De nombreux Iraniens et Iraniennes ont exprimé leurs regrets en larmes pendant les obsèques du président iranien défunt Ebrahim Raïssi, son ministre des Affaires étrangères Hussein Abdollahian et leurs 6 compagnons qui ont péri dans un accident d’hélicoptère dans la province de l’Azerbaïdjan orientale, au nord-ouest du pays, le 19 mai dernier. Ce qui soulève bien des questions sur les raisons de cette désolation.
L’opinion publique internationale est sans doute habituée aux funérailles massives en Iran, sans pareille ailleurs dans le monde.
Toutes les obsèques ne sont pas pareilles
Celles du décès de l’imam Khomeiny, avaient rassemblé plus de 9 millions d’Iraniens. C’était normal, il était le précurseur d’une révolution de plus de 15 années et le fondateur de la République islamique.
Celles du commandant de la Force al-Qods, le général Qassem Soleimani en avait réuni plus de 16 millions. Elles étaient toutefois surprenantes du fait qu’une bonne partie du peuple iranien ne le connaissait pas très bien. L’écrasante majorité de ses missions étaient réalisées en dehors de son pays.
D’aucuns ont expliqué cette mobilisation populaire du fait qu’il a été tué dans un raid américain à proximité de l’aéroport de Bagdad. Ce qui a soudé le peuple iranien très sensible aux agressions externes. D’autres l’ont expliqué par le phénomène de contagion : ayant vu la participation qui avait eu lieu en Irak, de la part de la population irakienne qui l’avait mieux connu du fait qu’il avait contribué avec les forces de mobilisation populaire à vaincre Daech.
Mais ce nouvel afflux de plusieurs millions d’Iraniens dans les villes où ont été organisées les obsèques, que ce soit à Tabriz, à Téhéran, à Qom à Birjand et enfin à Machhad pour rendre hommage à M. Raïssi n’a pu que créer la surprise. D’autant que le président iranien défunt n’était pas considéré comme un président populaire. Du moins lors des dernières élections présidentielles iraniennes.
Le scrutin en 2021 a été marqué par le plus fort taux d’abstention pour une présidentielle depuis 1979 : 51% des inscrits et 14% de vote blanc. Mais il a toutefois été élu avec 72% des suffrages.
A peine un an plus tard, il devait faire face aux émeutes qui ont émaillé l’affaire de Mahsa Amini, au cours de laquelle des dizaines de policiers iraniens ont été tués. Elles ne se sont calmées que lorsque la population iranienne a vu de ses propres yeux ce que certains groupuscules hostiles au pouvoir étaient capables de faire.
Le « Bourreau de Téhéran » contre les terroristes de l’OMP
À noter que cette crise avait insidieusement été traitée par les médias occidentaux, qui ont présenté le pouvoir iranien et son président comme étant celui qui mène la répression contre les opposants.
Avec son décès, ils ont repris ce même thème, rappelant celui qu’ils avaient véhiculé lors des élections, en arguant qu’il était « le bourreau de Téhéran », rappelant les années 80 du siècle dernier lorsqu’il faisait partie des juges qui avaient décrété la peine de mort aux miliciens de l’Organisation des Moudjahidines du peuple. Ils ont certes omis de rappeler que cette organisation qui a été l’ennemi interne le plus féroce de cette jeune république, dès l’instauration du pouvoir islamique et qu’elle a commis des centaines d’attentats terroristes. Son ex-leader Massoud Rajawi s’était vanté qu’elle a tué au moins 16 mille personnes, 12 mille entre 1980 et 1982.
Plus est-il, alors que le cessez-le feu venait d’être décrété pour mettre fin aux 8 années de guerre avec l’Irak de Saddam Hussein, leur milice qui collaborait avec Bagdad a lancé des attaques depuis les frontières ouest contre les forces iraniennes. Ce fut la dernière bataille avant l’arrêt de la guerre. Quelque 1800 miliciens de ces Mounafeghines avaient alors été éliminés. Ceux qui ont été faits prisonniers avaient été condamnés à la mort, considérés comme « des bellicistes » collaborateurs.
« Je regrette de ne pas avoir voté pour lui »
Malgré le fait que les médias occidentaux en persan ont libre voie sur Iran, il semble que cette propagande n’a pu influencer les Iraniens ni les Iraniennes. Les images des funérailles monstres ont dû surement les agacer une fois de plus, mettant à nu leur traitement biaisé et farouchement tendancieux.
