Les médias israéliens ont maintenu un black out quasi total sur l’information n’empêche qu’elle est d’une extrême importance à leurs yeux. En visite depuis deux jours à Moscou, Moussa Abu Marzouk, chef adjoint du bureau politique du Mouvement de la Résistance islamique de la Palestine, le Hamas, s’est entretenu jeudi avec un certain nombre de responsables russes. Son entretien avec le vice-ministre russe des Affaires étrangères, Mikhaïl Bogdanov, a été surtout marquée par l’appel lancé à l’adresse de la Russie pour qu’elle s’implique davantage dans les efforts visant à contrer le Deal du siècle ou plan américain controversé sur le règlement de conflit israélo-palestinien.
Pour la Résistance palestinienne, la Russie est à même d’aider les Palestiniens à faire face au Deal du siècle ne serait que pour son poids sur la scène internationale : Moscou n’a cessé d’apposer son veto aux projets expansionnistes de Washington au sein des organisations internationales ce qui est un plus, vu de très bonnes relations que la Russie entretient avec toutes les parties palestiniennes et qui lui donne la possibilité de les rapprocher. C’est cette entente russo-palestinienne qui peut contrebalancer. Le haut cadre du Hamas a plaidé surtout pour que la Russie mette fin au monopole américain tout ce tant très clair sur Israël: « Le Hamas ne fera aucun compris politique avec le régime sioniste qui n’acceptera jamais la création d’un État palestinien indépendant ayant pour capitale la noble Qods. Ce régime s’opposera [toujours] au retour des réfugiés palestiniens sur leur terre ancestrale. Le mouvement Hamas ne reconnaîtra jamais Israël. »
À Moscou et alors de plus en plus de voix israéliennes s’inquiètent d’un retour en force de la Russie au Moyen Orient, le numéro 2 du bureau politique du Hamas a revendiqué les liens de la Résistance avec l’Iran.
« Rien ne pourra empêcher l’approfondissement des relations entre le Hamas et Téhéran », a-t-il dit, affirmant très clairement qu’en cas de guerre Téhéran ne sera pas seul: « Les sanctions qui frappent l’Iran sont bien injustes. Nous ne saurons accepter la politique anti-iraniennes des États-Unis et le soutien à l’Iran a figuré en bonne place au menu de nos discussions avec la partie russe. »
Pour les analystes politiques la teneur des discussions ne fait pas de doute, la Résistance palestinienne a décidé de jouer à fond la carte russe tout comme Moscou qui se rapproche sensiblement de l’axe de la Résistance et ce au détriment de ses liens avec Tel-Aviv qui suit avec horreur l’émergence d’un facteur russe à Gaza tout comme à Ramallah. Mais comment se traduit-il dans les faits ce rapprochement Gaza-Ramallah-Russie ?
Passé, le plan politique Moscou aurait évoqué la coopération gazière avec la Palestine ce qui devrait bien inquiéter Israël.
« L’Autorité palestinienne revendique des droits sur les gisements de gaz qu’occupe Israël à 30 km de ses côtes. Les champs sont entièrement situés dans les eaux territoriales palestiniennes, telles que définies par les accords d’Oslo », souligne l’expert libanais Tareq Baconi. Et d’ajouter: «Ainsi, en droit international, les Palestiniens devraient avoir la pleine souveraineté sur la manière dont ils utilisent leurs propres ressources naturelles. Et c’est là que la Russie peut intervenir. »
« L’Égypte, Chypre et Israël envisagent plusieurs solutions pour acheminer l’énergie vers les marchés européens. L’une des deux options sera probablement envisagée: l’oléoduc EastMed, complexe et coûteux sur le plan technologique, ou le développement des installations de GNL en Égypte », souligne l’expert. Et de poursuivre: « Israël et les États-Unis poussent pour le pipeline EastMed. L’UE cherche de nouvelles sources de diversification loin de la Russie, alors que la production interne diminue et que la demande est sur le point de grimper. La région est proche, riche en gaz et relativement bon marché – ou pourrait l’être».
On estime que la Méditerranée orientale contient environ 2.100 milliards de mètres cubes de gaz jusqu’ici inexploité. La consommation de l’UE était de 458,5 milliards de mètres cubes en 2018 et de 465,7 milliards de mètres cubes en 2017, selon le rapport BP Stats Review 2019.
Alors pourquoi ne pas contrer EastMed qui est un projet techniquement difficile, et politiquement compliqué par un rapprochement russe avec Gaza ? Le gisement de gaz, Gaza Marine, appartient au Palestine Investment Fund (PIF).
Gaza Marine devrait contenir jusqu’à un billion de pieds cubes de gaz, soit l’équivalent de la consommation espagnole en 2016. Le projet devrait générer des revenus d’environ 2,4 milliards de dollars (2 milliards d’euros) en redevances et taxes sur sa durée de vie estimée à 15 ans.
À l’heure actuelle, la Cisjordanie et Gaza dépendent d’Israël pour satisfaire presque tous leurs besoins en énergie, et les Palestiniens versent environ 2 milliards de dollars par an à Israël pour couvrir leurs besoins en énergie. Une intervention russe pourrait basculer tout. Surtout que la Russie n’apprécie guère les agissements israéliens censés lui couper l’herbe sur le marché gazier européen.