La France se prépare mardi à évacuer dans la journée ses ressortissants et des Européens du Niger, où un putsch a renversé le président Mohamed Bazoum, tandis que le Burkina Faso et le Mali, voisins également dirigés par des militaires, ont mis en garde contre toute intervention armée.
Un premier avion a décollé de France à destination de Niamey mardi à la mi-journée, a indiqué une source informée de l’opération d’évacuation. C’est la première fois qu’une telle évacuation massive de Français a lieu dans le Sahel où d’autres coups d’Etat se sont produits au Mali et au Burkina Faso depuis 2020.
Quelque 600 Français se trouvent actuellement au Niger. L’évacuation va se dérouler sur une base du volontariat, et via des petits avions de transport militaires, non armés.
Paris a ajouté que la France pourrait évacuer également « des ressortissants européens qui souhaiteraient quitter le pays ».
Le ministère allemand des Affaires étrangères a recommandé dans la journée « à tous ses ressortissants à Niamey » – moins de 100 personnes qui ne travaillent ni pour l’ambassade ni pour l’armée – d’accepter l’offre de la France.
L’Italie a elle annoncé se tenir prête à évacuer par un avion spécialement affrété ses ressortissants de Niamey, soit quelque 90 personnes sur un total d’un peu moins de 500 Italiens au Niger, dont la plupart sont des militaires.
A la mi-journée à l’aéroport de Niamey, une centaine de Français attendaient d’être évacués, en présence de militaires nigériens et français, a constaté un journaliste de l’AFP.
« Face à la dégradation de la situation sécuritaire au Niger, et profitant du calme relatif dans Niamey, une opération d’évacuation par voie aérienne est en cours de préparation », a écrit mardi l’ambassade de France aux Français du Niger, soulignant qu’elle se faisait en « coordination avec les forces nigériennes ».
Le ministère des Affaires étrangères justifie cette décision par les « violences qui ont eu lieu contre notre ambassade avant-hier » lors d’une manifestation hostile à la France, et par « la fermeture de l’espace aérien qui laisse nos compatriotes sans possibilité de quitter le pays par leurs propres moyens ».
A Niamey, après de fortes pluies dans la matinée, les activités ont repris et peu de véhicules des forces de sécurité étaient visibles, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Plusieurs Français ont indiqué à l’AFP qu’ils ne souhaitaient pas quitter pour le moment le Niger. « Pour l’instant, je reste ! », indiquait par message l’un d’eux, anonymement car tenu au silence par l’organisation humanitaire pour laquelle il travaille.
« On n’a pas de problèmes avec les Français », ni avec « les ressortissants européens, on a des problèmes avec les gouvernements européens », assure de son côté Hamidou Ali, un Nigérien de 58 ans.
Un étudiant, Mahamadou Issoufou Idi, juge quant à lui que « les Français n’ont qu’à partir, on n’a plus pas besoin d’eux ».
La France, ex-puissance coloniale dans la région et soutien indéfectible du président Bazoum, retenu depuis le 26 juillet dans sa résidence présidentielle, apparaît comme la cible privilégiée des militaires qui l’ont renversé, dirigés par le général Abdourahamane Tiani.
Ils ont accusé lundi Paris de vouloir « intervenir militairement », ce qu’a démenti la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, en dénonçant les slogans anti-français entendus dimanche lors de la manifestation devant l’ambassade de France à Niamey.
Des milliers de partisans du putsch militaire ont voulu y entrer, avant d’être dispersés par des tirs de grenades lacrymogènes.
Le président français Emmanuel Macron avait menacé dimanche de répliquer « de manière immédiate et intraitable » à toute attaque contre les ressortissants de la France et ses intérêts au Niger.
Lundi soir, Ouagadougou et Bamako ont affirmé que toute intervention militaire pour rétablir Mohamed Bazoum serait considérée « comme une déclaration de guerre » à leurs deux pays et entraînerait « un retrait du Burkina Faso et du Mali de la Cédéao (Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest), ainsi que l’adoption de mesures de légitime défense en soutien aux forces armées et au peuple du Niger ».
Ils ont ajouté, dans un communiqué commun, qu’ils « refusent d’appliquer » les « sanctions illégales, illégitimes et inhumaines contre le peuple et les autorités nigériennes » décidées par la Cédéao à Abuja.
Cette mise en garde survient au lendemain de la menace d’usage de « la force » proférée par les dirigeants ouest-africains, soutenus par leurs partenaires occidentaux, dont la France.
Les dirigeants de la Cédéao ont fixé un ultimatum d’une semaine à la junte militaire au Niger pour un « retour complet à l’ordre constitutionnel », affirmant ne pas exclure un « recours à la force » si ce n’était pas le cas.
Ils ont également décidé de « suspendre toutes les transactions commerciales et financières » entre ses Etats membres et le Niger, et de geler les avoirs des responsables militaires impliqués dans le coup d’Etat.
Le Niger est l’un des pays les plus pauvres du monde, en dépit de ses ressources en uranium. La Commission européenne a estimé mardi qu’il n’y avait « pas de risque » pour l’approvisionnement en uranium de l’UE après le putsch au Niger, pays représentant un quart des approvisionnements des Européens, et ce en raison des stocks déjà constitués
Miné par les attaques de groupes liés à Daech et à Al-Qaïda, le Niger est le troisième pays de la région à subir un coup d’Etat depuis 2020 après le Mali et le Burkina Faso.
La France et les Etats-Unis qui déploient respectivement dans le pays 1.500 et 1.100 soldats pour participer à la lutte anti-jihadiste n’ont pu l’éradiquer.
Source: Avec AFP