Depuis la défaite israélienne dans la seconde guerre du Liban en 2006, trois plans militaires ont été confectionnés par l’institution militaire israélienne pour éviter un nouveau revers, en cas de guerre.
« Tefen », (2008-2012) a été mis au point par le chef d’état-major Gaby Ashkenazi. Il avait comme objectif de revaloriser les forces terrestres israéliennes dont le manque de combativité a été diagnostiquée, notamment par la commission Winograd, comme étant l’une des causes du revers israélien dans le sud libanais, face aux combattants du Hezbollah. celui-ci a aussi stigmatisé une coordination interarmes insuffisante, l’incohérence de certaines décisions d’état-major et, plus grave, une stratégie globalement inadaptée.
Cet échec s’était surtout traduit par la mise en échec des objectifs que les israéliens s’étaient assignés : les soldats israéliens kidnappés n’ont pas été libérés, la branche militaire du Hezbollah n’a pas été « éradiquée », ses combattants patrouillent toujours au Sud-Liban et son chef sayed Hassan Nasrallah a survécu à plusieurs tentatives d’élimination.
Ce plan s’est fixé de perfectionner les capacités des troupes au sol, en menant des manœuvres terrestres en coordination avec l’armée de l’air. Il s’est poursuivi avec l’avènement de Benny Gantz à la tête des forces armées israéliennes. Celui-ci a préconisé « le retour à l’essentiel », en réhabilitant les capacités des forces terrestres.
Puis ce fut le tour au plan Gideon (2015-2020), mis sur pied par son successeur le chef d’état-major Gadi Eisenkot, qui tout en continuant à mettre l’accent sur l’infanterie en perfectionnant la qualité des entrainements et des équipements, a reconsidéré son rôle dans la doctrine de combat israélienne. Il a redéfini la relation entre les deux sphères militaire et politique.
Durant la guerre 2006, les militaires ont blâmé les politiques pour avoir tergiversé de manière incohérente.
C’est Aviv Kochavi qui, succédant à Eisenkot en 2019, a préconisé le troisième plan baptisé Tnouva, l’Elan (2020-2025).
Il a directement commencé à organiser des dizaines d’ateliers au sein de l’armée israélienne, avec la participation d’un grand groupe d’officiers de réserve. Le but étant de développer un plan pluriannuel, dans tous ses détails, pour compléter l’état de préparation de l’armée israélienne, de sorte qu’elle puisse réaliser la victoire sur le plan stratégique opérationnel.
Il s’agit en d’autres termes d’établir un plan de guerre en vue de réhabiliter toutes les unités de combat dans toutes leurs formes.
Il s’est concentré principalement sur les premières sources de menace, à savoir le Hezbollah au Liban et la résistance palestinienne dans la bande de Gaza.
Sa finalité consiste à réaliser un exploit militaire de haut niveau en un laps de temps le plus court que possible et à un prix le plus bas possible, en provoquant un choc majeur du côté de la résistance. Et ce grâce à un processus intégré de participation de tous les bras de l’armée israélienne, dès les premiers moments de la bataille, et en mettant l’accent sur le rôle des manœuvres au sol. Celle-ci comprend une entrée des forces sur le terrain.
Sans une offensive terrestre massive des forces, il n’y a aucune chance de remporter la victoire, estime Kochavi qui a fixé pour son plan la destruction de 50 à 60% des forces et des capacités de l’ennemi, dans le moins de temps possible et aux prix le plus bas, en particulier sur le front intérieur israélien. Avec l’affirmation que l’entrée terrestre vise à détruire les capacités de l’ennemi, pas l’occupation des territoires.
L’effet de choc, comme le veut le plan Elan, ne peut être obtenu qu’en créant une coopération interarmées, dès le début la bataille, ce qui devrait provoquer certainement la surprise, avec la confirmation du rôle des forces terrestres pour provoquer ce choc majeur.
Sur cette base, on peut dire que les principaux objectifs du plan sont les suivants:
Stratégiquement: créer un état de complémentarité entre les bras de l’armée israélienne, en mettant l’accent sur le rôle de la force terrestre dans la provocation du choc majeur.
Sur le plan tactique, il faut construire une capacité mentale et physique chez le soldat de combat sur le terrain.
Les réalisations les plus importantes
– Pour ce fait, a été créée une unité de combat sur le terrain appelée « Unité à plusieurs niveaux ». Considérée comme une unité d’élites dans l’armée israélienne, elle devrait intégrer en son sein une aptitude de combat supérieure, avec une grande capacité d’analyser les informations du renseignement et de gérer les dispositifs techniques.
En même temps, sur le champ de bataille, elle est directement reliée à travers le soldat à toutes les branches de l’armée, aviation, infanterie et marine. Elle dispose du pouvoir de donner des ordres directs pour activer les capacités de ces bras, directement et rapidement.
– Ont été introduits des améliorations importantes dans les unités technologiques de la Division du renseignement militaire de l’armée israélienne Aman, en particulier l’unité « 8200 » pour l’écoute clandestine, la surveillance électronique et le repérage.
