Conférence de presse du Dr Bachar al-Jaafari suite à la réunion d’Astana 2 :
Merci à vous tous, je m’exprimerai en arabe, mais je pense que vous aurez la traduction simultanée
Notre évaluation du processus d’Astana est positive tant qu’il sert le noble but pour lequel nous sommes venus jusqu’ici. Et c’est essentiellement :
la consolidation effective de l’accord de cessation des hostilités,
le suivi de la séparation des groupes armés ayant signé cet accord de ceux qui ont refusé de le signer, c’est-à-dire la séparation entre ceux qui croient en une solution politique et les terroristes,
pour qu’ensuite, tous les signataires, y compris les trois États garants et les groupes terroristes ayant consenti à signer cet accord, soient obligatoirement engagés à combattre le terrorisme et à soutenir les efforts de l’Armée arabe syrienne, de ses amis et de ses alliés.
À notre avis, Astana 2 a préparé la voie au prochain congrès de Genève, lequel devra tenir compte des résultats d’aujourd’hui et de la réunion d’Astana 1 [23 et 24 janvier 2017] , de telle sorte que les travaux de ces deux réunions soient au cœur de ce qui sera discuté à Genève, car nous ne pouvons pas éternellement repartir de zéro en faisant mine d’oublier tous les acquis des réunions précédentes.
Nos rencontres avec les amis russes et les frères iraniens ont été fructueuses et ont largement contribué à la tenue de la réunion d’aujourd’hui. Nous remercions nos amis kazakhstanais des efforts consentis pour sa préparation.
La Syrie, soucieuse d’arrêter l’effusion du sang syrien, s’est engagée à respecter les dispositions de l’accord de cessation des hostilités, mais se réserve le droit de riposter à toute violation de ces dispositions par les groupes terroristes armés. Toute personne qui les violerait sera considérée comme une cible terroriste et légitimement combattue par l’Armée arabe syrienne, ses amis et ses alliés.
Mon pays poursuivra ses efforts afin de libérer chaque pouce de son territoire de l’emprise des organisations terroristes notoirement connues, c’est-à-dire Daech, le Front al-Nosra et dérivées, ainsi que celles qui ne se seront pas engagées dans le processus de cessation des hostilités.
Je voudrais souligner que la non publication d’un communiqué final est essentiellement due à l’arrivée très tardive de la délégation turque et de la délégation des groupes terroristes armés. Comme vous le savez, elles ne sont arrivées qu’aujourd’hui [non la veille comme prévu], ce qui indique non seulement leur manque de sérieux, mais aussi leur volonté évidente de mettre obstacle à cette réunion et de la faire échouer ; d’autant plus que la délégation turque est arrivée réduite à un niveau de représentativité incompatible avec les prétentions d’un État garant de l’accord tripartite [Russie-Iran-Turquie] et s’est opposée au projet du communiqué final de la réunion d’aujourd’hui.
Ici, nous tenons à rendre justice au pays hôte, le Kazakhstan, et aux deux délégations amies russe et iranienne pour avoir réussi à cerner et à contenir ces manœuvres cherchant à bloquer le processus d’Astana et à gaspiller tous les efforts déployés depuis Astana 1, pour nous ramener à zéro. Ceci en ce qui concerne la forme adoptée par la délégation turque, qui a donc lamentablement échoué.
Quant au fond, je veux dire que la Turquie est responsable des violations de la souveraineté syrienne. Comme vous le savez tous, le gouvernement turc est censé contrôler une frontière commune de 910 Kms. Il ne le fait toujours pas et continue à faciliter l’entrée de dizaines de milliers de mercenaires étrangers, venus des quatre coins de la planète, dans mon pays. Par conséquent, s’il se prétend garant du processus d’Astana, il doit obligatoirement fermer sa frontière au déferlement de terroristes en Syrie. Il ne peut pas jouer le rôle d’un pyromane et d’un pompier à la fois. Et, actuellement, il joue le rôle de pyromane.
La Turquie doit aussi retirer ses forces d’invasion de notre territoire et respecter le communiqué d’Astana 1 « se fondant sur le principe du plein respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la République arabe syrienne », comme vous le savez.
Voici, globalement, ce que je souhaitais porter à l’attention des médias quant à l’évaluation des travaux d’Astana 2 par la délégation syrienne. Maintenant, je répondrai seulement à quelques questions.
