La cour de l’école libanaise d’Abidjan est pleine d’une animation inhabituelle pour un dimanche : pour la première fois, l’importante diaspora libanaise en Côte d’Ivoire vote, en avance pour les législatives qui se tiendront le 6 mai au pays du Cèdre.
« On espère un changement au Liban, on veut du travail, la liberté », confie Ghassan Ghossein, émigré depuis sept ans en Côte d’Ivoire, et qui fait la queue pour entrer dans la salle de classe de l’école primaire qui abrite l’unique bureau de vote des Libanais dans la capitale ivoirienne.
Un autre bureau est ouvert à San Pedro, le deuxième port du pays.
« C’est la première fois qu’on vote ici, c’est vraiment important ! Ils nous donnent cette chance, alors bien sûr on vote », car « le Liban c’est notre pays », renchérit une femme qui préfère ne pas donner son nom. Elle vit en Côte d’Ivoire depuis 24 ans, et sa fille, qui y est née, l’aide à traduire de l’arabe au français.
Plus de 80.000 Libanais de l’étranger, inscrits dans 39 pays, ont commencé à voter depuis vendredi, autorisés pour la première fois depuis l’indépendance du pays à faire entendre leur voix. Un chiffre faible, comparé au nombre total de Libanais dans le monde, estimé au minimum à un million, selon des experts.
La diaspora dans son ensemble, incluant les descendants d’émigrants qui n’ont pas la nationalité, est, elle évaluée entre 8 et 12 millions.
En Côte d’Ivoire, seulement 2.300 électeurs libanais se sont inscrits, sur une communauté qui compte entre 80 et 100.000 personnes – la plus importante d’Afrique- , précise l’ambassadeur du Liban Mohamed Khalil. « C’est la première fois, beaucoup de gens ne savaient pas comment faire », justifie-t-il. « Mais la prochaine fois, le nombre (de votants) va beaucoup augmenter ».
On veut construire notre pays
De fait, une femme dit ne pas avoir pu voter, bien qu’elle soit inscrite en ligne, son nom ne figurant pas sur les registres, minutieusement compulsés par une demi-douzaine d’assesseurs.
Fendant la foule, l’ambassadeur va et vient dans l’école pour régler les problèmes, assisté d’un important service de sécurité qui filtre les entrées.
Dans le bureau de vote, une caméra filme le scrutin, reliée en direct au ministère de l’Intérieur à Beyrouth, afin de garantir la transparence des opérations.
Les bulletins seront envoyés à Beyrouth, conservés à la Banque centrale avant d’être transmis le 6 mai aux circonscriptions d’origine des électeurs pour dépouillement.
« Moi je suis de Saïda » (centre-sud du Liban), « c’est très important que notre voix arrive » là-bas, affirme une électrice, Mirvat Kadoura-Al Mallah.
« On veut construire notre pays, mais les grandes personnalités politiques ne laissent pas faire », dit une autre électrice, anonyme, une désillusion sur la situation politique libanaise largement partagée par la diaspora, qui explique sa faible mobilisation pour cette élection, en même temps que le sentiment de peser très peu par rapport aux 3,7 millions d’électeurs inscrits au Liban.
« Nous espérons que le Liban arrive à faire la démocratie totale. Aujourd’hui c’est la démocratie confessionnelle », déclare avec un mince sourire le président du Comité libanais en Côte d’Ivoire, Najib Zahr, faisant référence au fragile équilibre politique qui prévaut entre les différentes communautés religieuses.
Selon la loi électorale, six sièges seront alloués à la diaspora aux prochaines législatives de 2022
Source: AFP