Le secrétaire général du Hezbollah Sayed Hassan Nasrallah a appelé l’Etat libanais à assurer la protection de la région de la Békaa et à régler les problèmes vitaux et économiques de la population de Baalbeck-Hermel.
Dans un discours télévisé, consacré au phénomène de la recrudescence des incidents sécuritaires dans la Békaa, Sayed Nasrallah a annoncé que dorénavant, aucune couverture ne sera assurée aux meurtriers, qui seront remis à l’Etat pour subir les sanctions convenables.
Il a par ailleurs évoqué le pacte d’honneur conclu par l’imam disparu Sayed Moussa Sadr avec les personnalités notables de la Békaa, en vue de faire régner la sécurité dans cette région, connue pour ses sacrifices et sa lutte contre les différents ennemis du pays.
Dans ce qui suit, les idées essentielles de son discours:
« Que la paix de Dieu soit sur vous. Chers frères, je vous salue et je vous remercie pour cette présence massive parce que je voudrais évoquer une affaire cruciale qui nous concerne tous. Vous assistez à ce discours depuis tous les villages de la région de Baalbeck-Hermel. Cette rencontre était prévue auparavant, mais elle coincide avec les préparatifs pour le scrutin présidentiel. Le premier motif direct pour la tenue de cette rencontre est l’ensemble des incidents survenus dans les derniers mois dans cette région: les tueries et les vendettas qui ont été très fréquents ces derniers temps.
Les habitants de la région ont aujourd’hui peur pour leurs proches et des gens commencent à éviter de sortir la nuit. Ca n’a jamais été le cas dans la Békaa. Les développements récents nous poussent à parler de la sécurité dans la Békaa.
Pour ce fait, je me suis mis d’accord avec notre frère, le dirigeant du mouvement Amal, le président Nabih Berri, sur les points que je vais évoquer. Nous devons tous assumer la responsabilité de ce dossier crucial et sensible.
Sur le plan humanitaire, religieux, national… nous sommes appelés à préserver la sécurité dans la Békaa comme ailleurs, alors que la région entière bouille. Grâce aux efforts des différents partis politiques, nous avons épargné au Liban les affres des guerres voisines. Mais ceci n’est pas suffisant. Nous devons protéger et maintenir la sécurité intérieure et la coexistence dans cette région multiconfessionnelle.
Je voudrais insister sur quelques points au début:
1- La sécurité est une revendication essentielle pour toute nation. C’est une grâce de Dieu. La population doit vivre en paix et se sentir en sécurité dans son environnement. C’est un objectif sacré tant sur le plan religieux et national.
La sécurité est la clé pour le développement, le tourisme, l’essor culturel, administratif, social… c’est une évidence qui a existé depuis Adam à ce jour. La sécurité équivaut à la santé du corps humain.
2- Nous sommes aussi responsables de la réputation et de la dignité de cette région sur le plan régional. Cette région de Baalback-Hermel est aujourd’hui au cœur des exploits héroiques enregistrés dans la lutte contre les terroristes. Les habitants de cette région sont connus pour leur sens de responsabilité et leurs sacrifices face aux échéances cruciales. Cette région fut le noyau de la résistance et a sacrifié ses commandants et ses combattants dans la Békaa et au Sud Liban face à l’occupation. Voici l’histoire de la Békaa. Tous les jours, des martyrs originaires de la Békaa tombent en martyre pour défendre le Liban.
Vous méritez donc d’être les premiers à jouir de la paix et de la sécurité, parce que vous consentez des sacrifices incommensurables.
3- Face aux tueries, aux vols, aux assauts contre les propriétés et les magasins, aux blocages des rues, nous devons déterminer les responsabilités de chacun de nous, sans se contenter d’imputer à l’Etat toute la responsabilité.
Nous ne pouvons pas rester passifs devant ces incidents sécuritaires.
On peut dire que la condition économique est derrière ces attaques. Mais on est train de simplifier beaucoup les choses dans ce cas.
