C’est le moins qu’on puisse dire : la fin de l’ère Obama sent la poudre. Le chef d’état-major des forces armées US, Mark Milley, vient de déclarer qu’un « conflit extrêmement meurtrier » avec la Russie est «quasiment certain ». Pour ceux qui auraient des doutes sur la nature de ce conflit, le secrétaire à la Défense de l’administration Obama, Ashton Carter, s’était chargé de les dissiper. Avec ses cheveux bien peignés, la raie sur le côté, il nous a doctement rappelé que les USA se réservaient le droit d’effectuer une « première frappe nucléaire » contre tout ennemi potentiel.
Cette doctrine d’emploi de l’arme atomique n’est pas nouvelle. Admiratif du modèle israélien, le Pentagone croit depuis longtemps aux vertus combinées de l’attaque préventive et du feu nucléaire. « Le maintien d’une possibilité de tirer les premiers a été notre politique depuis longtemps et fait partie de nos plans pour l’avenir », précise Ashton Carter. Contrairement à la France, les USA ne tiennent pas l’arme nucléaire pour un argument de dernier recours. Elle n’est pas une arme de « dissuasion du faible au fort ». Elle n’a pas pour vocation d’éviter, par la crainte des représailles, une agression qui menacerait les intérêts vitaux de la nation.
Pour Washington, l’arme suprême est une arme offensive destinée à anéantir la menace, et non à la dissuader. On pourrait la résumer par la formule suivante : la meilleure défense c’est l’attaque, et tant qu’on y est, il vaut mieux atomiser l’ennemi.
À Washington, cette doctrine a pignon sur rue. Elle est inscrite noir sur blanc dans les documents officiels. Mais grâce au président Obama, cette doctrine mortifère aura connu une nouvelle jeunesse sous son second mandat. En tenant ce discours de matamore, il entend donner toute sa crédibilité à une politique belliciste qui sera amplifiée par Hillary Clinton si elle accède à la Maison Blanche. Pour ceux qui croyaient à la fable d’un gentil président manipulé par les démons néo-conservateurs du Pentagone, on imagine que c’est la douche froide.
Ces déclarations martiales sont des rodomontades, dira-t-on. Escalade purement verbale, effets de manche sans conséquences ! Ce n’est pas parce qu’ils adressent des menaces qu’ils passeront à l’acte.
Certes, mais il y a des données objectives. Le budget militaire US représente neuf fois celui de la Russie, il pèse à lui seul la moitié des dépenses militaires mondiales, les USA n’ont pas hésité en 1945 à utiliser l’arme nucléaire, et on ne sait jamais jusqu’où peut conduire l’ivresse de la puissance. Hillary Clinton a dit un jour que le formidable arsenal dont dispose la « nation exemplaire » ne présentait aucun intérêt si l’on répugnait à s’en servir pour de vrai. À bon entendeur ! Cette Amérique dont elle promet le retour n’hésitera pas à vitrifier ceux qui entravent sa marche grandiose vers la gouvernance planétaire.
Rodomontades ou non, ces déclarations martiales sont le symptôme d’une montée aux extrêmes. L’affrontement verbal entre Moscou et Washington a dépassé le seuil critique, et cette nouvelle guerre froide aiguise les appétits du complexe militaro-industriel. Elle lui fait miroiter les dividendes vertigineux de la course aux nouvelles technologies militaires. Une alchimie redoutable, aux USA, associe la puissance économique et l’imperium militaire, ils se confortent mutuellement, ils fonctionnent en osmose. L’affrontement qui s’annonce, par conséquent, représentera pour « l’État profond », ses multinationales, ses banques et ses officines sécuritaires, de gigantesques opportunités de pouvoir et de profit. Ce n’est pas de bon augure.
La dislocation de l’Union soviétique, en 1991, a créé l’illusion que la guerre froide était terminée. Lourde erreur. La renaissance du conflit entre l’Est et l’Ouest sous la présidence Obama fait la démonstration rétrospective que l’affrontement des blocs ne provenait pas de la menace soviétique. L’URSS a disparu, mais cette disparition de la cause supposée des tensions ne les a pas supprimées. Pour une raison fort simple : la véritable menace était, et elle est toujours, celle que fait peser la « nation exceptionnelle » sur la souveraineté des États et la coopération entre les peuples.
Cette menace, en réalité, vient de l’appétit de puissance d’une oligarchie mondialisée dont le centre de commandement est à Wall Street. C’est la cupidité pétrie de bonne conscience de ces adorateurs du Veau d’or qui menace la paix du monde, et non Vladimir Poutine ou Bachar Al-Assad. En nous léguant les fruits pourris de sa politique, Barack Obama aura au moins administré une leçon à ces naïfs qui croient qu’un président des États-Unis est autre chose que le commis de la finance mondialisée. La principale cause du chaos international actuel, ce n’est pas la Russie, l’Iran ou la Corée du Nord. C’est la soumission de la première puissance de la planète à une oligarchie narcissique et corrompue qui se moque comme d’une guigne de la paix du moment qu’elle engrange des profits.
Cette oligarchie, Barack Obama l’a servie. Il a reçu le prix Nobel de la paix, mais il a fait la guerre afin de promouvoir ses sordides intérêts. Tous les conflits en cours sont les rejetons monstrueux de la stratégie du chaos dans laquelle il est passé maître. Tuant à l’aveugle, la guerre des drones a livré l’Afghanistan aux talibans. En Syrie, l’ingérence occidentale et l’alliance de Washington avec les terroristes ont généré une guerre effroyable. Exécutée par ses larbins européens, la destruction de la Libye a semé le chaos dans la région sahélienne. Au Yémen, l’aviation saoudienne massacre des civils à coups de bombes made in USA. En Palestine, la complicité de l’administration Obama (qui vient d’offrir 38 milliards de dollars à Tel Aviv) encourage la violence coloniale déchaînée par les sionistes contre le peuple palestinien. Entre les guerres en cours et la guerre qui vient, il ne restera de cette présidence que les fruits pourris de l’impérialisme.
Par Bruno Guigue
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