Le titre de l’article du média français France info illustre parfaitement cet agacement : ((“Ce n’est que de la propagande » : en Iran, les rassemblements après la mort d’Ebrahim Raïssi dénoncés par les opposants.)) « Les médias officiels iraniens montrent des milliers de personnes en deuil en train de rendre hommage au chef de l’Etat tué dans le crash de son hélicoptère », argue son chapo.
En revanche, dans les chaines de télévision iranienne, des dames mal voilées, bad hejab en iranien, semblent très sincères dans leur intervention, dont certaines étaient en cris et en sanglots.
Certaines ont exprimé ouvertement des regrets de ne pas lui avoir voté.
« Moi je n’ai pas voté pour lui mais il méritait tous les respects » a affirmé l’une d’entre elles.
« Parce que je n’avais pas confiance en l’Etat, je n’ai pas pu lui donner ma voix dans ce scrutin. Mais maintenant j’en ai honte. Je suis venue lui demander pardon », a dit une troisième.
« Moi j’ai voté pour lui, je savais qu’il était un homme d’action, je savais qu’il était sincère » a affirmé une autre dame.
Trois années avec les gens
Il faut croire que c’est pendant les trois années de son mandat que M. Raïssi a façonné sa popularité.
Les médias iraniens rapportent qu’il les a passées de provinces en province, rencontrant les gens, écoutant leurs complaintes et leurs revendications et œuvrant pour les réaliser.
Une vidéo rendue publique après son décès le montre en train de se disputer avec son chauffeur qui conduisait sans égards aux gens.
« Ces gens-là sont des êtres chers pour Dieu. Pourquoi vous vous comportez de la sorte avec le gens. La prochaine fois, c’est moi qui vais conduire la voiture. Faites attention pour ne pas faire de mal aux gens » peut-ont entendre M. Raïssi lui dire.
Par la suite, on peut le voir descendre de sa voiture et parler avec les gens.
Des rapports médiatiques affirment que la situation économique s’est nettement améliorée pendant ces trois dernières années. Des projets pour les plus défavorisés ont été mis en point. Sans compter que pendant son mandat, l’Iran a élevé le niveau d’enrichissement de son uranium à 60%. Le programme nucléaire iranien est source de fierté pour les Iraniens, toutes tendances confondues.
Sa politique d’ouverture vers l’Est et les pays arabes sans pour autant rompre avec l’Occident pourrait avoir été bien vue aussi.
Toujours en matière de politique étrangère, il faut croire que les Iraniens sont désormais unanimes par rapport à la justesse des positions de principe de l’Etat iranien quant à son soutien indéfectible à la cause palestinienne, alors que le monde entier est horrifié par ce que l’entité sioniste commet comme horreurs contre le peuple palestinien à Gaza.
Les efforts du président Raïssi et de son ministre des Affaires étrangères Hussein Amir Abdollhian étaient remarquables depuis le 7 octobre: ils se rendaient de pays en pays pour les persuader de rompre leurs liens avec « Israël » et d’afficher un soutien plus fort aux Palestiniens. Sans oublier la riposte iranienne spectaculaire à l’assassinat des dirigeants et membres du CGRI dans un raid israélien contre le consulat iranien à Damas. Elle a dû chauffer la fierté des Iraniens.
Une autre raison peut expliquer aussi cet afflux surprenant des Iraniens et Iraniennes, et qui est plus intrinsèquement liée à la dimension religieuse de ce peuple.
Après la mort du président, une vidéo a circulé filmant sa mère, encore vivante. Elle vit dans un petit appartement d’une chambre avec une petite cuisine. Cette modestie est la preuve éclatante qu’il n’est pas corrompu. La corruption étant un problème endémique dans ce pays.
Le fait aussi qu’il ait été tué dans un vieil hélicoptère vétuste qui date des années 60 du siècle dernier, en raison sans doute de sa défaillance, pourrait aussi avoir profondément touché les Iraniens. Ils sont connus pour apprécier sincèrement les tendances d’ascétisme de leurs dirigeants et leur propension au sacrifice. C’est en tout cas un dénominateur commun entre l’imam Khomeiny, le général Soleimani et le président Raïssi.
Source: Divers