La plus grande flottille civile sans précédent organisée pour sauver Gaza a, dans la nuit de lundi à mardi été « frappé » par un drone au large de Tunis.
L’un de ses bateaux, le Familia, battant pavillon du Portugal « a été frappé par un drone dans les eaux tunisiennes », a écrit sur Instagram la « Global Sumud Flotilla », images à l’appui, partageant une vidéo provenant d’une caméra de surveillance du bateau.
La flottille a affirmé que les six personnes à bord étaient saines et sauves, faisant état de dégâts matériels et dénonçant « des actes d’agression visant à faire dérailler (sa) mission ».
Free Free palestine
Cette flottille formée de plusieurs dizaines de bateaux a pris la mer le 1er septembre, avec des militants et de l’aide humanitaire pour le territoire palestinien assiégé où Israël commet depuis 22 mois le premier génocide du 21eme siècle.
Après l’attaque au drone, des centaines de personnes ont afflué vers le port de Sidi Bou Saïd en criant « Free, Free Palestine ».
Lundi, des centaines de Tunisiens avaient accueilli en grande pompe la flottille.
Le port de Sidi Bou Saïd se trouve non loin du palais présidentiel de Carthage.
Un mégot de cigarette !
Curieusement, la Garde nationale tunisienne a affirmé à l’AFP n’avoir détecté « aucun drone ».
« Selon les constatations préliminaires, un incendie s’est déclaré dans les gilets de sauvetage », a dit à l’AFP Houcem Eddine Jebabli, son porte-parole. Selon lequel le bateau se trouvait à 50 milles du port de Sidi Bou Saïd.
Les informations faisant état de la présence d’un drone « sont dénuées de tout fondement », a insisté la Garde nationale dans un communiqué sur sa page officielle sur Facebook, émettant l’hypothèse que le feu ait pu être déclenché par un mégot de cigarette.
Une attaque depuis la Tunisie, comme lors de l’assassinat de Zouari?
Ce récit officiel a été accueilli avec un scepticisme généralisé par les activistes. D’autant que les images montrent bien que l’attaque est survenue depuis le haut.
Certains ont suggéré que le drone avait été lancé depuis un endroit proche, peut-être depuis la Tunisie même, dans une opération qu’ils ont décrite comme une « opération de renseignement » rappelant l’assassinat de l’ingénieur Mohammad Zouari en 2016. Membre tunisien des Brigades al-Qassam du Hamas, il est baptisé le père de drones Ababil et du projet des drones navaux de ce mouvement. Les Ababils ont été utilisés lors de l’attaque anti occupation israélienne du Hamas le 7 octobre 2023.
Et de rappeler également que c’est à Sidi Bou Saïd que le commandant palestinien militaire du Fatah, Khalil al-Wazir (alias Abou Jihad) avait été tué par un commando israélien en 1988, lors de la premier Intifada du peuple palestinien dont il était l’un des dirigeants.
Albanese : une violation de la souveraineté tunisienne ?
Le militant brésilien Thiago Avila présent sur l’un des bateaux a publié dans une vidéo sur Instagram le témoignage d’un autre membre de la flottille assurant avoir vu un drone.
« C’était à 100% un drone qui a lâché une bombe », a affirmé ce militant, Miguel qui avait été arrêté par les forces israéliennes.
Un autre participant à la flottille, Wael Nawwar a condamné « une attaque réalisée par un drone sioniste ».
Le Comité de la flotte égyptienne a qualifié l’attaque d’« agression criminelle perpétrée par un avion de guerre sioniste et d’escalade lâche », estimant que « l’agression israélienne dans le port de Sidi Bou Saïd est une attaque militaire contre un pays arabe ».
Le comité a affirmé sa détermination à poursuivre la participation de l’Égypte à la flotte internationale malgré les menaces.
La rapporteure spéciale de l’ONU pour les Territoires palestiniens, Francesca Albanese, qui vit en Tunisie et s’est rendue dans la nuit au port de Sidi Bou Saïd, a partagé sur X une vidéo de la caméra de surveillance du bateau.
« 1. Bruit de ce que l’équipage a identifié comme étant un drone. 2. L’équipage déclenche l’alerte et appelle à l’aide. 3. Explosion. A vous d’en tirer les conclusions », a-t-elle écrit.
« S’il est confirmé qu’il s’agit d’une attaque de drone, ce serait (…) une agression contre la Tunisie et la souveraineté tunisienne », avait plus tôt dit Mme Albanese devant des journalistes au port de Sidi Bou Saïd.
Israël : Punir les participants à Sumud
Dimanche, Israel Hayom a rapporté que le ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a préparé un plan visant à punir les participants à la flottille pour Gaza, qu’il devrait présenter lors d’une discussion avec le Premier ministre Benjamin Netanyahu.
Selon le journal, le plan prévoit la confiscation immédiate des navires participant à l’opération de rupture du blocus et leur transfert à la police israélienne.
