Le Premier ministre français Edouard Philippe devrait remettre lundi la démission de son gouvernement avant un « remaniement technique », a indiqué le porte-parole du gouvernement au lendemain de législatives ayant donné une majorité écrasante au nouveau président.
« Le Premier ministre sera amené dans les heures qui viennent » à présenter sa démission, « comme d’usage », « dans la journée je pense », a déclaré Christophe Castaner à la radio RTL.
« Dans les jours qui viennent, un nouveau gouvernement sera constitué sous l’autorité, je pense, d’Edouard Philippe », a ajouté Castaner, qui a évoqué un remaniement « technique » qui « ne sera pas d’ampleur ».
Le parti du président centriste Emmanuel Macron, La République en Marche, avec son allié du MoDem, a obtenu dimanche une confortable majorité absolue à l’Assemblée (351 sièges), lors d’un second tour marqué par une abstention record (près de 57%).
Interrogé sur le niveau de l’abstention, Castaner a répondu: « nous savions que le risque était grand, nous l’avions constaté au soir du premier tour ».
« Peut-être que ce sentiment de victoire acquise a démobilisé une partie de notre électorat », a-t-il ajouté.
Majorité écrasante pour Macron
Le nouveau président français Emmanuel Macron a obtenu une majorité parlementaire écrasante, balayant les autres partis et obtenant toute latitude pour conduire ses réformes, dans un scrutin assombri par une abstention sans précédent, perçue comme un refus d’une « carte blanche » par la presse lundi.
Le parti présidentiel centriste la République en Marche (REM) et son allié du MoDem remportent, selon les chiffres du ministère de l’Intérieur à 23h00 GMT (hors les 11 circonscriptions des Français de l’étranger) 341 députés sur 577, largement au-delà de la majorité absolue de 289 sièges.
« Il y a un an, personne n’aurait imaginé un tel renouvellement politique », a déclaré le Premier ministre Edouard Philippe.
Inconnu il y a encore trois ans, élu à 39 ans à la tête du pays, Emmanuel Macron, plus jeune chef d’Etat jamais élu en France, gagne son dernier pari: contrôler l’Assemblée nationale pour lancer de délicates réformes d’inspiration libérale-sociale et renforcer sa position au niveau européen.
Angela Merkel l’a aussitôt félicité pour sa « majorité parlementaire nette », selon le porte-parole de la chancelière allemande qui se prépare elle-même à entrer dans une séquence électorale. Et le ministre des Affaires étrangères à Berlin, Sigmar Gabriel, a estimé que la voie était désormais « libre pour les réformes ».
Cette consécration est cependant entachée par l’abstention, qui atteint 56,83%, selon des résultats presque définitifs. Ce record historique s’explique par la vague pro-Macron annoncée, le long marathon électoral entamé en octobre dernier avec les primaires de la droite, le désintérêt croissant pour la politique.
« Notre peuple est entré dans une forme de grève générale civique », a commenté le tribun de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, lui-même élu à Marseille (sud-est) dimanche.
Le mouvement présentiel a balayé les partis traditionnels, droite et gauche, qui ont structuré des décennies de vie politique française, mais sans obtenir le raz-de-marée annoncé par certains sondages.
« Nous obtenons une majorité nette mais en même temps les Français n’ont pas voulu signer de chèque en blanc », a commenté le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner.
– Défaite ‘incontestable’ de la gauche –
Loin derrière, Les Républicains (droite) et leurs alliés centristes obtiennent 135 sièges, selon les chiffres de l’Intérieur, un mieux après leur échec à la présidentielle, plombée par les affaires de leur candidat François Fillon.
Le chef de file des Républicains, François Baroin, s’est félicité que le nombre de députés soit « suffisamment important pour faire valoir les convictions » de la droite. Mais, à droite comme à gauche, les « macron-compatibles » risquent de brouiller les lignes.
A gauche, le Parti socialiste, qui contrôlait la moitié de l’Assemblée sortante, a été pulvérisé. Le PS, avec ses alliés, reste cependant la principale force de gauche, avec 43 députés, devant la gauche radicale et communiste (27 élus).
« La défaite de la gauche est incontournable, la déroute du Parti socialiste, sans appel », a reconnu le patron du parti, Jean-Christophe Cambadélis, en annonçant sa démission.
Enfin, l’extrême droite française obtiendrait huit sièges, contre deux en 2012. La patronne du Front national Marine Le Pen, députée européenne, entre pour la première fois à l’Assemblée nationale, après une tentative ratée en 2012.
« Face à ce bloc mastodonte du système, nous sommes la seule force de résistance à la dilution de la France », a-t-elle commenté. Mais le faible nombre d’élus du FN sonne le glas de ses espoirs nés de la vague nationaliste en Europe et du score historique (33,9%, 10,6 millions de voix) atteint au second tour de la présidentielle.
– ‘On essaie autre chose’ –
Le Premier ministre Edouard Philippe devrait, lundi ou mardi, comme le veut la tradition, remettre la démission de son gouvernement pour en former un nouveau, sans doute limité à un léger remaniement. Cet homme politique issu de la droite modérée prononcera vraisemblablement le 4 juillet sa déclaration de politique générale devant les députés.
Ces élections législatives marquent par ailleurs un profond renouvellement: le mouvement REM a fait appel à de nouveaux visages, alors que des ténors chevronnés ont été battus. Et 223 femmes ont été élues députés, alors qu’il n’y en avait que 155 en 2012, dernier record.
« Macron fait chambre à part » (Libération), « Après l’Elysée, l’Assemblée » (Le Figaro), « Le pari gagné » (Les Echos): le nouveau président et sa majorité absolue de députés faisait les gros titres lundi.
Mais plusieurs éditorialistes soulignaient que l’abstention record signifiait que les électeurs n’avaient pas livré un « blanc-seing » ou une « carte blanche » au président pour ses réformes.
« Cette majorité, il l’a désormais, au-delà de toutes les espérances. Cela facilitera indiscutablement sa tâche, mais cela accroît aussi les attentes », analysait Les Echos.
Pour le constitutionnaliste Didier Maus, « on a tiré contre tout ce qui représentait un système antérieur et on essaie autre chose ».
Dans cette configuration, le chef de l’Etat, qui « marche sur l’eau » selon le journal The Economist, a les coudées franches pour lancer ses réformes, avec trois priorités annoncées: moraliser la vie politique, réformer le droit du travail et renforcer l’arsenal de lutte contre le terrorisme.
Cet européen convaincu qui souhaite « une France forte dans une Europe forte » doit aussi se rendre à Bruxelles cette semaine pour un conseil européen, alors que commencent les négociations sur le Brexit.
Source: AFP