Le guide suprême iranien a réaffirmé dimanche son opposition à tout dialogue avec Washington à l’occasion d’un discours prononcé pour le 40e anniversaire de la prise d’otages à l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, que l’Iran marquera lundi.
« L’opposition constante à des négociations avec les Etats-Unis est l’un des instruments importants dont dispose l’Iran pour les empêcher de prendre pied dans notre cher pays », a déclaré l’ayatollah Ali Khamenei dans cette allocution, selon des morceaux choisis publiés sur son compte Twitter officiel en persan.
« Cette mesure dictée par la logique interdit à l’Amérique de ré-infiltrer l’Iran. Elle est une preuve du pouvoir et de la puissance véritables de l’Iran et montre que la puissance (des Etats-Unis) n’est que fiction », a ajouté le numéro un iranien.
« Discuter avec les Américains ne mènera à rien », c’est « acquis d’avance », a encore dit M. Khamenei, selon qui négocier avec Washington reviendrait « simplement à ouvrir nouvelle voie permettant (à l’Amérique) d’exprimer de nouvelles attentes » vis-à-vis de l’Iran.
« Les Américains falsifient l’Histoire »
« Ils disent: cessez (d’intervenir au Moyen-Orient), d’avoir des missiles; au bout du compte ils diront: arrêtez d’insister sur le port du voile islamique » pour les femmes, a-t-il ajouté: « Il n’y a aucune limite à leurs exigences. »
Selon lui, « les Américains falsifient l’Histoire et prétendent que les différends » avec l’Iran « découlent de la prise de l’ambassade » des Etats-Unis à Téhéran le 4 novembre 1979.
« NON! Cela remonte au coup d’Etat de 1953, lorsque les Etats-Unis ont renversé (le) gouvernement (du Premier ministre Mohammad Mossadegh) et établi un gouvernement corrompu et à leur solde », ajoute le compte Twitter de M. Khamenei en anglais.
Avant son renversement par ce coup d’Etat orchestré par Washington et Londres, Mossadegh avait été le principal artisan de la nationalisation de la compagnie pétrolière Anglo-Iranian Oil Company, qui deviendra la British Petroleum (BP) après sa destitution et l’intronisation de Reza Pahlavi comme chah d’Iran.
Le 4 novembre 1979, moins de neuf mois après le renversement de ce dernier, un groupe d’étudiants partisans de la Révolution islamique avait pris d’assaut l’ambassade des Etats-Unis à Téhéran, qualifiée alors de « nid d’espion » par les partisans de Khomeiny, père fondateur de la République islamique. Les découvertes faites au sein de l’enceinte de l’ambassade sur les activités d’espionnage américaines ont nourri d’innombrables livres publiés par le ministère de la Culture et l’Education.
Les étudiants avaient exigé, pour libérer les otages, que les Etats-Unis extradent le Chah afin qu’il soit jugé en Iran.
La crise ne s’achèvera que 444 jours plus tard -après la mort, en Egypte, du souverain déchu-, avec la libération de 52 diplomates américains.
L’Amérique, plus affaiblie, mais plus effrontée
Rompues entretemps, les relations diplomatiques entre Téhéran et Washington n’ont jamais été rétablies.
En 65 ans, c’est-à-dire depuis 1964, où les États-Unis ont poussé le défunt fondateur de la République islamique à l’exil, et jusqu’en cette année 2019, les Etats-Unis n’ont changé ni de politique ni de comportement. C’est une puissance inexorablement impérialiste qui ne connaît pas de limite dans son action dévastatrice », avait-il affirmée auparavant.
Selon lui, « depuis la victoire de la Révolution, les États-Unis n’ont pas cessé leurs actes hostiles à l’encontre du peuple iranien : coup d’État, blocus, sanctions, incitation aux tendances séparatistes etc… Bien sûr, Nous ne sommes pas restés les bras croisés au cours de ces années, et dans de nombreux cas, nous les avons vaincus.
