Les attaques contre des installations pétrolières en Arabie saoudite samedi, qui ont brutalement privé le royaume de la moitié de sa production et généré une flambée record des cours, jettent une lumière crue sur les points faibles du secteur.
« Il y a deux leçons principales à retenir pour les compagnies pétrolières », explique à l’AFP Anoush Ehteshami, professeur en relations internationales à l’Université de Durham, en Angleterre.
Selon lui, la première est que « les installations pétrolières sont, par nature, très vulnérables à toutes sortes d’attaques », vu la nature inflammable et explosive des hydrocarbures.
« La deuxième leçon, c’est que les gouvernements régionaux et puissances internationales sont relativement impuissants quand il s’agit de leur défense », continue-t-il.
Consciente des risques encourus par ses sites pétroliers dans une région régulièrement secouée de conflits, l’Arabie Saoudite investit lourdement dans des systèmes de défense et d’armements sophistiqués, comme les missiles sol-air Patriot de l’américain Raytheon.
Cela n’a pourtant pas suffi à éviter l’attaque de samedi, que les Etats-Unis attribuent à l’Iran, qui aurait d’après eux utilisé des missiles de croisière.
Samedi, les combattants de l’organisation yéménite Ansarullah avaient revendiqué ces attaques menées selon les premiers éléments rapportés par des drones et visant l’usine d’Abqaiq, la plus grande au monde pour le traitement de l’or noir, et le champ pétrolier de Khurais.
Ryad ne s’est pas pour l’instant prononcé sur les auteurs de l’agression, qui a réveillé la crainte d’une escalade militaire entre l’Iran et les Etats-Unis, avec le chef de la diplomatie américaine Mike Pompeo en partance pour l’Arabie saoudite afin d’évoquer la riposte de son pays.
Les événements de samedi montrent en tout cas d’après M. Ehteshami qu’aucun système de défense, aussi avant-garde soit-il, n’est infaillible.
Pour Valérie Marcel, membre du centre de réflexion britannique Chatham House, ils prouvent que « les Saoudiens doivent revoir la préparation et la capacité de réponse de leur système de défense ».
Cybernétique
Outre les agressions de type militaire, les attaques cybernétiques sont un risque croissant.
« Toutes les grandes puissances, et même de plus petites qui sont dans un contexte belliqueux, ont mis en place des stratégies d’attaque (informatiques). Et dans toutes ces stratégies offensives, l’approvisionnement en énergie est présent », soulignait en août Gérôme Billois, expert en cyber sécurité du cabinet Wavestone.
La Russie, la Chine et les États-Unis auraient ainsi développé de telles capacités, mais aussi des pays plus petits comme la Corée du Nord ou l’Iran, pouvant agir directement ou par l’intermédiaire de groupes criminels.
L’offensive choc sur les installations du premier exportateur mondial d’or noir remet aussi en question les stocks mondiaux, jusqu’alors considérés comme abondants.
Si le gouvernement saoudien s’est voulu rassurant, affirmant avoir déjà rétabli « la moitié de la production perdue » et que le reste le serait d’ici fin septembre, les frappes ont montré qu’elles pouvaient brutalement remettre en question la sureté de l’offre pétrolière saoudienne et de ses vastes réserves.
D’après Mme Marcel, la marge de sécurité des stocks mondiaux semble depuis bien moins confortable, car en cas de perturbation majeure, les « stocks saoudiens se réduiront, toute capacité de réserve sera utilisée ».
Dans l’immédiat, les gouvernements saoudien et américain ont fait valoir que le marché était amplement approvisionné – tout comme l’Agence internationale de l’Energie – assurant qu’ils pouvaient puiser dans leurs réserves pour pallier le manque de production saoudien.
Les réserves stratégiques de pétrole américaines ont notamment été constituées pour ce type de situation, afin d’éviter que le pays ne subisse de nouveau une hausse des prix comme lors du choc pétrolier de 1973.
M. Ehteshami souligne qu’étant donné leur caractère stratégique tant aux États-Unis qu’en Arabie Saoudite, « ces réserves sont sécurisées ».
« C’est la vulnérabilité des plateformes, des raffineries, et des sites d’extraction et de chargement qui est problématique », continue-t-il.
Pour Harry Tchilinguirian, analyste chez BNP Paribas, au vu des derniers événements, « le marché devrait relever la prime de risque sur les cours du pétrole, vu la vulnérabilité de la chaine d’approvisionnement saoudienne et la possibilité qu’une attaque de même type se répète ».
Source: Avec AFP