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Question 1 : Un tel comportement de la part des délégations de la Turquie et des factions armées, n’embarrasse-t-il pas les deux autres États garants ? Et dans ce cas, qu’attendent-ils de la prochaine réunion à Genève ?
Bachar al-Jaafari : Évidemment que l’arrivée si tardive de la délégation turque à Astana, sa représentativité réduite et son refus d’adhérer au projet du communiqué final sont embarrassants pour les autres États garants et le pays hôte. Quant à la deuxième partie de votre question, il serait plus opportun de la poser aux trois États garants.
Question 2 : Il a été question d’intégrer d’autres régions peuplées au processus de cessation des hostilités. En avez-vous discuté ?
Bachar al-Jaafari : Non, ce sujet n’a pas été discuté. Il sera étudié par les experts militaires.
Question 3 : Nombre de fuites parlent de désaccords sur le projet de Constitution et sur d’autres sujets. Pourquoi cette évaluation positive de votre part ? Et s’il existe des points de désaccord, quels sont-ils ?
Bachar al-Jaafari : Je répète que notre évaluation du processus d’Astana est positive. Il est fondé sur l’initiative du président Vladimir Poutine et du président Noursoultan Nazarbaïev, que nous remercions. Il repose, comme je viens de le dire, sur des principes acceptés par le gouvernement syrien : la lutte contre le terrorisme ; la séparation des groupes terroristes armés des groupes armés ayant signé l’accord de cessation des hostilités ; le combat commun contre le terrorisme ; la fermeture des frontières.
Autant de principes censés être respectés par les signataires, car ils constituent l’essence même d’Astana 1. Nous aurons sans doute besoin de patience pour voir la partie turque les mettre en pratique, ce qui n’est malheureusement pas encore le cas. En l’occurrence, s’il y a du « négatif », c’est précisément le comportement turc.
Question 4 : Les trois États garants se sont entendus sur la formation d’un groupe de travail chargé de surveiller le cessez-le-feu. Comment cela devrait-il être appliqué sur le terrain ? Et sur ce sujet précis, qu’attendez-vous des factions armées dont les représentants ont participé aux réunions d’Astana ?
Bachar al-Jaafari : Premièrement, le document en rapport avec l’ensemble des opérations communes, auquel vous faites allusion, a été publié au nom des trois États garants et non au nom de l’ensemble des participants. C’est une précision que vous devez prendre en considération. Deuxièmement, ce document a certes fait l’objet de discussions entre les participants. Damas l’étudiera et donnera son avis ultérieurement.
Question 5 : [Question inaudible concernant le projet de Constitution russe pour la Syrie…]
Bachar al-Jaafari : Ce sujet de Constitution syrienne n’a absolument pas été discuté à cette réunion Astana 2. C’est un sujet exclusivement syrien qui ne supporte aucune ingérence étrangère.
Question 6 : Le chef de la délégation iranienne a parlé d’un accord sur un document et de désaccord sur deux autres, lesquels devront être discutés lors de futures réunions d’ici un mois. Pourriez-vous nous éclairer sur quoi portent ces désaccords et sur votre évaluation du rôle de la Jordanie qui a participé en tant qu’observateur ?
Bachar al-Jaafari : Un seul document a été soumis à discussion entre les trois États garants, les deux autres sont remis aux réunions prochaines à Astana.
Quant à la Jordanie, nous avons naturellement beaucoup, beaucoup de reproches concernant sa politique envers notre pays. Par son accueil de la salle d’opération MOK [de Military Operation Center au royaume de Jordanie, NdT] à Amman [*], comme par les facilités accordées aux mouvements terroristes à travers notre frontière commune, elle porte atteinte aux relations de bon voisinage, de fraternité et d’appartenance qui unissent nos deux pays.
Depuis quatre jours, huit factions terroristes mènent des attaques contre la ville de Daraa. Ces huit factions bénéficient toutes du soutien de la Jordanie. Elles ont lancé des milliers d’obus sur nos concitoyens innocents. C’est pourquoi nous attendons que les paroles de ses représentants soient conformes à ses actes sur le terrain. Les paroles mielleuses ne suffisent pas.
La Jordanie a été et reste une importante source de douleur et de perturbations pour notre peuple. Peut-être que sa participation à la réunion d’Astana en tant qu’observateur, comme je l’ai compris, contribuera à ce que Amman révise sa politique erronée à l’égard de la Syrie.
Merci Mesdames et Messieurs.
Dr Bachar al-Jaafari
Transcription et traduction par Mouna Alno-Nakhal