Le plan prévoit également l’incarcération des militants dans des conditions similaires à celles des prisonniers de sécurité des prisons de Ketziot et de Damon, pendant de longues périodes.
Ouvrir un corridor. Mettre fin au génocide
Les participants à la flottille ont ainsi pour objectif non seulement d' »atteindre Gaza » et de « livrer de l’aide humanitaire » mais aussi d' »annoncer l’ouverture d’un corridor humanitaire puis apporter davantage d’aide, et ainsi briser totalement le blocus illégal et inhumain d’Israël », a déclaré Greta Thunberg qui participe pour la seconde fois à une telle initiative.
La Global Sumud Flotilla a également pour intention « de mettre fin au génocide en cours du peuple palestinien », selon les organisateurs.
60 bateaux et plus 500 militants de 44 pays
25 bateaux ont pris le départ le 1er septembre à Barcelone, devenue depuis des années une référence de solidarité avec les Palestiniens. Ils ont fait des escales à Marseille, Catane, Tunis et en Grèce d’où ils ont été rejoints par d’autres navires. D’autres embarcations sont arrivées de Gêne (Italie) et d’autres devraient arriver en Tunisie, depuis la Malaisie, la Turquie et le Maghreb, indiquent les organisateurs, selon lesquels ils devraient atteindre les 60.
Entre 500 et 800 militants représentants plus de 44 pays devraient y embarquer.
Les principales organisations internationales qui parainnent la flottille sont entre autres la Coalition de la Flottille de la Liberté, le Mouvement mondial pour Gaza, la Flottille de la fermeté du Maghreb et la Flottille de la fermeté de Nusantara d’Asie de l’Est (Malaisie).
Plusieurs hommes et femmes politiques se trouvent à bord : dont Mandla Mandela le chef tribal sud-africain et petit-fils de Nelson Mandela ; l’économiste et femme politique portugaise Mariana Mortagua et fille de Camilo Mortágua, militant anti dictature.
De même, plusieurs élus français y font part dont ceux de La France insoumise, comme Marie Mesmeur et François Piquemal, et le député Cédric Caubère, le secrétaire départemental de la CGT. Ils sont accompagnés par des médecins et des militants, dont le médecin toulousain Khaled Ben Boutrif.
Des élus d’Espagne du Portugal ont rejoint la flottille.
Plusieurs acteurs de cinéma occidentaux font partie du voyage dont la Française Adèle Haenel, figure centrale du mouvement Me Too, l’Américaine Susan Sarandon, le Suédois Gustaf Skarsgard, l’Espagnol Eduard Fernández, et l’Irlandais Liam Cunningham.
De juillet à septembre 2025, 15.000 personnes avaient participé aux préparatifs.
Les messages de soutien à la flottille sont parvenus du monde entier. De l’ONG Climate Action Network, du président colombien Gustavo Petro, de l’organisation américaine Artists4Ceasefire, des partis français La France insoumise, Le mouvement Union pour la Reconstruction Communiste, L’organisation politique Révolution permanente.
En Italie, du Collectif autonome des travailleurs des ports (Calp), affilié à l’Unione Sindacale di Base (USB) a lui aussi affiché son soutien à la flottille.
De Mavi Marmara à Sumud: « un acte de courage »
Après deux tentatives bloquées par l’entité sioniste en juin et juillet, les navires de la Global Sumud Flotilla (« sumud » signifie « résilience ou persévérance » en arabe) prévoient d’atteindre Gaza à la mi-septembre afin d’y acheminer de l’aide humanitaire à plus de 500.000 personnes qui se trouvent en situation « catastrophique » selon l’ONU.
Le départ du convoi tunisien qui était prévu mercredi a été reporté en raison des conditions météorologiques et du retard pris par la flottille partie de Barcelone, venue rejoindre les militants de Tunisie avant que tous les bateaux ne prennent la mer ensemble vers Gaza.
La frappe au drone n’est pas sans rappeler ce qui s’était passé en 2010 avec le navire turc Mavi Marmara qui tentait alors de franchir le blocus israélien imposé depuis 2007 à la bande de Gaza. Il a été attaqué dans les eaux internationales par un commando israélien qui a tué 9 militants tucs.
« Nous n’arrêterons pas, nous ne capitulerons pas, ce que nous faisons est un acte de bravoure », a assuré la militante allemande Yasmine Najjar qui participe aussi à la flottille Sumud. Manifestement consciente des menaces qui pèsent sur cette initiative d’une ampleur sans précécent!
« Demain, nous quitterons la Tunisie vers Gaza, à la date prévue, en réponse à ce qui s’est passé, quelles que soient les circonstances’ a déclaré ce mardi dans un communiqué le commandement de la flottille, lors d’un point de presse à Tunis au milieu de la journée, après avoir condamné l’attaque contre le bateau portugais, assurant que l’enquête est en cours pour découvrir son origine .
Source: Divers