L’ONU dispose de près de 6.000 camions chargés de vivres, actuellement bloqués à l’extérieur de Gaza, et prêts à entrer dans le territoire palestinien affamé par la politique de blocus imposée par Israël, a indiqué vendredi l’UNRWA.
« L’UNRWA dispose de 6.000 camions chargés d’aide bloqués à l’extérieur de Gaza, attendant le feu vert pour entrer », a déclaré son patron Philippe Lazzarini, sur le réseau X, plaidant pour une aide convoyée par la route plutôt que pour des largages aériens.
Ces derniers « coûtent au moins 100 fois plus cher que les camions » qui « transportent deux fois plus d’aide que les avions », a-t-il relevé.
« S’il existe une volonté politique pour permettre des largages aériens -extrêmement coûteux, insuffisants et inefficaces – il devrait y avoir une volonté politique similaire pour ouvrir les passages routiers », a-t-il ajouté, sans désigner explicitement Israël, qui contrôle les accès à Gaza.
Après près de 22 mois d’une guerre dévastatrice accompagnée d’un blocus qui s’est intensifié ces derniers mois, la bande de Gaza est menacée d’une « famine généralisée » selon l’ONU et est totalement dépendante de l’aide humanitaire.
Elle a déjà coûté la vie à plus de 190 palestiniens.
Vendredi, le jeune Atef Abou Khater a succombé à l’âge de 17 ans. Il pesait 70 kg.
« L’ONU (…) était en mesure de faire entrer entre 500 et 600 camions par jour lors du cessez-le-feu » en début d’année, rompu le 18 mars par Israël, a rappelé M. Lazzarini.
Cette aide atteignait alors « l’ensemble de la population de Gaza en toute sécurité et dignité » et sans « aucune diversion », a-t-il insisté, jugeant qu' »aucune autre alternative à la réponse coordonnée par l’ONU (…) n’a donné des résultats similaires ».
« Revenons à ce qui fonctionne et laissez-nous faire notre travail. C’est ce dont les habitants de Gaza ont besoin aujourd’hui plus que jamais, avec un cessez le feu durable », a conclu le patron de l’UNRWA.
L’aide bloquée à Kerem Sahlom. 260 camions sur 2.010 sont arrivés depuis mai
L’aide humanitaire a recommencé depuis dimanche à entrer par la route dans le territoire assiégé, mais pour l’essentiel via la GHF (Fondation humanitaire pour Gaza), soutenue par Israël et les Etats-Unis, et en quantité jugée largement insuffisante par la communauté humanitaire internationale, qui refuse de travailler avec cet organisme.
Le Bureau médiatique du gouvernement de Gaza a assuré que 485 camions ont été autorisés d’entrer à Gaza en 5 jours, alors que le Cogat (organisme dépendant du ministère de la Défense israélien), argue qu’entre 100 et 200 camions d’aide ont pu entrer quotidiennement à Gaza.
Le gros lot de l’aide est entassé dans le point de contrôle israélien Kerem Shalom comme le montre l’illustration publié par le media israélien i24.
Selon l’ONU il en faudrait au moins 500 camions par jour pour subvenir aux besoins de la population.
Depuis le 19 mai, sur 2.010 camions envoyés dans Gaza, seuls 260 sont arrivés à destination sans encombre, tandis que 1.753 ont été interceptés, « soit pacifiquement par des gens souffrant de la faim, soit (…) par des acteurs armés », détaille une banque de données de l’agence onusienne UNOPS.
Le Bureau médiatique qui assure que la plupart des camions introduits ont été pillés accuse Israël « d’entretenir systématiquement et délibérément le chaos sécuritaire » pour priver la population de l’aide.
HRW : Véritables bains de sang. Israël tire délibérément
Les centres de distribution de l’aide gérée par la GHF qui s’est accaparée cette distribution en la confisquant aux organisations internationales sont devenus des « pièges mortels », selon les conclusions d’un rapport de l’organisation Human Rights Watch (HRW), provoquant de « véritables bains de sang ».
