La crise syrienne qui a éclaté en 2011 a montré qu’une partie de la société syrienne était totalement acquise au wahhabisme. Sachant que cette école qui se caractérise par son penchant agressif à répudier et à légitimer l’assassinat des adeptes des autres écoles islamiques n’a nullement ses origines au pays du Levant. C’est en péninsule arabe qu’elle a vu le jour, au 19eme siècle, avec son précurseur Mohammad Ben Abdel Wahhab. Elle s’était depuis alliée avec les Saoud, pour se répandre à coups de massacres contre sa population pour les amener à embrasser ses préceptes.
Depuis, elle n’a jamais cessé d’influencer les autres pays musulmans, dont la Syrie.
Dans un article signé par le journaliste syrien Ziad Ghosn, celui-ci essaie de se rappeler à quel moment a débuté le phénomène de wahhabisation de la société syrienne ou « sa saoudisation », comme il préfère l’appeler.
Il rappelle l’anecdote d’un expert économique qui faisait partie d’une société non gouvernementale pour le développement opérant dans le rif syrien pour y détecter ses indices économiques et sociaux.
Il lui a rapporté que vers la moitié de la décennie passée, il avait constaté qu’en l’espace d’un mois, la vie d’un village dans la province d’Idleb, à l’ouest de la Syrie s’était totalement bouleversée. Au bout de deux visites successives d’un intervalle d’un mois, il a constaté que les femmes y ont d’un seul coup caché les visages. Soulevant la question de ce changement, la seule réponse qu’il a obtenu est qu’il est du au nouvel imam de la mosquée : il venait de rentrer d’Irak où il avait participé à la lutte contre l’invasion américaine de ce pays.
Un écrivain syrien, Mohammad Issa s’est penché aussi sur ce qu’il considère être l’impact de la culture golfique et surtout saoudienne en Syrie. Expliquant ce qui s’est passé dans ce village, il évoque « un procédé dont le but est de cibler un environnement social bien précis, pour ensuite le présenter comme étant celui qui illustre la vraie Syrie », à l’instar du feuilleton syrien qui a fait des ravages, Bab al-Harat (La porte du quartier) et qui raconte l’histoire des habitants d’un quartier au début du 20eme siècle, tout en prônant une mélange de valeurs de solidarité, de courage, de générosité, ainsi que celles de conservatisme et de machisme en même temps.
Issa rappelle le financement par des pays du Golfe de certains feuilletons télévisés en Syrie, pays qui s’était rapidement taillé la première place dans le monde arabe par la qualité de ses productions télévisées.
L’écrivain syrien évoque aussi l’apparition du phénomène « Qabaïssite » dans la moitié des années 90 du siècle dernier et qui s’est progressé graduellement à travers la création d’une série de restaurants et de sites touristiques qui offraient des plats de la cuisine des pays du Golfe. Sachant que des villages touristiques entiers avaient été édifiés sur l’autoroute de l’aéroport.
« L’argent saoudien et celui du Golfe en général a contribué à attirer un nombre de poètes et de romanciers via des festivals poétiques et des prix golfiques ; il en a été de même dans les domaines artistiques, culturels et médiatiques », a précisé Issa.
Les publications financées par les pays du Golfe, toutes tendances confondues distribuaient par jour quelque 100 mille exemplaires, à des prix très bas, rivalisant avec les publications syriennes.
Plus encore, les ouvrages religieux dont une grande partie propageait la pensée wahhabite figurait toujours en tête des vendus en Syrie, surtout durant les foires de livres. Durant celle qui a été organisée dans la Bibliothèque d’Assad en 2011, ces livres religieux ont représenté 23% des livres vendus.
Ghosn accuse le pouvoir syrien de laxisme face a ce phénomène qui a ravagé la culture du pays. D’autant que des milliers de Syriens s’étaient installés avec leurs familles en Arabie saoudite pour y travailler et qui ont surement été influencés d’une façon ou d’aune autre par la vie des Saoudiens, et surtout leurs pratiques religieuses. De retour dans leurs villes ou villages, il est normal qu’ils propagent ce qui leur a été inculqué.
Selon les chiffres officiels non définitifs, quelques 300 mille Syriens vivent dans le royaume wahhabite. Ce qui équivaut à près d’un million, en ajoutant les membres de leurs familles.
Selon Chafik Arbach, professeur de statistique à l’université de Damas, le chiffre pourrait bien être supérieur. « En suivant le mouvement d’immigration des Syriens sur les passages frontaliers et les chiffres de l’administration d’immigration et des passeports, on peut dire que le nombre de Syriens qui vivent en Arabie saoudite est de l’ordre de 2 millions, dont 750 milles employés », a-t-il assuré.
Ce chiffre correspond à celui rendu public par les autorités saoudiennes qui ont fait état de la présence de deux millions et demi de refugiés syriens sur leur sol. Sachant que la majeure partie d’entre eux vivent dans ce pays bien avant la crise. Selon Arbache, les deux millions et demi de Syriens qu’il a évoqués se sont rendus en Arabie et dans les pays du Golfe entre 2004 et 2008 !
Un journaliste syrien travaillant dans un organe de presse saoudien explique pourquoi un ouvrier étranger peut être influencé par le wahhabisme, voire être en admiration devant lui.
« Par exemple cet ouvrier qui est souvent en extase à la vue de son patron saoudien, lequel porte les vêtements onéreux et sa abaya en fil d’or se verra toutefois tous près de lui lors du moment de la prière. Ou alors pourra-t-il un jour diriger lui-même la prière ce qui lui donne le sentiment d’égalité qui lui fait défaut dans son pays d’origine. Ce qui le rend plus accueillant des idées et les valeurs de cette société, religieuses, sociales, économiques et éducatives. Surtout que la loyauté de ces gens est le plus souvent accordée au chef d’entreprise qui est la source de leur bien-être ».
Selon Ghosn, l’une des erreurs commises par le pouvoir syrien est d’avoir laisser passer cette invasion wahhabite, sans aucune résistance.
Au lieu de la contrer en propageant les valeurs des écoles religieuses répandues dans le pays du Levant et connues pour leur tolérance, leur ouverture et surtout leur rejet de la violence.