Avoir un enfant en Chine, c’est pour beaucoup de parents jongler entre travail et vie familiale avec peu d’aides de l’Etat, une équation compliquée qui explique en partie la chute des naissances dans le pays.
La Chine a annoncé mardi que sa population avait chuté l’an passé, une première depuis six décennies. Les prémices d’une crise démographique qui pourrait rogner la croissance et peser lourdement sur les finances publiques.
Pour tenter d’encourager les naissances, des collectivités locales versent aux parents des allocations familiales mensuelles, des primes à la naissance dépassant parfois les 1.000 euros ou encore proposent des facilités pour l’achat d’un appartement.
Mais le rythme trépidant de la société, la pression du monde du travail, le coût de l’éducation, couplé au désir de donner les meilleures conditions possibles à leur progéniture dissuadent nombre de couples d’avoir davantage d’enfants.
« De nombreux ménages trouvent déjà extrêmement difficile d’en élever un seul », déclare Wenjing, une blogueuse trentenaire spécialiste de la parentalité et qui juge les aides de l’Etat très insuffisantes.
« Avec la pandémie, beaucoup de couples ont vraiment souffert financièrement. Et décidé de ne plus avoir d’autre enfant », souligne-t-elle.
Après des décennies de politique de l’enfant unique, tous les couples chinois peuvent depuis 2021 avoir trois enfants.
De grandes villes comme Pékin et Shanghai ont étendu les congés maternité à 158 jours, 60 de plus que la norme nationale. Les autorités sanitaires exhortent également les collectivités locales à construire davantage de crèches.
Mais une place dans une maternelle privée peut coûter entre 5.000 et 20.000 yuans par mois (685 et 2.700 euros) à Pékin, selon l’organisation Asia Society Policy Institute.
Beaucoup de jeunes urbains vivent par ailleurs loin de leurs familles, dans d’autres provinces, ce qui souvent ne permet pas aux grands-parents d’aider le couple à s’occuper des petits-enfants.
Pour Nancy (nom d’emprunt), une jeune mère trentenaire qui travaille dans le commerce en ligne à Pékin, concilier son travail et l’éducation de son enfant est devenue une tâche herculéenne.
« Impossible pour moi de trouver un équilibre », déclare-t-elle à l’AFP.
« Si tu veux allaiter ton enfant, tu ne peux pas avoir un emploi » car impossible de l’emmener au bureau, « mais on ne peut pas se permettre de démissionner vu notre situation financière », souligne-t-elle.
Les parents en Chine concentrent souvent leur attention sur un seul enfant afin de maximiser ses chances de réussite dans une société où la concurrence est rude. Un phénomène qui a contribué à la baisse des naissances, selon Nancy.
« Bien sûr, si tes ambitions sont un peu moins élevées, tu seras moins fatiguée. Mais la plupart des gens élèvent leurs enfants avec un grand sérieux », ajoute-t-elle.
« Si tu pars du travail dès 17 heures pour t’occuper de ton enfant, on te donnera peut-être moins de travail et tes collègues vont peut-être passer devant toi » en termes d’opportunités, souligne-t-elle.
Beaucoup de couples s’appuient sur les membres de leur famille pour s’en sortir.
« Si les gens de ma génération peuvent aller travailler, c’est en grande partie à travers l’exploitation de nos parents, qui nous aident à élever les enfants pendant quelques années », souligne Nancy.
C’est aussi le cas pour Ivy Meng.
Cette jeune trentenaire explique à l’AFP que son fils a été « élevé en grande partie par ses grands-parents » durant la pandémie, lorsque les écoles étaient fermées et qu’elle et son mari travaillaient à plein temps.
Une situation qui s’est poursuivie avec la fin de l’épidémie, Ivy ayant choisi de privilégier son travail.
« Je ne m’occupe pas trop de l’éducation de mon fils », confesse-t-elle. « Je rentre très tard le soir et je ne le vois pas trop. »
Elle s’estime chanceuse: beaucoup de couples ne bénéficient d’aucun soutien familial.
Pour les démographes, si l’Etat veut relancer les naissances, il doit soutenir davantage les jeunes parents et aider à réduire le coût de l’éducation des enfants.
Car pour beaucoup de Chinois, la pression est tout simplement trop forte.
« Peu importe combien le gouvernement verse où s’il m’offre un meilleur environnement (pour l’éducation), je ne souhaite pas avoir un autre enfant », déclare Nancy.
« Ce n’est pas un problème qui peut être résolu avec de l’argent. »
Source: AFP