Il y a quelques jours, un homme a tué quatre personnes dans un village au Mont-Liban. C’est un meurtre horrible commis pour des raisons banales. Rien à voir avec l’économie et la pauvreté. D’autres incidents liés aux vendettas ne sont en aucun cas liés à la condition économique.
Donc, la pauvreté n’est pas toujours la raison de ces incidents. Cette équation n’est pas valable, pourtant l’Etat doit régler les problèmes économiques dans la région. Ce n’est pas une raison pour justifier les meurtres et les intimidations. La pauvreté existe depuis bien longtemps au Liban.
Face à ce qui précède, venons coopérer ensemble pour régler cette crise. Au nom du Hezbollah et du mouvement Amal, nous sommes appelés à agir sur plusieurs dimensions:
1- Les forces politiques, les dignitaires religieux, les chefs de tribus et de familles, les professeurs, les universitaires, les journalistes doivent tous rappeler aux gens que l’acte de tuer est un fait prohibé et répugné par la religion et la loi. Nous devons rappeler que ces agissements sont condamnables et vils, et hausser la voix pour que tout le monde répugne des actes pareils. Celui qui pense ainsi commettre un crime similaire, doit réfléchir aux répercussions.
2- Le meurtrier ou le voleur ne doivent pas être protégé. Aucune couverture familiale ni politique ne doit être assurée à ce fautif. Il doit être remis à l’Etat pour qu’il subisse les sanctions convenables.
3- Le meurtrier est le seul responsable de son acte et on ne peut en aucun cas imputer la faute à toute sa famille.
Nous vous appelons à retourner au pacte d’honneur que vous avez conclu avec Sayed Moussa Sadr dans les années 1970. A cette époque, Sayed Sadr exprimait une grande peine pour les incidents survenus en 1970 comme les vendettas et les crimes.
Ensuite, un pacte d’honneur a été conclu et signé par les tribus et les grandes familles. Parmi les points de ce pacte: « Nous nous opposons à toute personne qui commet un crime, nous levons toute couverture à celle-ci, et nous la privons de toute sorte d’aide. Le criminel doit être personnellement poursuivi et ses proches ne sont en aucun cas tenus pour responsables pour son acte… »
Presque toutes les familles de la Békaa, sunnites, chiites, chrétiennes confondus, ont signé ce pacte. Nous sommes tous invités à faire ressusciter le contenu de ce pacte auquel nous ajouterons deux points:
1- Je propose, tout comme mes frères du mouvement Amal, de travailler de concert pour livrer les criminels à l’Etat libanais. Qu’il s’agisse d’un voleur, d’un fauteur de troubles ou d’un tueur. Tout le monde doit faire pression pour qu’il soit remis à l’Etat. C’est la première mesure effective que nous devons adopter pour assurer la sécurité des gens. Il sera ensuite emprisonné et sanctionné pour ensuite étudier les solutions disponibles. C’est le seul obstacle qui dissuade les gens de commettre des crimes.
Dans ce cas, les familles des victimes se calmeront, et se résigneront à la volonté et à la décision de l’Etat.
Nous craignons qu’une cinquième colonne tente d’inciter les gens aux meurtres et aux attaques.
Tout individu, craignant d’être rejeté par sa famille et son environnement, et d’être sanctionné par l’Etat, pourra être dissuadé et aura peur de commettre un crime quelconque.
Cette mesure s’avère primordiale pour limiter au maximum le nombre des crimes et des attaques.
Dorénavant, le Hezbollah posera comme condition première la remise à l’Etat de tout meurtrier, avant de passer à la résolution des problèmes et de retrouver un consensus entre les parties adversaires.
2- Les oulémas et les forces politiques doivent intervenir immédiatement pour régler les problèmes à leurs débuts, avant que les choses ne dégénèrent et que d’autres gens ne soient tués.
