gouvernement libanais « élabore un plan politique, médiatique, militaire et de mobilisation pour recouvrer la souveraineté du Liban » .