Dans la foulée du référendum en Turquie, les observateurs de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, auquel appartient la Turquie, ont déjà conclu que le scrutin de dimanche avait dans sa préparation été en deçà des normes internationales démocratiques.
Mais pour Alev Korun, une Autrichienne membre de la délégation d’observateurs, le déroulement du vote lui-même, qui a débouché sur une courte victoire du « oui » en faveur de l’extension des pouvoirs du président de la République, est sujet à caution.
« La loi n’autorise que l’utilisation d’enveloppes officielles lors du vote. Néanmoins, la plus haute autorité électorale a décidé- en quelque sorte au mépris de la loi — d’autoriser des enveloppes sans tampon officiel. (…) On peut soupçonner que jusqu’à 2,5 millions de votes ont ainsi pu être truqués », a-t-elle déclaré sur les ondes de la radio autrichienne ORF.
« La mentalité des croisés »
C’est la première fois, au cours des dernières décennies, qu’un scrutin national en Turquie est critiqué de façon aussi catégorique par des observateurs internationaux. Mais Erdogan a balayé ces observations.
« La mentalité de croisés de l’Occident et de ceux qui, chez nous, la servent, nous a attaqués! », a-t-il dit à son arrivée à Ankara, où il devait présider un conseil des ministres.
« Nous ne lisons, nous n’entendons ou nous n’acceptons jamais les rapports politiques que vous préparez », a-t-il dit plus tard dans la soirée à l’intention des observateurs. « Nous continuerons sur notre voie. Parlez à ma main! Notre pays a conduit les élections les plus démocratiques, jamais vu ailleurs en Occident ».
Son Premier ministre, Binali Yildirim, a assuré que le message adressé par le peuple était clair et que son vote mettait fin à toute discussion.
« Erdogan voleur »
Or, la décision du Haut-Conseil électoral (YSK) de considérer comme valides les bulletins non marqués du sceau officiel des autorités électorales, a été perçue par l’opposition comme une manœuvre rendant possibles des fraudes.
Lundi soir, plusieurs milliers de manifestants ont défilé dans plusieurs quartiers d’Istanbul pour contester le résultat du référendum sur le renforcement des pouvoirs présidentiels , aux cris d’« Erdogan voleur! ».
«Nous avons raison, le non gagnera», «le non n’est pas fini», «le non a gagné», ont scandé les manifestants.
Depuis dimanche dernier, une vague de manifestations a déferlé un peu partout en Turquie. Environ 2 000 personnes ont débarqué dans les rues de Kadiköy sur la rive asiatique d’Istanbul. Un millier de personnes étaient simultanément réunies à Besiktas, sur la rive européenne.
À Besiktas, les manifestants brandissaient des tracts sur lesquels il était inscrit « Nous avons raison, le non gagnera », indique l’AFP. Au cours de leur marche, ils scandaient « le non n’est pas fini », et « le non a gagné », slogans qui circulent largement sur les réseaux sociaux.
Dans les rues où passaient les manifestants, aux fenêtres des appartements, les gens tapaient sur des casseroles avec des ustensiles de cuisine, en signe de solidarité.
Le résultat du scrutin, remporté avec 51,4 % des voix, a été immédiatement contesté par les deux principaux partis de l’opposition, le CHP (social-démocrate) et le HDP (prokurde), qui ont dénoncé des « manipulations » pendant le scrutin, annonçant leur intention de demander le recomptage des voix.
Sources: Sputnik, AFP