Le monde est entré dans une phase de turbulences permanentes en raison de l’affrontement de plus en plus brutal entre l’ancien monde unipolaire dominé par les Etats-Unis – domination alors justifiée par l’effondrement de l’Union Soviétique qui avait constitué jusque-là son seul réel opposant dans un équilibre de la terreur nucléaire – monde unipolaire qui refuse d’accepter la réalité nouvelle de l’émergence d’autres puissances qui ont, en toute logique, leurs exigences dans la direction des affaires du monde.
Ce monde multipolaire est désormais une réalité incontournable, ce que semblait avoir compris le Président Donald Trump pendant sa campagne, et les pays regroupés dans ce qu’on a pris l’habitude d’appeler les BRICS s’organisent sur les plans stratégiques et économiques pour proposer un monde nouveau de coopération entre états souverains ; certains étant des puissances nucléaires, d’autres des puissances classiques exerçant une influence notable comme le Brésil, l’Afrique du Sud et l’Iran.
Bousculé par « l’état profond américain», une fois intronisé, le Président Trump a dû appliquer la politique coercitive de l’oligarchie souterraine qui gouverne en fait les Etats-Unis et multiplier les brutalités envers les états qui contestent cette suprématie qui n’a plus aucune justification : frappes en Syrie en plusieurs occasions sous des prétextes outrageusement mensongers, menaces de faire disparaître la Corée du Nord sous un déluge de feu et de sang, interventions renforcées en divers pays comme l’Afghanistan, la Somalie, le Yémen avec son allié saoudien, l’Afrique où ils augmentent leur présence militaire, menaces de le faire à Cuba ou au Venezuela…
Bref, les Etats-Unis entendent prolonger l’unipolarité du monde contre l’évidence, inspirés en cela et même poussés par Israël qui ne conçoit son existence qu’en conflit permanent avec ses voisins et en niant les droits les plus élémentaires des populations autochtones palestiniennes, avec une brutalité qui laisse penser que cet état hors-la-loi sait qu’il est voué à disparaître bientôt, tant il représente désormais une incongruité géopolitique qui ne peut que déboucher sur une apocalypse.
Pour marquer fortement cette politique coercitive, Donald Trump a enfreint le droit international à nouveau en décidant de déplacer l’ambassade des Etats-Unis à Jérusalem et en déchirant le traité signé par son prédécesseur entre l’Iran et les cinq membres du Conseil de Sécurité de l’ONU plus l’Allemagne du 14 juillet 2015, accusant l’Iran d’être responsable du terrorisme islamiste, alors qu’il est en première ligne pour le combattre, et d’avoir une influence grandissante néfaste au Moyen-Orient, résultat paradoxal des interventions armées en Irak et au Yémen.
Résistance contre Israël
C’est donc dans cette tension internationale que s’est tenue à Mashhad, deuxième ville d’Iran, la 6ème Conférence Internationale sur la Palestine organisée par l’ONG New Horizon et IRIB du 12 au 18 mai 2018, qui rassemblait de nombreux chercheurs et responsables iraniens et une soixantaine d’experts d’une vingtaine de pays étrangers, d’Europe, des Amériques, de Russie, d’Afrique et d’Asie.
Car l’Iran est le pôle de la Résistance à l’occupation des territoires palestiniens par Israël, ce qui démontre que cette lutte n’est pas seulement une question de religion mais un combat pour la justice qui concerne l’ensemble du monde.
Les débats ont été très riches et l’on a vu et entendu ces experts exposer leurs vues, souvent en désaccord avec leurs propres gouvernements et proposer des solutions équitables à ce conflit. La plupart ont marqué la différence entre le sionisme qui sous-tend la politique brutale des gouvernements israéliens et les juifs de la diaspora qui s’opposent à ces outrances criminelles.
Le Rabbin David Weiss était là pour affirmer que les vrais religieux ne voulaient pas d’un état et que le sionisme qui a poussé à sa création en 1948 était à l’origine une idée politique et athée.
D’anciens hauts responsables américains de la Défense, des Affaires étrangères, de la CIA ont donné un éclairage sur la façon dont la politique américaine est en fait dirigée par les groupes de pression sionistes aux Etats-Unis qui disposent de moyens financiers énormes pour acheter les dirigeants. Avant de servir les intérêts américains, et même souvent contre eux, la politique extérieure a d’abord pour but de soutenir la politique dominatrice et expansionniste d’Israël.
