Depuis début mai, les compagnies US ont acheté 5 millions de barils de pétrole Urals – une quantité comparable à l’ensemble des exportations de pétrole russe aux USA depuis le début de l’année. Cette montée en flèche résulte d’une forte pénurie de matières premières à cause des sanctions américaines contre le Venezuela.
Les analystes prédisent que les ventes d’or noir russe aux USA pourraient tripler d’ici la fin de l’année.
Le robinet vénézuélien est coupé
Les producteurs pétroliers américains ont commencé à compter leurs pertes presque immédiatement après l’adoption de sanctions contre la compagnie vénézuélienne PDVSA. Les fournitures en provenance du Venezuela ont été divisées par trois, et même si les USA disposent de pétrole à basse teneur en soufre (BTS, notamment le WTI de l’ouest du Texas) en abondance, ce volume ne suffit pas pour couvrir tous les besoins du pays.
Plusieurs raffineries américaines, notamment sur la côte Est et dans le golfe du Mexique, sont orientées sur le raffinage du pétrole à haute teneur en soufre (HTS) qui provient principalement du Venezuela. Mais les Américains ont eux-mêmes bloqué ce canal.
D’après la société d’investissement Caracas Capital Markets, au cours de la dernière semaine de février, deux cargos ont acheminé 766.000 barils du Venezuela aux États-Unis. La même semaine, les compagnies russes envoyaient neuf navires avec plus de 3 millions de barils de pétrole et de produits pétroliers de l’autre côté de l’océan.
Début avril, les exportations pétrolières vénézuéliennes aux USA ont été divisées par 4,5 en glissement annuel, jusqu’à 139.000 barils par jour. Après le décret de l’embargo le 28 avril, ces fournitures ont complètement cessé.
Ces restrictions ont provoqué une forte pénurie sur le marché américain, reconnaît l’Agence internationale de l’énergie (IEA). Tous les acteurs clés du secteur du raffinage américain — Citgo Petroleum, Valero Energy, et Chevron — ont été touchés.
Tandis que, pendant les deux premières semaines de mai, les États-Unis ne recevaient plus du tout de pétrole vénézuélien, les achats de pétrole russe, eux, ont atteint des records.
Selon les calculs de Caracas Capital Markets, entre le 1er et le 13 mai, 13 cargos russes ont livré aux USA 5 millions de barils — pratiquement la même quantité qu’au cours des quatre mois précédents.
«L’ironie est que les Russes tirent profit de la crise vénézuélienne: un pays frappé par des sanctions remplace un autre dans les livraisons aux États-Unis», indique Russ Dallen, partenaire gérant de Caracas Capital.
D’après ses prévisions, les fournitures mensuelles de pétrole russe aux États-Unis devraient tripler d’ici la fin de l’année. C’est également l’avis d’autres experts.
«La Russie comble volontiers la niche vénézuélienne sur le marché américain. De cette manière, Moscou assure très efficacement ses arrières: après tout, il a prêté beaucoup d’argent à Caracas, et les espoirs de récupérer cet argent sont faibles», soulignent les experts du site Oil Price.
Pénurie de pétrole HTS
Les raffineries européennes, orientées sur le pétrole HTS, cherchent également à remplacer cette matière première qui a disparu du marché. Elles ont été victimes, malgré elles, des sanctions américaines contre l’Iran et le Venezuela, ce qui a fait perdre au marché près de 800.000 barils par jour. De plus, dans le cadre de l’accord Opep+, les pays-exportateurs ont réduit en premier lieu la production de pétrole HTS, tout en maintenant la quantité des fournitures de pétrole BTS — plus cher.
D’après Refinitiv Eikon, entre octobre et mars l’Arabie saoudite a divisé pratiquement par deux les exportations de pétrole HTS en Europe, et l’Irak de plus de 40%. En avril, la pénurie de pétrole vénézuélien et iranien a poussé les acheteurs européens à se battre pour le baril russe Urals, remarque l’agence de presse Reuters.
«Toutes les raffineries sont à la recherche d’Urals ou de ses analogues. Bien sûr, il n’y en aura pas assez pour tout le monde», selon un opérateur pétrolier européen cité par l’agence.
Comment Washington veut utiliser le pétrole pour faire avancer ses projets au Moyen-Orient
Les livraisons alternatives coûtent bien plus chères. En mars, la concurrence durcie entre les raffineries européennes pour le pétrole russe a réduit l’écart de prix entre les marques Urals et Brent de 30% — un minimum depuis 2013.
En mars, cette situation a rapporté aux producteurs pétroliers russes 140 millions de dollars de plus qu’en octobre, avant l’adoption de sanctions pétrolières par le président américain Donald Trump contre l’Iran et l’embargo sur les fournitures pétrolières du Venezuela.
«Les sanctions et d’autres facteurs géopolitiques ont déjà entraîné, dans le secteur du raffinage, une pénurie de pétrole lourd qui était importé du Venezuela et en partie d’Iran. Ce problème est particulièrement d’actualité pour les États-Unis. Difficile de dire comment seront compensées les livraisons de pétrole lourd, mais leur pénurie est confirmée par les bonus d’Urals et les remises croissantes sur les marques WTI et Brent», a déclaré récemment le ministre russe de l’Énergie Alexandre Novak au journal Asharq al Awsat.
Source: Sputnik