Quelques heures après les déclarations du porte-parole de l’armée d’occupation israélienne Daniel Hagari qu’il faut retrouver et liquider le chef d’état-major des Brigades al-Qassam, Mohamad Deif, des médias israéliens ont diffusé le mercredi 27 décembre un portrait assurant qu’il l’illustre.
Channel 12 a indiqué l’avoir obtenu des services de sécurité et des renseignements israéliens qui détiennent des vidéos sur lui.
Le site israélien Ynet a assuré qu’elles remontent à 2018 et qu’il est possible qu’elles lui aient été prises lors d’un évènement social.
L’homme qui a survécu à 7 tentatives d’assassinat: il est en bonne santé
Leur publication récente illustre sns doute la volonté de l’institution militaire israélienne d’envoyer un message au chef militaire du Hamas : qu’il se trouve dans son collimateur. Ce qui ne devrait pas le surprendre. Il avait fait l’objet de 7 tentatives d’assassinat israélien et leur avait échappé.
Mais la relaxation de ces images a eu un effet certes inattendu, auprès des observateurs israéliens qui les ont vues.
« Il n’a plus qu’un seul œil et une seule jambe, après avoir perdu un œil et une jambe dans une tentative d’assassinat israélienne. Mais il est toujours capable de marcher seul, n’utilise pas de chaise roulante et peut utiliser ses deux mains », constate Channel 12.
Il est « en bonne santé et se déplace indépendamment d’une chaine roulante quoique des estimations antérieures des services des renseignements avaient signalé qu’il avait été paralysé » suite aux attentats commis contre sa personne, insiste la télévision israélienne.
Les images de Deif constituent « un nouveau fiasco » conclut-elle.
Même constat du quotidien israélien Maariv, selon lequel « Israël a vécu dans l’illusion sur la maladie de Deif et que son état de santé s’est détérioré et qu’il est incapable de se déplacer ».
Le journal a précisé que la vidéo a été obtenue par les renseignements dans le cadre de collecte d’informations sur Deif « qui a été vu en train de marcher sur ses deux jambes tout en boitant un peu, et dans une autre vidéo il s’est assis dans un autre endroit ».
« Il est toujours en vie, il travaille et il est relativement dans un bon état. Il est capable de marcher seul et montre que ses fonctions physiques sont autonomes, ce qui contraste diamétralement avec les estimations des renseignements détaillés sur son cas ces dernières années », déplore le journal, assurant que « les auteurs de ces évaluations non précises seront sanctionnés ».
Le croyant hors d’état de nuire, les responsables et observateurs israéliens ont dû être profondément choqués de voir, le 7 octobre, que c’est Mohamad Deif qui a annoncé en personne le déclenchement de l’opération Déluge d’al-Aqsa « en réponse aux agressions des colons contre al-Qods et la poursuite d’Israël de son embargo contre la bande de Gaza ».
Mais ce jour-là, il n’était pas apparu en image. Dans un enregistrement sonore, il a lu un communiqué dans lequel il a assuré que « la première frappe qui a visé les positions ennemies, ses aéroports et ses barricades militaires a dépassé les 5.000 roquettes ».
Ce jour-là avait eu lieu l’opération anti israélienne la plus gravissime pour les Israéliens depuis leur implantation en Palestine. Ils évoquent sans détour une tromperie sans précédent de la part du Hamas. Le visionnage des récentes images de Deif « en bonne santé’ devraient accentuer davantage ce sentiment d’avoir été leurrés.
Du comédien à l’invité. L’homme le plus recherché qui n’a jamais été arrêté
Né en 1965, il est d’une famille qui a été expulsée de son village al-Qabiba dans les territoires palestiniens de 1948 et s’est installé à Khan Younes. Cette ville du sud de la bande de Gaza fait l’objet de raids aériens israéliens incessants depuis le début de l’offensive et de tentatives d’infiltration des soldats lesquels font face à une résistance farouche des combattants palestiniens.
Il avait été à ses débuts un comédien de théâtre et avait contribué, selon le site al-Jazeera, à la fondation du premier groupe musical islamique en Palestine baptisée « Les Revenus ».
Il a aussi été un homme politique, avant de devenir l’homme le plus recherché par l’entité sioniste, à partir des années 90 du siècle dernier, date à laquelle on lui a attribué des opérations contre des bus de colons. De même au début du XXIème siècle, lors de la seconde intifada, celle d’al-Aqsa.
