Depuis des années, Yisraël Katz berce un rêve: une île artificielle au large de Gaza, soumise depuis 10 ans à un blocus maritime, terrestre et aérien d’Israël. L’idée, dit-il, est de renforcer les infrastructures vitales pour les Gazaouis, mais surtout de protéger Israël.
Le projet d’Yisraël Katz, ministre israélien du Renseignement et grand rival à droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu, est soutenu par certains dans les milieux sécuritaires.
Mais il est loin de faire l’unanimité. Pour les Palestiniens et leurs défenseurs, il permet d’éviter de résoudre les vrais problèmes.
Cette île contourne la question du blocus, que l’ONU appelle régulièrement Israël à lever, plaident-ils. De plus, elle porte un coup supplémentaire à la contiguïté territoriale d’un futur Etat regroupant Gaza et la Cisjordanie.
Le projet de M. Katz, dont il a une maquette dans son bureau à Tel-Aviv, prévoit une île artificielle construite sur la Méditerranée à environ cinq kilomètres au large de la bande de Gaza à laquelle elle serait reliée par un pont.
Sur 534 hectares, elle accueillerait les infrastructures pour fournir aux Gazaouis les services qui leur manquent cruellement.
Un port et un aéroport
Katz pense à une usine de désalinisation et à une centrale électrique, l’unique centrale de la bande de Gaza ayant été endommagée lors du conflit de l’été 2014. Il évoque aussi un port de fret pour, dit-il, ouvrir l’économie gazaouie au monde. Selon la Banque mondiale, le blocus a virtuellement tué toute exportation gazaouie.
Cette île pourrait accueillir à terme un aéroport, que les Palestiniens réclament de longue date, en plus d’un port. Le terminal aérien qui avait été inauguré en grande pompe en 1998 avait été détruit par Israël en 2001.
Le coût total du projet s’élève à 5 milliards de dollars, et M. Katz soutient qu’il pourrait être couvert par des entreprises privées locales.
Pour M. Katz, un politicien chevronné qui ne cache pas son désir de devenir chef de gouvernement, le plus important reste qu’Israël contrôle la sécurité autour de l’île, où serait stationnée une police internationale, et dans le port.
« Nous devons trouver un moyen de dissuader le Hamas (qui dirige Gaza) tout en laissant les Palestiniens vivre leur vie », assure-t-il à l’AFP.
L’ONU prévient que la petite langue de terre pourrait devenir invivable d’ici trois ans, tandis que d’autres estiment que la frustration grandissante des Gazaouis face au marasme politique et économique pourrait mener à de nouvelles violences.
Au nord, à l’est et en mer, les Gazaouis butent sur le blocus qu’Israël dit nécessaire pour empêcher le Hamas d’obtenir des armes ou des matériaux pour les fabriquer. Au sud, l’Egypte tient fermé Rafah, la seule ouverture sur le monde de Gaza qui ne soit pas contrôlée par « Israël ».
Pour l’ancien négociateur en chef d’ « Israël » Gilead Sher, il faut un port pour Gaza, sous contrôle sécuritaire israélien, et peut-être plus tard palestinien.
‘Question ‘politique’
Mais l’économiste gazaoui Omar Chaabane estime que la question de cette île n’est pas « technique » mais bel et bien « politique et juridique ».
« Toute solution a besoin d’un contexte politique et d’un accord » car sa mise en oeuvre devra se faire sous « supervision étrangère », affirme-t-il à l’AFP.
« Certes, Israël cherche à préserver la sécurité, mais cette sécurité est également dans l’intérêt des Palestiniens et de la région », plaide-t-il.
Tania Hary, de l’ONG israélienne Gisha qui dénonce depuis des années le blocus, Il n’y a pas besoin d’île ni de port. Il y aura des progrès immédiats si les restrictions sur les exportations gazaouies sont levées.
La directrice exécutive de Gisha se pose des questions le « but réel » de ce projet. Est-ce que l’île de M. Katz ne viserait pas à poursuivre « l’isolement de Gaza »?
Pour Raji Sourani, qui dirige à Gaza le Centre palestinien pour les droits de l’Homme (PCHR), tous ces projets n’apportent pas la réponse acceptable: la levée pure et simple du blocus et la fin de 50 années d’occupation militaire des Territoires palestiniens.
Tout ce que veulent les Gazaouis étouffés par le blocus, les guerres à répétition, le chômage et la pauvreté endémique, c’est « vivre comme des humains normaux », dit-il.
Source: AFP