3- Nous devons tous appeler l’Etat à assumer ses responsabilités sur tous les plans: sécuritaire, développemental, culturel…
Sur le plan sécuritaire, le Hezbollah et le mouvement Amal vont déployer des efforts accrus pour que l’Etat arrête les voleurs, les criminels et ceux qui vont les protéger seront aussi tenus pour responsables.
Nous allons tenir des sit-in et des grèves, nous formerons des délégations pour visiter les présidents et nous ferons d’autres activités pour que l’Etat agisse dans ce sens.
Telles sont nos responsabilités pour garantir la sécurité de notre région. C’est la priorité de tous.
Quant à l’Etat, il doit être présent en force. Tous les services de sécurité et l’armée doivent poursuivre sérieusement les criminels et les arrêter. Nous ne vous appelons pas à tuer les gens tous azimut, mais mettez un terme à l’insécurité.
Certains oulémas et des personnalités de la société civile nous ont sollicités pour dresser des barrages et arrêter les personnes recherchées. Cette mesure est dangereuse, et menace l’unité du pays. En plus, qui garantit que ces barrages peuvent maintenir la sécurité?
Quand il s’agit d’évènements à caratère social, aucun parti politique, aucune communauté ne peut les régler. L’Etat est la seule partie qui peut et qui doit régler une affaire pareille.
Mais dans les cas de la protection du pays, la population ou les forces populaires peuvent combler les lacunes liées à l’absence de l’Etat. Aujourd’hui, nos jeunes combattants et les soldats libanais sont déployés tout au long de la frontière est pour protéger le pays. Ceci est faisable. Mais la sécurité intérieure relève de la responsabilité de l’Etat.
Par exemple, si l’Etat décide de décréter une amnistie dans le pays, il lui faudra compte tenu des calculs politiques des forces au Liban prendre en considération qu’elles réclameront la libération de tous les criminels. Ce qui entrave l’aboutissement de cette affaire.
Si l’on parle d’un citoyen qui a construit sans permis, ou d’un autre qui ne s’est pas arrêté à un barrage de l’armée, ceux-ci ne peuvent en aucun cas être assimilés aux terroristes ni aux meurtriers. Nous devons faire la distinction entre les personnes emprisonnées, étudier leurs affaires au cas par cas, pour libérer les non-criminels.
L’Etat doit régler les questions en litige le plus vite possible pour conforter la population.
4- De plus, l’Etat doit juger les gens emprisonnés, au lieu de les jeter pendant des années en prison sans étudier leurs affaires. L’Etat doit encore accroitre les projets de développement pour aider la population. Nous cherchons à alléger le fardeau et à faciliter le règlement des questions polémiques.
Je passe à un autre point, celui des tirs en l’air dans les différentes occasions. Nous avons pris des mesures contre les membres du Hezbollah pour mettre fin à ce phénomène.
Par exemple, lors des processions funèbres de nos martyrs, pourquoi on ne signale aucun tir dans certains villages alors que dans d’autres villages on tire même des roquettes RPG? Il y a quelques jours, une femme et un garçon ont été blessés par ces tirs et se trouvent toujours à l’hôpital.
Ceci nécessite des efforts culturels, sociaux et familiaux de la part de nous tous. Une seule partie ne peut à elle seule relever ce défi.
Si chacun de nous assume sa part de responsabilité, nous pourrons parvenir à un résultat satisfaisant.
Notre objectif ultime est de voir la région de Baalback-Hermel vivre en paix, en sécurité. L’Etat doit faire son devoir pour régler les problèmes économiques et vitaux.
La population et l’Etat se partagent la responsabilité. Nous réitérons une fois de plus notre respect et notre engagement au pacte d’honneur conclu par Sayed Moussa Sadr, et nous allons coopérer avec les services de sécurité pour traduire devant la justice les criminels.
Nous avons coopéré ensemble dans des dossiers plus importants pour la protection de cette région, et ensemble nous relèverons ce défi.
Source: AlManar