Toujours concernant sa biographie, rapporte le site d’information arabophone al-Arab, il aurait perdu sa famille dans une attaque israélienne contre sa demeure depuis 9 ans, c’est-à-dire en 2014 pendant la seconde guerre israélienne contre la bande de Gaza baptisée Bordure protectrice.
Son nom de famille d’origine est al-Masri et son nom Deif qui veut dire l’invité n’est qu’un sobriquet qui lui a été attribué depuis qu’il a été accueilli comme invité en Cisjordanie et en raison de ses déplacements incessants.
Ce qui pourrait expliquer en quelque sorte la raison pour laquelle il n’a jamais été arrêté.
L’homme icône de ses combattants et du public arabe
Le porte-parole de l’armée israélienne Daniel Hagari est pleinement conscient que le fait de le trouver et de l’éliminer « prendra du temps »
L’armée d’occupation a récemment distribué des tracts sur la bande de Gaza promettant une récompense de 100 mille dollars pour ceux qui lui livrent des informations sur le lieu de sa présence.
Thème central lors d’un débat sur le plateau de Channel 12, autour de l’opportunité de son élimination, l’avocat Gunine ben Itzhak qui a été fonctionnaire au sein du Shin Bet le présente comme « l’un des sbires de son organisation et qui sera vite remplacé une fois éliminé » mais penche quand même pour son élimination « importante par principe et sur le plan de la chasse aux personnalités » du Hamas. Dont le dirigeant du Hamas dans la bande de Gaza Yahia al-Sinwar.
Le général de réserve Tamir Hayman qui a dirigé dans le passé l’Institut de sécurité nationale le perçoit comme un personnage qui dispose « de capacités cognitives » et qui est devenu « un symbole et une légende après avoir survécu à plusieurs tentatives d’assassinat ».
« Le simple fait de mentionner son nom motive les combattants » palestiniens rapporte-t-il. Laissant entendre sans doute que son assassinat le consacrera comme une icône avérée.
Manifestement, il l’est déjà pour le public arabe. Sur les réseaux sociaux arabes, la publication de ce portrait dans les médias israéliens a fait un buzz quoique son authenticité laisse à douter.
Al-Jazeera rapporte qu’un internaute a exprimé que « l’important n’est pas si le portrait est un vrai mais qu’il soit toujours en vie et qu’il conduise la bataille contre eux et leur fait mal ».
« L’important est que l’occupation estime que la publication de son portrait 80 jours après l’offensive est un exploit », a écrit un autre sur X.
« C’est une blague des services des renseignements israéliens qui ont publié une photo montée par l’Intelligence artificielle après avoir échoué d’identifier l’endroit où se trouve Mohamad Deif, quoiqu’il soit le recherché numéro un », a tweeté un troisième.
Et un quatrième d’assurer sur sa page : « Si le portrait du héros Deif n’est pas vrai cela voudrait dire que l’entité s’est impliquée dans la publication d’une photo du chef militaire des Brigades al-Qassam même si elle n’est pas vraie. Ce qui constitue un fiasco de plus de 30 ans et qu’ils continuent à traquer un fantôme. S’il s’avère qu’elle est vraie, ceci n’a rien d’un exploit, parce que la réaction du public de l’entité est de se demander pourquoi il est toujours vivant. »
L’homme qualifié de « martyr vivant », par un ex-martyr vivant.
Certains ont trouvé bon de rappeler sur leur page le message que le général martyr Qassem Soleimani, l’ex-chef de la force al-Qods du CGRI lui avait envoyé. Le qualifiant de « martyr vivant et résistant vaillant », il lui avait fait part que « l’Iran islamique n’abandonnera jamais la Palestine, le joyau du monde islamique, la première qibla des musulmans et le lieu de l’ascension du prophète Mohamad, quelque soient les pressions et l’embargo ».
Il la lui avait envoyée quelque temps avant son martyre le 3 janvier 2020. Lui aussi de son vivant était qualifié « le martyr vivant » mais il n’est devenu une icône qu’après sa mort. Deif l’est de son vivant, avec un seul oeil, une seule jambe…
C’est sans doute le défi qui hante le plus les Israéliens: plus ils éliminent leurs pires adversaires, plus ils perpétuent leur lutte. Et leurs successeurs sortent de l’ombre.
Source: Divers