Au Maroc, premier pays à avoir officiellement reconnu l’indépendance des États-Unis d’Amérique en 1777, les menaces du Donald Trump passent mal. Le Président américain s’est fendu, jeudi soir, d’un nouveau tweet sulfureux dans lequel il menaçait les pays qui oseraient soutenir la candidature marocaine pour accueillir la Coupe du Monde de football en 2026.
Les États-Unis ont mis sur pied une FORTE candidature avec le Canada le Mexique pour accueillir la Coupe du Monde 2026. Ce serait une honte si les pays que nous avons toujours soutenus faisaient campagne contre la candidature américaine. Pourquoi devrions-nous continuer à soutenir ces pays lorsqu’ils ne nous soutiennent pas (y compris aux Nations Unies)? a tempêté le Président américain sur Twitter.
Dans les réseaux sociaux marocains et arabes, la menace proférée par «cet individu» (sic) est très mal perçue.
«La FIFA devrait sanctionner les États-Unis et annuler leur candidature pour la Coupe du Monde 2026 après l’ingérence de Trump dans le sport et ses menaces contre les pays qui soutiennent le dossier marocain. Mais personne ne peut arrêter les États-Unis, que l’ingérence soit sportive, économique ou politique», dénonce cet internaute irakien.
Puissance régionale montante, le Maroc mise beaucoup sur cette candidature, dont le résultat sera connu le 13 juin prochain, à la veille de l’ouverture de la Coupe du Monde 2018 en Russie. Officialisé à la mi-mars dernier, le dossier du Maroc a déjà recueilli plusieurs soutiens. C’est bien sûr le cas parmi les pays arabes et en Afrique, où le Royaume, en plus de se présenter comme le candidat du continent noir, dispose d’une forte assise régionale. Mais d’autres pays en dehors de la sphère arabo-africaine sont aussi favorables à Rabat. Dans cette catégorie, le plus illustre soutien est sans doute le «meilleur allié» des États-Unis. La France a donc choisi son camp. «Des raisons historiques, politiques et économiques» font qu’elle votera pour le Maroc.
«Je ne me vois pas ne pas soutenir un pays proche de nous. L’Afrique n’a eu qu’une Coupe du Monde dans son histoire (en Afrique du Sud, en 2010), ce n’est pas beaucoup. Le Maroc est prêt, même s’il n’a pas les mêmes moyens que ses adversaires. La France n’a qu’une voix, mais elle donnera peut-être un élan à l’Europe pour choisir le Maroc», a expliqué le président de la Fédération Française de Football, Noël Le Graët, interviewé par l’Équipe.
À supposer qu’il mette ses menaces à exécution, ce ne sera pas à la France que le Président Trump s’en prendra. Encore que quelques-uns soupçonnent qu’il s’agisse d’un nouveau pétard mouillé. À la veille du vote d’une résolution onusienne condamnant la décision de Washington de transférer son ambassade à Tel-Aviv, le Président américain avait déjà menacé de couper les aides américaines aux pays qui oseraient voter contre les États-Unis. Pour le géopoliticien du sport Jean-Baptiste Guégan, en revanche, «il ne s’agit pas d’une menace en l’air, encore qu’on ne puisse pas préjuger de ses effets.»
«Les États-Unis appréhendent le prochain vote de la FIFA, après la récente remontée du Maroc en termes de voix. Le Royaume a derrière lui non seulement le continent africain, mais également des pays comme la France et l’Espagne. Désormais, il y a une vraie possibilité que la candidature marocaine l’emporte face aux Américains, et c’est ce qui inquiète les Américains», souligne pour Sputnik l’auteur de «Géopolitique du sport, une autre explication du Monde».
Un choc d’autant plus violent pour Washington qu’il ne s’était pas complètement remis de l’électrochoc de décembre 2010, quand la FIFA choisissait le petit Émirat du Qatar pour l’organisation de la Coupe du Monde 2022 au Qatar, au détriment des États-Unis.
«Un an après, les premières enquêtes contre la FIFA sont lancées. Les Américains font même des pressions sur les Suisses pour qu’ils acceptent l’extraterritorialité de la justice américaine. Pour avoir perdu l’organisation de la Coupe du Monde en 2022, ils ont fini par faire tomber Joseph Blatter», poursuit Jean Baptiste Guégan.
Le message est clair: «les États-Unis n’ont pas oublié cet épisode. On ne joue pas quand les États-Unis s’engagent». Raisons pour lesquelles la FIFA se trouverait aujourd’hui «sous pression» pour que la candidature américaine aboutisse. Et c’est dans ce sens qu’il conviendrait, toujours selon l’expert français, d’interpréter «la communication agressive» de Trump, manifestement pris de court.
«Ceux qui se sont occupés de la candidature américaine n’ont jamais mis Trump dans la boucle. Conscients de son image clivante, ils ont même tout fait pour qu’il ne soit pas associé à la candidature. Il faut dire que lui aussi s’en moquait, pensant que 2026 était déjà joué. Là, ça change parce qu’on l’a informé que le Maroc pourrait bien créer la surprise», ajoute le géopoliticien français.
Et une «surprise» de très mauvais goût pour le maître de la Maison-Blanche qui fait feu de tout bois, depuis son élection en novembre dernier, pour «rendre sa grandeur à l’Amérique». En matière de foot, point de grandeur à «rendre», mais à acquérir puisque c’est «le seul sport où les Américains ne sont pas présents. Or, il s’agit là d’un véritable enjeu de puissance globale par rapport à la Chine».
«Pour les États-Unis, et notamment depuis le deuxième mandat de Barack Obama, on ne fait plus le sport uniquement pour le sport. Il y a une vraie volonté d’utiliser le sport pour montrer sa puissance, pour dominer par le sport. C’est-à-dire, organiser et gagner», conclut l’auteur de «Géopolitique du sport, une autre explication du Monde».
Source: Sputnik