La zone de “non-guerre” entre l’Iran et Israël se rétrécit, sur fond de préparatifs militaires, de méfiances réciproques et du risque que la dissuasion ne dégénère en confrontation ouverte.
Il ne s’agit plus de savoir si Israël ou l’Iran s’attendent à la guerre, mais plutôt de mesurer la crainte de chacun de voir l’autre lancer la première frappe. C’est pourquoi les deux capitales se préparent à riposter – voire à prendre l’initiative d’une attaque préventive. Certes, ni Téhéran ni Tel-Aviv n’affichent l’intention déclarée d’engager une guerre totale. Mais, en l’absence de confiance, de canaux de négociation, et face aux malentendus persistants, chaque geste défensif peut désormais être interprété comme une offensive imminente, ouvrant la voie à une escalade non par volonté, mais par peur d’être pris de court.
Depuis la fin de la dernière flambée de tensions, l’Iran n’a pas seulement réparé ce qui avait été détruit: il a accéléré le développement qualitatif et quantitatif de son arsenal balistique, relancé ses installations d’enrichissement et annoncé de nouveaux sites. Fait notable: son stock d’uranium enrichi est resté quasiment intact, ce que reconnaissent même ses adversaires. Parallèlement, la République islamique fait pression sur Moscou et Pékin pour obtenir des systèmes de défense aérienne avancés et des avions de combat capables de remodeler son dispositif militaire. Tirant les leçons de la précédente confrontation, Téhéran a retenu la nécessité de disperser ses centres de gravité, de privilégier la décentralisation et la dissimulation, pour prévenir toute nouvelle surprise stratégique.
Côté israélien, ces mouvements ne sont pas vus comme une simple remise à niveau, mais comme une marche continue vers une infrastructure pouvant, le moment venu, donner à l’Iran la capacité nucléaire ou balistique que nul ne saurait contrer. D’où un dilemme récurrent : frapper avant que la menace ne devienne irréversible. Mais l’équation est insoluble : les frappes, aussi ciblées soient-elles, ne sauraient anéantir ni le savoir accumulé, ni la communauté des ingénieurs et chercheurs. L’expérience montre qu’en Iran, chaque coup porté engendre une reconstruction plus rapide et plus robuste, souvent dans des sites plus sécurisés.
Ainsi, Israël se retrouve face à trois options, tous problématiques : la première est militaire : elle a prouvé qu’elle ne supprime pas la menace, mais au contraire qu’elle accélère sa reconstitution et son expansion, tout en offrant à l’Iran une couverture nationale interne pour hausser le plafond de ses capacités. L’option diplomatique, à travers un nouvel accord nucléaire, rejeté d’emblée à Tel-Aviv s’il n’implique pas une capitulation totale de Téhéran ; ou l’option du statu quo, intenable politiquement et stratégiquement. En réalité, aucun de ces choix ne constitue une véritable issue : seule subsiste une spirale théorique de « frappe et attente », où chaque cycle de confrontation resserre l’étau et accroît le prix à payer.
Cela signifie-t-il qu’une nouvelle escalade est écartée, ou bien que nous sommes à ses portes ? La vérité, c’est qu’il n’existe pas de réponse tranchée, ni d’affirmation ni de démenti. L’intention israélienne de frapper à nouveau ne signifie pas grand-chose dès lors qu’elle ne s’accompagne pas de la capacité de produire un effet durable – c’est là l’une des leçons de la précédente confrontation. De plus, si le prix à payer est une riposte iranienne plus large, le calcul devient tout autre et peut même inciter à la retenue. À l’inverse, la volonté de Téhéran de renforcer la dissuasion ne suffit pas à écarter le risque de confrontation, surtout si Israël décide d’attaquer ou donne des signes d’une initiative offensive. Mais si l’Iran interprète les mouvements israéliens comme le prélude à une attaque, il pourrait prendre les devants par une frappe préventive, comme cela s’est déjà produit par le passé.
Dans ce contexte, le rôle des États-Unis est déterminant, notamment dans ce qui touche aux plans et décisions israéliens. Peut-on alors compter sur la position de l’administration actuelle comme facteur de frein à l’escalade ? Avec un tel gouvernement, les chances paraissent équilibrées – sinon en faveur de l’escalade plutôt que de la stabilité. Ainsi, le facteur américain, conjugué aux dynamiques internes à Téhéran et à Tel-Aviv, au calcul coûts-bénéfices et aux enseignements du précédent round, peut tantôt désamorcer la montée des tensions, tantôt l’attiser. C’est là toute la contradiction de la situation actuelle entre l’Iran et Israël.
Publié le 6 octobre 2025 par Yahya DBOUK
Source : Al-Akhbar
Source: Média