Même intérêt majeur porté pour l’unité « 9900 », spécialisée dans l’étude de l’ingénierie de sécurité. Sa principale mission consistera à élaborer des cartes techniques tridimensionnelles pour la banque de cibles à traiter militairement, tout en ayant recours à des drones de reconnaissance pour collecter des informations de renseignement sur une large étendue, avec l’introduction de types plus modernes dans le service militaire.
– Oeuvrer pour l’intégration immédiate et rapide entre l’infanterie, l’armée de l’air, les forces spéciales et le renseignement militaire est aussi l’une des réalisations du plan Elan. Une «gestion des cibles» a été mise en place, avec pour fonction de convertir les informations du renseignement en ordres opérationnels destinés à détruire la cible à tous les niveaux, dont entre autres les groupes de combat sur le terrain.
Les obstacles au plan Elan
1. Fournir le budget nécessaire pour mettre en œuvre « l’ambitieux plan » tel qu’il est décrit par certains en Israël, est l’un des obstacles les plus importants auxquels il est confronté.
Comme le plan a été adopté par le gouvernement intérimaire israélien, il en a résulté l’échec de spécifier l’augmentation nécessaire du budget de l’armée pour sa mise en œuvre.
Kochavi s’est appuyé sur le recyclage des budgets de l’armée avec de nombreuses coupes budgétaires afin de commencer à le mettre en œuvre, mais il est clair que l’absence persistante d’approbation d’un budget gouvernemental l’affecte négativement, d’autant plus qu’il y a une crise économique étouffante en ‘Israël’, en raison de la pandémie du nouveau coronavirus. elle a généré un déclin de l’économie israélienne à des niveaux sans précédent. selon le bureau des statistiques du gouvernement israélien, elle a baissé au deuxième trimestre de 2020 à plus de 28%, enregistrant le pire niveau en près de 40 ans, selon les données historiques du PIB.
De surcroit, l’augmentation du budget de l’armée nécessite de réduire définitivement les budgets des autres secteurs sociaux et de développement. Ce qui est difficile à faire pour tout gouvernement, compte tenu de la crise économique et de l’état de polarisation sociale aiguë, causées par le coronavirus à l’intérieur ‘d’Israël’.
2- Kochavi est conscient que le succès du plan Élan nécessite l’exclusion de tous les calculs politiques, à partir du moment où le niveau politique israélien donne l’ordre d’entrer en guerre. Ce qui nécessite une atmosphère calme dans l’arène politique israélienne, à l’écart des tiraillements et des polarisations aiguës.
Il en découle que l’instabilité politique actuelle en ‘Israël’ et celle de la coalition gouvernementale, auxquelles s’ajoutent les divisions importantes sur les plans social et politique ont toutes une influence négative dans l’achèvement du plan Elan. Plus est-il que cet état d’instabilité gouvernementale entraîne nécessairement l’armée dans l’arène des dissensions.
La question politique, de laquelle l’armée israélienne a toujours essayé de se distancier, sans parler de la décision de dissoudre la Knesset et d’aller aux élections anticipées, reporte pratiquement le processus d’approbation du budget général du gouvernement.
3- Les guerres d’Israël contre la résistance, que ce soit au Liban ou à Gaza, ont prouvé que son côté mou est le front intérieur israélien.
La situation du front intérieur israélien souffre encore de l’incapacité d’introduire des changements fondamentaux destinés à le fortifier. L’armée israélienne se rend compte que le développement des systèmes de défense aérienne n’est pas une solution au dilemme des missiles de la résistance, notamment avec l’augmentation de leur quantité, de leur qualité et de leur précision.
Par conséquent, Kochavi tente de renforcer une idée au sein de la société israélienne selon laquelle le front intérieur doit être capable de résister à de futures confrontations. À plus d’une occasion, il a affirmé que «le temps des guerres de luxe est révolu» et que «le colon à Tel-Aviv ne pourra pas s’asseoir dans un café et boire du café lors de la prochaine guerre». Il semble que le front intérieur israélien ne soit toujours pas préparé et ne soit pas réceptif à l’idée que toute bataille future affectera la plupart, sinon la totalité, des villes israéliennes.
4. Malgré les nombreuses réalisations et développements réalisés par le plan Elan, ses fruits ne se sont pas étendus à toutes les branches de l’armée israélienne, en particulier à l’infanterie israélienne. Dans un sens plus précis, le plan qui reposait sur le développement des unités d’élites d’infanterie ne s’est pas étendu pour inclure toutes les unités d’infanterie régulières et de réserve.
Il convient de noter que le développement des unités d’élite est compatible avec l’accent mis par Kochavi sur le premier cercle de menace, à savoir la résistance dans la bande de Gaza et le Hezbollah. Mais ce développement ignore les changements stratégiques urgents dans la région, car toute bataille contre le Hezbollah peut dégénérer en une guerre sur plus d’un front, ce que les unités d‘élites ne peuvent affronter seules, sans recruter d’importantes forces dans l’armée de réserve, qui souffre d’un manque de formation et d’un équipement militaire obsolète, en comparaison avec les unités d’élite régulières.
Par Hassan Lafi: spécialiste palestinien des questions israéliennes
Traduit par la rédaction d’al-Manar du site web d’al-Mayadeen Tv