J’ai souligné que l’Union européenne se trouvait à un moment décisif de son histoire, tiraillée entre son atlantisme renforcé depuis sa création par des traités qui la lient dans les textes à l’Alliance Atlantique et à l’OTAN, et ses intérêts économiques et stratégiques qui la poussent à s’entendre et à coopérer avec l’Iran. L’UE a en effet été conçue depuis la dernière guerre par les Etats-Unis comme un glacis qu’ils doivent contrôler, initialement contre l’URSS et maintenant contre la Russie. On voit que les dirigeants européens ne savent comment réagir utilement face à la sortie des Etats-Unis de l’accord sur le nucléaire, cherchant à éviter les sanctions américaines contre leurs entreprises qui y ont des engagements importants mais sans rompre un lien pervers avec l’allié d’outre-atlantique. Sous la pression de ces dernières et des opinions publiques des états membres, déjà fortement critiquée pour ses directives économiques, l’UE vacille un peu plus sur ses fondements : le moment semble venu pour qu’elle comprenne enfin que ses intérêts sont opposés à ceux des Etats-Unis impérialistes et qu’elle doit s’émanciper de cette tutelle mortifère.
La sortie du PGAC, Plan Global d’Action Conjointe, de l’Amérique de Donald Trump est le moment de construire enfin une Europe des nations telle que la voulait le général de Gaulle, sinon elle restera le géant économique impuissant politiquement qu’elle est devenue depuis son élargissement inconsidéré. Pourtant il ne semble pas qu’elle en prenne le chemin quand on voit la France soutenir les Etats-Unis en Syrie en y envoyant illégalement notre Armée appuyer l’action américaine pour empêcher la solution politique que propose le Président Bachar al-Assad avec le soutien de la Russie, de l’Iran et de la Turquie, dont le rôle pour cette dernière reste encore ambigu. De même on attend toujours du gouvernement français la dénonciation des crimes commis au Yémen par l’Arabie Saoudite avec le soutien des Etats-Unis et du Royaume Uni.
Les menaces de guerre contre l’Iran, instillées par Israël et ses alliés américains et du Golfe se font de plus en plus précises, mais les stratèges de Washington et de Tel Aviv savent que l’Iran est désormais trop puissant militairement et a des alliés forts comme la Russie et la Chine. Même sans la bombe atomique, il dissuade ses ennemis par les représailles insupportables qu’il provoquerait s’il était attaqué.
D’ailleurs, pour avoir visité d’autres régions d’Iran, notamment lors de conférences dans la province de Gilan sur les bords de la mer Caspienne, j’ai pu vérifier que le pays est en ordre de marche, que tous les services administratifs, économiques, sociaux et sécuritaires fonctionnent parfaitement dans toutes les municipalités qui m’ont reçue généreusement avec deux amis américains, que l’économie de subsistance est active malgré les sanctions trentenaires et que le projet de Donald Trump qui veut en réalité par ces sanctions provoquer un renversement de régime est mort-né, l’ensemble des Iraniens renforçant, dans l’adversité, son soutien à ses dirigeants.
Conclusion
Cette conférence a marqué une nouvelle fois que le soutien aux Palestiniens trouve son moteur central en Iran, raison également pour laquelle Israël le désigne comme son ennemi principal. Mais, inspiré par une idéologie religieuse chiite ouverte sur le progrès et l’attente du Messie, le pays a construit un système politique démocratique où différents courants de pensée peuvent s’exprimer, s’ils restent patriotiques, et l’adhésion de la population est générale.
Ostracisée depuis sa création, la République Islamique d’Iran a su mettre en place un État fort qui respecte les différentes opinions et religions et agit pour le bien de tous dans la justice. Internationalement il a voulu éviter les affrontements avec les sunnites du Golfe en proposant des arrangements équilibrés, mais l’Arabie Saoudite les a toujours refusés, surtout depuis l’arrivée au pouvoir des nouveaux dirigeants de Ryad. Pourtant, l’Iran est aujourd’hui le principal soutien des Palestiniens majoritairement sunnites et l’on sait que Mohammed Ben Salman a fait récemment des déclarations montrant son mépris pour eux.
Ses affinités avec l’Irak et le Liban, comme avec les Houthis du Yémen, comme avec les différentes peuplades d’Afghanistan, en font une puissance régionale incontournable pour résoudre les différents conflits. Il s’appuie sur l’assentiment d’une population cultivée, avec un système éducatif extrêmement performant et des infrastructures solides, qui lui permettent de résister victorieusement aux assauts de ses ennemis, comme les Perses l’ont toujours fait.
Les réformes indispensables se font progressivement, malgré les pressions extérieures, en harmonie avec les souhaits de la population, inspirées par une spiritualité qui respecte la personne humaine et sa cellule de base, la famille, qui amène l’action politique à être en adéquation avec le droit et la justice.
Par Alain Corvez : conseiller français en stratégie internationale.
Source : Réseau international