La livre égyptienne s’échangeait mercredi à près de la moitié de sa valeur en mars, après la troisième dévaluation dictée notamment par un nouveau prêt du Fonds monétaire international (FMI).
Le dollar valait 29,7 livres à la fermeture des banques, selon la Banque centrale. Avant cela, la livre a même plongé le matin à 31,95 et au marché noir, elle s’échange aux alentours de 35 pour un dollar, observent des experts.
Cette chute affecte encore un peu plus les 104 millions d’Egyptiens dans un pays où la majorité des biens sont importés: l’inflation atteint 21,9%, et, en décembre, les prix des denrées alimentaires avaient gagné 37,9% sur un an, selon les statistiques officielles.
Signe que le sujet inquiète, le mot-clé le plus partagé en Egypte mercredi est « dollar », alors que de nombreux internautes disent ne plus pouvoir suivre cette baisse désormais quotidienne.
Achraf Kamal, qui tient un magasin de bricolage, lui, dit à l’AFP n’avoir plus aucune visibilité. « Avant, je connaissais en gros le prix de tout ce que je vends sur huit mois, mais maintenant je vends à un prix différent le matin, le midi et le soir! », assure-t-il.
Non loin de là, le botaniste Mohammed Mahmoud sert des clients de plus en plus regardants sur les prix.
« Ceux qui m’achetaient un kilo avant, prennent 500 grammes, ceux qui avaient l’habitude d’acheter par demi kilo, 250 grammes », se lamente-t-il.
L’Egypte subit aussi de plein fouet les effets de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février car elle est le premier importateur de blé du globe, dont les deux grands producteurs du monde sont Kiev et Moscou.
Pris à la gorge, le pays n’a plus que 34 milliards de dollars de réserve contre 41 en février — dont 28 sous forme de dépôts des alliés du Golfe — et sa dette extérieure a plus que triplé en 10 ans à 150 milliards d’euros.
Selon l’agence Moody’s, l’Egypte est l’un des cinq pays du monde le plus exposé au risque de défaut de paiement de sa dette extérieure.
L’Egypte a obtenu un nouveau prêt du FMI en décembre, mais les trois milliards de dollars qui lui seront versés sur près de quatre ans pèsent peu: le seul service de la dette pour 2022-2023 s’élève à 42 milliards.
Surtout, le FMI a dit réclamer « un changement définitif vers un régime de taux de change flottant » et une « politique monétaire visant à réduire graduellement l’inflation ».
L’Egypte doit aussi mener des « réformes structurelles dans de nombreux domaines pour réduire l’empreinte de l’Etat » dans une économie encore dominée par les entreprises publiques ou liées à l’armée, dont est issu le président Abdel Fattah al-Sissi, a plaidé l’organisation internationale.
Le tourisme, autre grand pourvoyeur de devises, est en berne depuis la « révolution » de 2011 qui a renversé Hosni Moubarak. Alors que ce secteur — 10% du PIB et deux millions d’emplois — commençait à se relever en 2019, la pandémie de Covid-19 l’a de nouveau frappé.
Reste le gaz naturel, dont un énorme gisement offshore a été découvert en 2015 dans les eaux égyptiennes. Mais en attendant ses retombées, avec une monnaie locale aussi faible, de nombreux importateurs ont cessé de faire venir des biens et les étals des magasins et des centres commerciaux rutilants qui ont fleuri dans les nouveaux quartiers chics du Caire s’en ressentent.
Certaines franchises internationales proposent ainsi toujours les collections 2020 tandis que de nombreuses pièces électriques ou appareils électroniques ne sont tout simplement plus disponibles dans le pays.
Pour les importateurs qui ont malgré tout passé commande, les dollars font défaut alors que les retraits sont de plus en plus contrôlés, et, selon le gouvernement, plusieurs milliards de dollars de biens, notamment alimentaires, sont actuellement bloqués dans les ports.
Les supermarchés pratiquent désormais le rationnement tandis que les restaurants ont drastiquement réduit leurs portions pour tenter de ne pas toucher aux prix dans un pays où, officiellement, 30% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté et autant tout juste au-dessus.
Source: AFP