Le Washington Post rapporte le 30 mars dernier que des membres du commando saoudien qui a tué le journaliste Jamal Khashoggi avaient participé à une formation aux Etats-Unis. Le quotidien américain dévoile également de nouveaux éléments sur le décès de son ancien chroniqueur.
Critique du prince héritier Mohammed ben Salmane, Jamal Khashoggi, journaliste saoudien qui résidait aux Etats-Unis, a été tué et démembré le 2 octobre 2018 par un commando de 15 agents saoudiens venu de Riyad dans le consulat de son pays à Istanbul. Son corps n’a jamais été retrouvé.
Selon David Ignatius, éditorialiste du Washington Post, «un Saoudien qui a attentivement lu la retranscription d’un enregistrement audio», réalisé grâce à un micro placé par les services turcs dans le consulat, lui a rapporté que le commando avait l’intention d’enlever Jamal Khashoggi pour le ramener en Arabie saoudite et l’interroger. Or, cette source saoudienne a ajouté, évoquant une note dans la retranscription, que le journaliste avait reçu une injection, «probablement un puissant sédatif», avant qu’un sac soit placé sur sa tête. «Je ne peux pas respirer. J’ai de l’asthme. Ne faites pas ça», peut-on entendre crier Jamal Khashoggi juste avant sa mort, selon ce verbatim cité par cette même source saoudienne dans le quotidien.
Une formation par une société privée, sous supervision de la CIA
Toujours d’après David Ignatius, qui dit avoir interrogé plus d’une dizaine de sources américaines et saoudiennes sous couvert de l’anonymat, certains membres de ce «groupe d’intervention rapide» mis en place par les services saoudiens et dépêché à Istanbul avaient «reçu une formation aux Etats-Unis».
«La CIA a fait savoir aux autres agences gouvernementales que cette formation aux opérations spéciales pourrait avoir en partie été réalisée par Tier 1 Group, une société de l’Arkansas, sous une licence du département d’Etat américain», explique le Washington Post, qui suit de très près l’affaire. «Cette formation a eu lieu avant la mort de Khashoggi [et] n’a pas repris depuis», précise encore le quotidien, assurant que plusieurs autres échanges sécuritaires entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite sont en suspens depuis le meurtre.
Après avoir nié le meurtre dans un premier temps, l’Arabie saoudite a évoqué une opération menée par des éléments «hors de contrôle» et qui aurait dégénéré. Son corps n’a jamais été retrouvé. Le procès de 11 suspects s’est ouvert en début d’année devant la justice saoudienne.
Toutefois des zones d’ombre persistent, à commencer par le rôle du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane, impliqué dans le meurtre selon le Sénat américain – qui a reçu à huis clos un compte-rendu de la CIA – mais que l’administration de Donald Trump refuse de mettre publiquement en cause.
Des maisons de luxe et des versements mensuels aux enfants de Khashoggi
Sur un autre plan, le Washington Post a révélé que les enfants du journaliste saoudien Jamal Khashoggi ont chacun reçu en compensation des maisons de plusieurs millions de dollars et perçoivent chaque mois des milliers de dollars des autorités saoudiennes.
Selon le journal, auquel contribuait Khashoggi, les maisons en question sont situées à Djeddah (ouest de l’Arabie saoudite), dans un même complexe résidentiel, et vaudraient jusqu’à quatre millions de dollars chacune.
A cela s’ajoutent des versements mensuels à chacun des quatre enfants supérieurs à 10.000 dollars, poursuit le journal qui fait référence à des responsables saoudiens, ancien et actuel, ainsi qu’à des proches de la famille.
Et, poursuit-il, ils « pourraient également recevoir des paiements beaucoup plus élevés –possiblement plusieurs millions de dollars par personne– dans le cadre de négociations pour +le prix du sang+ qui sont attendues lorsque les procès des suspects du meurtre s’achèveront dans quelques mois ».
Le Washington Post souligne que les compensations aux enfants Khashoggi ont été autorisées fin 2018 par le roi Salmane, père de MBS, dans le cadre de ce qui a été décrit par un ancien responsable comme la reconnaissance qu’une « grande injustice a été commise » et la tentative de « réparer un tort ».
Les négociations sur ces compensations auraient été menées par Khalid ben Salmane, frère de MBS et ambassadeur d’Arabie saoudite aux Etats-Unis.
Seul Salah, fils aîné de Jamal Khashoggi, vit toujours en Arabie saoudite à Djeddah où il est banquier, selon le quotidien américain. Les trois autres, un frère et deux soeurs, habitent aux Etats-Unis.
Source: Avec AFP