D’ici 2020, les tout nouveaux lance-roquettes multiples (LRM) Tornado-S auront totalement remplacé, au sein des forces armées russes, les LRM Smertch qui ont déjà fait leurs preuves sur le terrain et dans la durée.
Les premiers Tornado-S sont entrés en service en 2017 et dans quelques années, ils constitueront la puissance principale des brigades d’artillerie de l’armée de terre.
Comme on l’a vu ces dernières décennies, les LRM sont toujours aussi efficaces pour éliminer des cibles au sol. L’artillerie réactive est utilisée par les deux camps en conflit armé dans le Donbass, les forces gouvernementales syriennes bombardent activement les positions des terroristes avec des Grad et des Ouragan russes et même les Américains, malgré toute leur passion pour les armes de haute précision, utilisent leurs MLRS et HIMARS en Irak et en Afghanistan. Cependant, les LRM occidentaux n’arrivent pas à la cheville de leurs homologues russes: dans ce domaine, la Russie a toujours été un leader incontestable.
« Katioucha », mère des lance-roquettes multiples
Le mortier légendaire BM-13 est le premier LRM russe. Surnommé « Katioucha », il a reçu son baptême par le feu le 14 juillet 1941: une batterie de ces véhicules secrets, à l’époque sous le commandement du capitaine Ivan Flerov, a attaqué un regroupement de matériel et d’infanterie allemande à la gare ferroviaire près d’Orcha. En seulement huit secondes, l’unité a tiré 96 missiles de 132 mm contre les positions de l’ennemi. L’effet était impressionnant: la zone de la cible a été retournée par les explosions comme un champ par une charrue géante. La faible précision de la Katioucha était compensée par la grande quantité de munitions explosant en même temps et recouvrant une grande superficie par le feu et les éclats. Les Allemands craignaient tout particulièrement cette arme pendant la Grande Guerre patriotique.
Le premier descendant d’après-guerre de la Katioucha fut « Grad », le LRM soviétique BM-21 de 122 mm. Ces véhicules sont arrivés dans l’armée en 1963 et restent en service dans les troupes de missiles ainsi que l’artillerie de la Russie et de plus de 50 autres pays. Un Grad est capable de lancer 40 missiles en 20 secondes et d’éliminer des cibles sur une surface de 15-20 ha à 25-30 km de distance. Les principales munitions utilisées sont des missiles brisants, à sous-munitions et incendiaires.
L’URSS a testé les Grad pour la première fois en conditions réelles en mars 1969 pendant le conflit frontalier sino-russe sur l’île Damanski. La Chine avait alors tenté de prendre par la force à l’URSS un terrain sur la rivière Oussouri. Un groupe militaire a été envoyé à Damanski: 2.500 hommes avec du matériel blindé et des armements lourds. 58 garde-frontières, qui ont contré jusqu’au bout les attaques des forces supérieures de l’ennemi, ont été tués dans ces affrontements qui ont duré deux semaines.
Le conflit s’est arrêté en un éclair le 15 mars 1969. A 17h00, le général Oleg Lossik, commandant des troupes du district militaire d’Extrême-Orient, a ordonné à 12 Grad du 13e détachement d’artillerie d’attaquer Damanski. Dix minutes plus tard, l’infanterie soviétique a lancé la contre-attaque pour finalement occuper Damanski pratiquement sans rencontrer de résistance. Le bombardement des Grad a fait plus de 800 morts côté chinois, et plus personne n’a porté atteinte à l’île.
Ouragan et Smertch
En 1975, l’armée soviétique a commencé à recevoir de nouveaux LRM, encore plus puissants: les BM-27 Ouragan. Contrairement aux Grad, ces véhicules disposaient d’un moins grand nombre de tubes de lancement — 16 au lieu de 40. Cependant, les munitions de 220 mm avec une ogive d’environ 240 kg affichaient une puissance supérieure par rapport aux missiles de 122 mm du BM-21. Un tir d’Ouragan couvre ainsi une superficie de 40 ha et peut éliminer des cibles se trouvant jusqu’à 35 km de sa position.
Ces LRM ont fait leurs débuts pendant la guerre en Afghanistan est se sont immédiatement illustrés comme des armes puissantes et fiables. A noter, tout particulièrement, leurs munitions thermobariques 9M51 qui brûlent littéralement l’oxygène dans la zone attaquée par un nuage d’aérosol. Le contingent limité des forces soviétiques en Afghanistan arrosait densément, avec ces munitions, les cols de montagne où passaient les convois d’armes et de munitions des moudjahidines.
Les Ouragan ont aussi été utilisés pendant les deux guerres tchétchènes, la guerre de cinq jours contre la Géorgie en août 2008, ainsi qu’en Syrie. L’armée syrienne s’est servie de ces LRM pour bombarder les positions des terroristes aux abords de Palmyre.
Cependant, l’Ouragan n’est pas le descendant le plus puissant de Katioucha. Les BM-30 Smertch mis en service en 1987 sont considérés à ce jour comme les plus puissants du monde. En une salve, le LRM peut tirer sur l’ennemi 12 missiles de 300 mm avec des ogives à sous-munitions, brisantes ou thermobariques d’environ 250 kg chacune. La superficie de la zone couverte par un tir complet avoisine les 70 ha avec une portée comprise entre 20 et 90 km. Selon les experts, le tir de six Smertch équivaut à une munition nucléaire tactique en termes de puissance destructrice.
Vers l’avenir
En dépit de leurs caractéristiques remarquables, tous les LRM russes ont été conçus à l’époque soviétique et deviennent moralement obsolètes. Cependant, la Russie met en œuvre un vaste programme de modernisation de l’artillerie réactive. En particulier, depuis peu, les Grad et les Smertch sont remplacés par les nouveaux systèmes Tornado-G et Tornado-S respectivement. Ils se distinguent peu en apparence de leurs prédécesseurs, tout en étant largement meilleurs en matière de performances opérationnelles.
Les deux LRM sont dotés de nouveaux équipements de contrôle et de communication à bord, d’un système automatisé de conduite de tir et des systèmes de navigation GLONASS. Les véhicules sont munis de nouveaux missiles. Le Tornado-G est capable de tirer des missiles à sous-munitions avec une ogive cumulative à éclats. Ses éléments offensifs autoguidés peuvent neutraliser efficacement les blindés.
De son côté, le Tornado-S dispose d’une correction autonome de trajectoire de vol des missiles au niveau de l’angle de tangage et de lacet à partir des signaux du système de contrôle des dispositifs gazodynamiques. En d’autres termes, l’arme conçue pour éliminer des cibles sur une grande superficie est devenue de haute précision et peut éliminer efficacement des sites isolés de l’ennemi dans un rayon de 120 km. Selon les estimations des experts de l’IISS publiées dans le rapport The Military Balance 2017, le Tornado-S dépasse en tout point les LRM en dotation dans les pays de l’Otan.
Il est question avant tout du système américain M-270 MLRS (et sa version plus légère HIMARS) mis en service en 1983, qui existe en deux versions. Le M-270 fonctionne comme un LRM classique avec 12 tubes de lancement. Il est capable d’éliminer des cibles jusqu’à 40 km avec des missiles guidés et non guidés de 240 mm à sous-munitions.
Le HIMARS fonctionne comme un système tactique avec, au lieu de douze, seulement deux missiles de haute précision ATACMS à sous-munitions ou explosifs avec une portée de 80 km. Les deux versions n’arrivent même pas à rivaliser avec les versions antérieures du Smertch en termes de portée ou de puissance.
Source: Sputnik