« L’Amérique d’aujourd’hui est plus affaiblie que dans les années soixante, mais bien plus effrontée et impudente qu’il y a 60 ans », a-t-il affirmé.
Macron « naïf ou complice »
Depuis plusieurs mois, la tension entre Téhéran et Washington connaît de nouveaux pics sur fond de retrait des Etats-Unis de l’accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015 et en raison de la poursuite d’une politique américaine de « pression maximale » contre une République islamique que la Maison Blanche accuse de tous les maux du Moyen-Orient.
Le président américain Donald Trump, qui accuse l’Iran de chercher à se doter de l’arme nucléaire -ce que la République islamique a toujours démenti- a sorti unilatéralement son pays de ce pacte en mai 2018 avant de rétablir et étendre de lourdes sanctions contre l’Iran.
Par l’accord de 2015, conclu entre la République islamique et le groupe 5+1 (Chine, Etats-Unis, France, Grande-Bretagne, Russie et Allemagne), l’Iran acceptait de réduire drastiquement son programme nucléaire -afin de garantir qu’il n’a aucune visée militaire- en échange d’un allègement des sanctions.
En riposte au rétablissement des sanctions américaines, qui ont fait plonger l’économie iranienne, Téhéran a commencé en mai à revenir sur certains engagements.
Pour sauver l’accord, le président français Emmanuel Macron avait tenté en septembre, sans succès, d’organiser une rencontre entre M. Trump et son homologue iranien Hassan Rohani.
M. Macron est « soit très naïf, soit complice des Etats-Unis » s’il pense qu' »une rencontre avec le président (américain) va résoudre tous les problèmes », a commenté M. Khamenei dimanche.
Le guide iranien a également fait référence à l’impasse dans laquelle se retrouvent les Etats-Unis et la Corée du Nord après les rencontres ultramédiatisées entre M. Trump et le dirigeant coréen Kim Jong-Un, y voyant la preuve que les Etats-Unis sont tout sauf un partenaire de confiance.
Barrer la voie à l’influence américaine
Selon l’Imam Khamenei, la riposte la plus importante que la RII a donnée aux conspirations américaines a été de barrer la voie à une nouvelle infiltration ainsi qu’à influence politique américaine en Iran.
Et de poursuivre: « interdire les négociations est un moyen de freiner l’influence américaine ; ceci est bien sûr très difficile pour les USA. Une Amérique arrogante, qui considère comme une faveur le fait de se mettre à la table des négociations pour s’entretenir avec les dirigeants d’autres pays, insiste depuis des années pour négocier avec les autorités de la RII, ce que refuse l’Iran. Cela signifie qu’il existe dans le monde, une nation et un État qui ne cèdent pas à la puissance dictatoriale des États-Unis. Cette interdiction de négociation a une logique forte: elle bloque l’influence de l’ennemi, met au grand jour la grandeur de la République islamique et brise la fausse image que l’Amérique s’est construite dans le monde.
Plus loin dans ses propos, le Leader de la Révolution islamique est revenu sur l’exigence des Américains et de leurs alliés occidentaux de voir l’Iran renoncer à ses capacités balistiques : « La jeunesse iranienne a doté le pays de missiles ayant une portée de 2000 km, lesquels s’abattent sur leurs cibles avec une marge d’erreur d’un mètre, or le camp d’en face nous dit : éliminez ces missiles et que vos missiles n’aient qu’une portée de 150 Km ! Si on accepte, c’est notre défense nationale qui s’en va et si on n’accepte pas, ce sera le statut quo (Sanctions, menaces….).
« Si les responsables iraniens avaient accepté de négocier, ils n’auraient eu rien de retour si ce n’est de nouvelles exigences de la part de leurs interlocuteurs, genre « démantelez vos missiles balistiques…. » et sans que les pressions, les restrictions ne perdent de leur intensité », a-t-il averti.
Sources: AFP; Press TV