L’ONG Human Rights Watch (HRW) a dénoncé ce mardi une répression sophistiquée contre les dissidents des pays du Golfe, notamment via une surveillance d’internet, appelant les pétromonarchies à engager des réformes au lieu d’emprisonner des opposants pacifiques.
A l’exception de Bahreïn et d’Oman, où les autorités ont réprimé des manifestations prodémocratie en 2011, les Etats du Conseil de coopération du Golfe (CCG) n’ont pas connu les désordres qui ont éclaté dans la foulée du Printemps arabe.
Le CCG comprend l’Arabie saoudite, Bahreïn, le Koweït, Oman, le Qatar et les Emirats arabes unis.
De nombreux dissidents dans ces pays, qui interdisent pour la plupart les partis politiques et les manifestations, se sont tournés vers les plateformes des réseaux sociaux comme Twitter, Facebook et YouTube pour véhiculer leurs opinions.
HRW, dont le siège est à New York, a demandé des réformes aux pays du Golfe en lançant un site web interactif avec les portraits de 140 opposants connus, un clin d’oeil à la limite des 140 caractères de Twitter.
Il s’agit de dissidents qui ont été arrêtés, jugés ou condamnés pour avoir exprimé leurs vues en ligne au cours des six dernières années.
Parmi eux figurent l’opposant bahreïni Nabil Rajab, accusé d’avoir « insulté » les autorités de Manama et de Ryad, et l’activiste saoudien Walid Abulkhair qui purge une peine de 15 ans de prison.
Figure aussi l’avocat émirati Mohammed al-Roken, emprisonné en 2013 avec 69 personnes pour 15 ans après avoir été reconnu coupable de « complot » pour renverser le régime.
« Les Etats du Golfe ont lancé une attaque systématique et bien financée contre la libre expression afin de contourner l’impact potentiellement transformateur de la technologie d’internet et des médias sociaux », a affirmé Sarah Leah Whitson, directrice de HRW pour le Moyen-Orient.
« Au lieu d’envoyer en prison » des opposants « pacifiques », les gouvernements du Golfe devraient mener « les réformes nécessaires que nombre de ces dissidents demandent depuis des années », a-t-elle ajouté.
Logiciel intrusif
Selon HRW, des centaines de personnes, parmi lesquelles figurent des journalistes et des avocats, ont été emprisonnées dans le Golfe à l’issue de « procès inéquitables » et de « campagnes » ayant inclus « des menaces, des actes d’intimidation, des cas de torture et de retrait de nationalité ».
Des gouvernements du CCG ont aussi utilisé de la technologie de surveillance achetée à des entreprises « occidentales et israéliennes » pour suivre les activités en ligne de certains de leurs citoyens, a affirmé l’organisation.
A l’exception du Koweït, tous les gouvernements de cette région ont utilisé un logiciel intrusif, a déclaré HRW en citant des preuves fournies par le groupe de recherche Citizen Lab basé à Toronto.
Ce logiciel permet notamment « à un gouvernement d’accéder aux emails, aux messages texte, à l’historique des appels (téléphoniques), aux listes de contacts, aux dossiers et, potentiellement, aux mots de passe », a ajouté l’organisation.
Les pays du Golfe ont durci leurs législations depuis 2011 pour punir toute expression qu’ils jugent « criminelle, en particulier en ligne et via les réseaux sociaux », a encore indiqué HRW, précisant que de nouvelles lois « répressives » visent « ceux qui critiquent non seulement les dirigeants de leur pays, mais aussi ceux d’autres Etats du CCG ».
Et Whitson de conclure que les pays du Golfe « se trompent sérieusement s’ils pensent qu’ils peuvent indéfiniment empêcher les citoyens qui utilisent les réseaux sociaux d’oeuvrer en faveur de réformes positives ».
Source: AFP