Depuis le mois de mai, plus de 1.373 Palestiniens ont été tués dans ces centres par des tirs israéliens, sous le prétexte du chaos. 13 ont été tués devant ces centres depuis l’aube de ce samedi selon al-Jazeera, 12 dans la nuit de vendredi à samedi et 15 dans la journée de vendredi.
Une dame palestinienne pleure son fils tué devant un centre de distribution au nord de l’enclave.
HRW a déploré « la situation humanitaire désastreuse (qui) est la conséquence directe de l’utilisation par Israël de la famine comme arme de guerre – un crime de guerre – ainsi que de son blocage intentionnel et continuel de l’aide humanitaire et des services de base ».
« Non seulement les forces israéliennes affament délibérément des civils palestiniens à Gaza, mais elles tirent presque quotidiennement sur ceux qui cherchent désespérément de la nourriture pour leurs familles », accuse Belkis Wille, directrice adjointe de la division Crises et conflits à HRW, citée dans ce rapport.
« Les forces israéliennes, soutenues par les États-Unis et des entrepreneurs privés, ont mis en place un système de distribution d’aide humanitaire défaillant et militarisé, qui a transformé les opérations de distribution d’aide en véritables bains de sang », accuse Mme Wille.
« Plutôt que de livrer de la nourriture aux gens dans des centaines de sites accessibles à travers Gaza, le nouveau mécanisme » de distribution mis en place par GHF « impose aux Palestiniens de traverser des terrains dangereux et détruits », selon HRW.
Citant des témoins, l’organisation explique ainsi que « les forces israéliennes contrôlent le mouvement des Palestiniens vers les sites par l’utilisation de balles réelles ».
« À l’intérieur des sites, la distribution de l’aide elle-même est une +foire d’empoigne+ incontrôlée qui laisse souvent les personnes les plus vulnérables et les plus faibles sans aucune vivre ». Ce système de « piège mortel » doit « être abandonné », insiste HRW.
USA : C’est le Hamas
Vendredi matin, Steve Witkoff, l’envoyé spécial du président américain Donald Trump a visité un centre de distribution d’aide dans la bande de Gaza, a indiqué l’ambassadeur américain en Israël, Mike Huckabee.
« Nous avons eu un briefing par l’armée israélienne et parlé avec des gens sur le terrain », a-t-il ajouté, se félicitant de « 100 millions de repas servis en deux mois » par GHF.
Comme prévu, il a accusé le Hamas de piller cette aide, reprenant la version israélienne.
« Le Hamas déteste la GHF parce qu’il permet de distribuer de la nourriture aux gens sans qu’elle soit pillée par le Hamas », a commenté vendredi M. Huckabee.
Relayer les mensonges israéliens
Le Hamas a condamné vendredi les accusations de Donald Trump au Hamas de piller l’aide humanitaire qu’elles sont « fausses et dénuées de preuves » et relayant « les allégations mensongères israéliennes ».
Affirmant qu’« elles disculpent le criminel et tiennent la victime pour responsable », le Hamas a rappelé que « ces allégations ont été réfutées par des rapports et des témoignages d’organisations internationales, dont les Nations Unies, ainsi que par une récente enquête interne de l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID), qui a confirmé l’absence de tout rapport ou de toute donnée indiquant un vol d’aide humanitaire par le Hamas ».
Le député palestinien à la Knesset Ayman Odeh a violemment critiqué la visite de Witkoff : « Il n’y a rien de plus odieux ni de plus artificiel que de voir l’ambassadeur américain visiter les ruines de Gaza alors que des milliers de Palestiniens sont encore sous les décombres, que des centaines de milliers meurent de faim et que plus de 20 000 enfants sont morts. Tôt ou tard, ils devront rendre des comptes, et le monde n’oubliera ni ne pardonnera. »
Source: Divers