Le président par intérim, Ahmad al-Chareh (Charaa) , a assuré vouloir « parvenir à un consensus » dans la reconstruction de la Syrie après la chute du président Bachar al-Assad, mais prévenu qu' »il ne pourrait satisfaire tout le monde ».
« Chaque mesure que nous prenons ne fera pas consensus, c’est normal, mais nous devons parvenir à un consensus » autant que possible, a-t-il également déclaré lors d’un rassemblement au palais présidentiel retransmis à la télévision syrienne après les prières de l’Aïd al-Fitr.
Chareh a assuré que les ministres avaient été choisis pour leur compétence « sans considération idéologique ou politique ».
« La diversité de la société syrienne » a été prise en considération, a-t-il dit. Un système de quotas a été écarté pour opter pour une politique de « participation ».
« Une nouvelle page d’histoire est en train d’être écrite pour la Syrie », a-t-il lancé à l’assistance.
Gouvernement dominé par les fidèles de Chareh
Le nouveau gouvernement syrien formé par M. Chareh est dominé par les fidèles du président par intérim.
Composé de 23 membres, sans Premier ministre, il compte quatre ministres issus des minorités de Syrie, un Chrétien, un Druze, un Kurde et un Alaouite, mais aucun n’occupe de portefeuille clé.
Selon Fabrice Balanche, spécialiste de la Syrie, les postes clés sont occupés par « les compagnons de guerre » de M. Chareh qui étaient membres du « gouvernement de salut à Idleb », une province aux mains des rebelles pendant la guerre civile (2011-2024).
Parmi eux figurent Assaad al-Chaibani, qui conserve son poste à la tête de la diplomatie, et Mourhaf Abou Qasra, qui reste à la Défense après avoir commandé les opérations ayant renversé M. Assad.
Anas Khattab, ex-jihadiste qui dirigeait les Renseignements généraux, a été nommé à l’Intérieur, et Mouzhar al-Waiss, un responsable à l’ex-direction rebelle d’Idleb (nord-ouest), à la Justice.
Ce dernier a remplacé Chadi al-Waissi, dont des ONG et militants avaient demandé le limogeage après la diffusion d’anciennes vidéos le liant à l’exécution de deux femmes accusées de prostitution à Idleb.
L’administration autonome kurde qui contrôle de vastes territoires dans le nord et le nord-est de la Syrie a contesté dimanche la légitimité de ce nouveau gouvernement.
Le seul ministre kurde nommé n’est pas lié à l’administration autonome.
Celle-ci avait conclu un accord pour intégrer les institutions de l’Etat avec le pouvoir Chareh qui dit vouloir unifier le pays après la guerre.
Mais des experts ont dit craindre que cet accord ne reste lettre morte, les Kurdes, une minorité qui représente 15% de la population, ayant aussi critiqué la déclaration constitutionnelle.
Le Conseil National de sécurité, le véritable gouvernement
Dans ce contexte, « n’importe quel gouvernement aurait du mal à stabiliser le pays et à assurer son succès », estime Aron Lund, du groupe de réflexion Century International. « La vraie question est de savoir quelle est l’influence réelle des ministres » de ce gouvernement.
L’absence de Premier ministre présage d’une « extrême personnalisation du pouvoir », selon M. Balanche. Il faut, dit-il, plutôt regarder du côté du « Conseil National de sécurité » présidé aussi par M. Chareh et en charge de « gérer les politiques sécuritaires et politiques ». « C’est le véritable gouvernement », souligne l’expert.
L’annonce de la formation du gouvernement samedi a été faite deux semaines après la rédaction d’une déclaration constitutionnelle qui accorde à M. Chareh les pleins pouvoirs dans les domaines législatif, exécutif et judiciaire.
Al-Chareh s’apprête à signer une déclaration constitutionnelle encadrant la transition en Syrie pour cinq ans.
Certains experts et groupes de défenseurs des droits humains redoutent qu’elle ne concentre le pouvoir entre ses mains et n’incluent pas suffisamment de protections pour les minorités.
Début mars, la Syrie a été le théâtre des pires massacres à caractère confessionnel depuis la chute de Bachar al-Assad, prenant pour cible les Alaouites dans l’ouest du pays.
Source: Avec AFP