Un rapport du Sénat français sur la situation au Sahel et les déclarations du représentant du secrétaire général de l’Onu pour la Libye, contredisent les derniers propos du ministre marocain des Affaires étrangères, tenus dans un entretien publié ce lundi par Jeune Afrique, accusant l’Algérie de jouer un rôle déstabilisateur dans la région.
Dans un entretien avec le journal Jeune Afrique, publié ce lundi, le ministre marocain des Affaires étrangères, Nasser Bourita, a, non seulement, à nouveau accusé l’Algérie d’avoir participé activement dans l’opération de livraison d’armes présumée du mouvement chiite libanais, le Hezbollah, au Front Polisario via l’ambassade iranienne à Alger, mais il lui a même fait porter à l’Algérie la responsabilité de l’instabilité de la région du Sahel.
Commentant la place qu’occupe, au regard des institutions internationales, l’Algérie dans la résolution du conflit en Libye et dans la lutte contre le terrorisme au Sahel, le chef de la diplomatie marocaine a déclaré qu’«Il est normal que les acteurs de la déstabilisation soient en priorité pris en charge dans les processus de stabilisation». «Rappelez-vous de la tragique prise d’otages d’In Amenas en janvier 2013. La réalité de ce qui s’est passé là-bas a été escamotée par les médias. N’est-ce pas là une pure action de désinformation?», a-t-il ajouté.
Et d’évoquer la situation sécuritaire au Sahel, qui ne cesse de se dégrader depuis le renversement par l’Otan du défunt dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, le ministre marocain a néanmoins considéré qu’Alger a une responsabilité dans l’état dans lequel est arrivée la région. «Il y a aujourd’hui une conscience que la stabilisation du Sahel passe par un rôle plus constructif des pays directement impliqués, qui ne peuvent plus considérer cette zone comme une arrière-cour manipulable à souhait, ni comme un espace pour évacuer leurs tensions internes».
Alger a catégoriquement réfuté les déclarations du responsable marocain en affirmant que ce dernier n’a apporté aucune preuve et continuait à «inventer des histoires».
D’autres faits contredisent diamétralement les affirmations de Nasser Bourita. En effet, un rapport rédigé par des sénateurs français, ayant effectué une mission d’audit, du 12 au 15 mars 2018, de l’opération militaire française au Sahel et au Mali qui dure depuis 5 ans a fait état d’une dégradation accrue de la situation sécuritaire dans la région en concluant qu’il ne peut y’avoir de paix sans la participation de l’Algérie.
Dans ce document rédigé par les sénateurs Christian Cambon, président de la Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées et membre de la délégation parlementaire au renseignement, Olivier Cigolotti et Ladislas Poniatowski, publié le 9 mai par le Sénat, on peut lire qu’il y a des attaques terroristes quotidiennes et pas seulement dans le Nord du Mali, contrairement à la situation de la région en 2013. L’accord conclu en 2015 entre le pouvoir de Bamako et les groupes rebelles n’est toujours pas mis en application, des troupes françaises en panne d’équipements suffisants, et enfin le manque d’efficacité de la force du G5 Sahel. «Lors de nos entretiens politiques au Niger et au Mali, nous avons abordé la question de l’Algérie. Il suffit de regarder une carte pour comprendre que rien ne se règlera au Sahel sans l’Algérie. On ne peut pas concevoir la paix et la stabilité de cette immense région sans l’Algérie», a souligné le rapport selon l’APS.
Concernant le dossier libyen, Ghassan Salamé, le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu pour la Libye, a déclaré à l’issue de sa rencontre à Alger, le 12 mai 2018, avec le ministre algérien des Affaires étrangères, Abdelkader Messahel, «l’Algérie est en droit légitimement de s’intéresser à la situation en Libye eu égard aux liens profonds qui unissent les deux pays et de la longue frontière qu’ils partagent», mettant en avant la disponibilité «constante» de l’Algérie à aider ce pays à sortir de l’impasse politique et sécuritaire dans laquelle il se trouve, selon l’APS.
De son côté, le chef de la diplomatie algérienne a souligné que sa rencontre avec le responsable onusien était «une occasion de discuter longuement de la situation qui prévaut en Libye et des prochaines étapes dans le cadre de la mise en œuvre de la résolution de l’ONU et du Conseil de sécurité ainsi que du Plan d’action de Ghassan Salamé», selon la même source.
L’Algérie, qui s’était opposée à l’intervention de l’Otan en Libye, avait initié, quelques années avant la naissance du G5S, un mécanisme similaire impliquant des pays de la région. Il s’agissait du CEMOC (Comité d’État-major opérationnel conjoint), lancé en avril 2010 et basé à Tamanrasset. Cette structure réunissait, théoriquement, les forces armées des pays sahéliens sous l’égide de l’Algérie. Selon Akram Kharief, consultant algérien dans la défense et la sécurité, si l’Algérie boude le G5 Sahel, c’est justement parce qu’elle considère: «qu’elle est la véritable initiatrice du projet, avec le CEMOC. L’Algérie est très étonnée de voir que la France débarque [en août 2014, ndlr] avec le même projet dans ses cartons sans rien demander à l’Algérie. Elle considère que c’est une initiative parallèle qui dilue les efforts de la lutte contre le terrorisme», a déclaré Kharief dans un entretien avec Sputnik.
Source: Sputnik