De plus en plus, Abou Mohamad al-Joulani, le fondateur du front al-Nosra -désormais rebaptisé Hayat Tahrir al-Cham- parait comme le chef incontesté de la province d’Idleb, dans le nord-ouest syrien. Avec l’élimination le mois dernier du chef de Daech Abou Ibrahim al-Qorachi, son leadership s’impose sans rival. Il y serait d’ailleurs pour quelque chose dans cette opération de liquidation perpétrée dans une opération américaine.
A noter que cette milice jihadiste takfiriste qui s’est longtemps vantée d’être la branche d’al-Qaïda en Syrie a souvent joui d’un traitement de faveur. Alors qu’elle commettait les pires attentats terroristes aux voitures piégées contre les quartiers résidentiels loyalistes ou neutres de Damas, elle avait été encensée par le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius en 2012, lorsqu’il a déclaré qu’elle fait « du bon boulot ».
Chaque fois que le front al-Nosra se trouvait dans une position critique, des mises en scène d’attaque chimiques étaient fabriquées, de concert avec les Casques blancs (fondés par les Britanniques) pour les imputer aux forces gouvernementales et empêcher sa défaite.
Elle est soutenue financièrement par le Qatar qui avait été chargé du dossier syrien, -de l’aveu de son ministre des Affaires étrangères-, par les pays du Golfe d’œuvrer pour renverser le pouvoir syrien lors de l’éclatement de la guerre contre ce pays. Depuis qu’elle a été incapable de défaire le pouvoir syrien, Doha conduit , de concert avec Ankara, le processus de sa reconversion, pour redorer son image d’autant qu’il est sur les liste des organisations terroristes de l’Onu. C’est aisni qu’il s’est rebaptisé Hayat Tahrir al-Cham et a prétendu sa séparation d’al-Qaïda.
Et pour boucler la boucle, l’an dernier, HTC avait délogé plusieurs milices jihadistes qui étaient ses alliées pendant les années de guerre, dont Hourras Eddine, et celles des combattants étrangers, tchétchènes et ouïghours.
Depuis que Qoraichi a été liquidé le mois de janvier dernier, dans une opération conduite par les forces américaines à Atamah, région de la province d’Idleb frontalière avec la Turquie, les apparitions de Joulani se font plus nombreuses, constate le journal libanais al-Akhbar. Il a été vu récemment lors d’une cérémonie d’hommage à un certain nombre de chefs de milices. Auparavant, il était présent pour l’inauguration d’un projet de routes. Dans une troisième occasion il a parrainé une cérémonie destinée à offrir de l’aide aux habitants déplacés des camps.
Ces apparitions interviennent après plusieurs sessions de formation militaire organisées par la Turquie à ses hommes à Idleb. Dans l’une d’entre elles, ils ont été entrainés à l’utilisation des anti blindés et des équipements de l’infanterie. 200 miliciens ont été transférés en Turquie pour y poursuivre leur formation militaire.
Joulani s’occupe en personne du processus d’organisation de ses milices qui sont divisées selon une pyramide militaire similaire à celle des armées régulières. Il a établi des dizaines de nouveaux points de recrutement dans plusieurs régions de la province d’Idleb contrôlées par les milices soutenues par Ankara en passant par celles du nord-est syrien, conquises par les milices pro turques dans le cadre des campagnes militaires baptisées Bouclier de l’Euphrate, Rameau d’olivier et Source de paix.
Des sources de terrain ont indiqué avoir observé un mouvement de dissensions au sein des milices soutenues par la Turquie en faveur de HTC, pour plusieurs raisons. En tête les salaires qu’il offre à ses membres et qui sont relativement les plus élevés. Sachant que les autres groupuscules souffrent de crises financières successives et tardent à payer leurs miliciens qui touchent entre 28 et 50 dollars par mois, en livres turques. Alors que ceux de Joulani perçoivent entre 150 et 250 dollars, et en dollars. Sans compter l’aide alimentaire qui est procurée régulièrement aux membres de leurs familles et les facilités qui leur sont fournies pour louer des domiciles à de bas prix. De plus, les combattants de HTC jouissent d’une certaine immunité dans les régions de leur travail.
A savoir que les rumeurs courent dans le gouvernorat d’Idleb que Joulani a cordonnée avec les Américains l’élimination du chef de Daech. Surtout que l’endroit où l’attentat a été perpétré se trouve à une centaine de mètres d’un QG de HTC. Des sources proches des milieux jihadistes assurent qu’il avait donné l’ordre à ses combattants, une demi-heure avant l’attaque américaine, de ne pas tenter d’intercepter des avions ou des hélicoptères les informant que ces appareils appartiennent à des forces alliées.
Sachant que les hélicoptères américains qui ont effectué l’opération meurtrière avaient survolé la région d’Atamah à une basse altitude, comme le montrent les vidéos postées sur la Toile. La maison de Qoreichi a été assiégée pendant plus deux heures au cours desquelles des accrochages ont éclaté sans aucune intervention de la part des éléments de HTC.
Ce dernier s’est contenté d’un communiqué qu’il a publié deux jours après l’élimination pour y signaler qu’il refuse les activités de Daech dans les zones qu’il contrôle.
Autre signe des accointances de HTC avec les Etats-Unis : le mois de juin dernier, James Jeffrey, l’ex-émissaire américain pour la Syrie avait rendu compte de contacts réalisés ces deux dernières années entre l’administration américaine et la milice jihadiste au motif que Washington trouve qu’elle est « la moins pire des choix diversifiés d’Idleb ».
Ankara aussi semble miser sur Joulani, aux dépens des autres milices qu’elle a parrainées dans la province d’Idleb et qui ont été minées par les conflits intestins.
En plus des formations militaires fournies à ses miliciens, elle l’a laissé imposer son diktat sur les différents aspects de la vie de la province d’Idleb où il s’accapare certains produits de première nécessité dont le pétrole. Il se le procure des gisements occupés par les forces américaines de concert avec les milices kurdes des Forces démocratiques syriennes. Il semble de plus en plus qu’une certaine complémentarité se dessine entre la province d’Idleb et les régions de Deir Ezzor, Raqqa et Hassaké, occupées par les FDS, avec le soutien américain et turc.
Source: Divers