Le père de la bombe atomique au Pakistan, Abdul Qadeer Khan, 82 ans, est un héros national pour ses admirateurs, mais un dangereux artisan de la prolifération nucléaire pour ses détracteurs.
A.Q. Khan gagne son statut de héros national en mai 1998 lorsque la République islamique du Pakistan devient officiellement une puissance atomique militaire, grâce à des essais conduits quelques jours après ceux de l’Inde, l’éternelle rivale.
Mais par la suite il se retrouve au cœur d’une polémique lorsqu’il sevoit accusé de diffuser illégalement des technologies vers l’Iran, la Corée du Nord et la Libye. Il est placé de facto en résidence surveillée dans la capitale Islamabad à partir de 2004.
Atteint d’un cancer de la prostate en 2006, il se remet grâce à une opération. Un tribunal prononce en 2009 la fin de son placement en résidence surveillée mais il reste soumis à une protection ultra-rapprochée et contraint d’informer à l’avance les autorités de chacun de ses mouvements.
En 2012, il décide de tenter sa chance en politique, créant un parti nommé le Tehreek-e-Tahafuz Pakistan (Mouvement pour sauver le Pakistan) dans la perspective des élections législatives de 2013, mais échoue à faire élire le moindre candidat, ce qui le conduit à dissoudre la formation peu après.
« Forcé » à la dissuasion
Le Dr Khan est né le 1er avril 1936 dans la ville indienne de Bhopal, avant la partition sanglante de l’Empire britannique des Indes qui donnera naissance les 14 et 15 août 1947 au Pakistan et à l’Inde.
Le jeune homme émigre à Karachi (sud du Pakistan) où il décroche un diplôme scientifique avant de poursuivre des études de métallurgie en Allemagne, puis une formation scientifique en Belgique et aux Pays-Bas.
Dans les années 1970, il est embauché dans un laboratoire chargé de mettre au point des centrifugeuses utilisées par l’industrie nucléaire pour le compte du consortium anglo-germano-néerlandais Urenco.
Rentré au Pakistan en 1976, il est propulsé à la tête de son programme nucléaire civil par le Premier ministre Zulfikar Ali Bhutto, notamment grâce à des documents provenant d’Urenco. La justice néerlandaise le condamne en 1983 pour les avoir volés, mais sa peine est annulée en appel.
Dès 1978, le Pakistan est en mesure de produire de l’uranium enrichi et en 1984 l’explosion nucléaire est possible, assurait M. Khan en 1998, ajoutant qu’Islamabad « n’a jamais voulu faire l’arme atomique, il y a été forcé » pour les besoins de la dissuasion face à l’Inde.
En 1981, le principal établissement de recherche atomique pakistanais, près d’Islamabad, est rebaptisé « Laboratoire de recherches Khan »(KRL) en son honneur.
Mais l’étoile de Khan commence à pâlir en mars 2001: sous la pression des Etats-Unis, le général Pervez Musharraf –au pouvoir depuis son coup d’Etat d’octobre 1999– l’écarte de la direction du KRL.
Les autorités pakistanaises ouvrent des enquêtes en décembre 2003 sur une dizaine de scientifiques et responsables du programme nucléaire pour faire la lumière sur d’éventuelles activités de prolifération vers l’étranger.
Et en février 2004, Khan est placé en résidence surveillée après qu’il eut été établi qu’il se trouvait au coeur de transferts de technologie nucléaire au profit de l’Iran, de la Libye et de la Corée du Nord dans les années 1990.
« Champion national » du nucléaire pour les uns, vulgaire « métallurgiste proliférateur » pour les autres, il admet en février 2004 à la télévision s’être livré à des activités de prolifération. Il est cependant revenu par la suite sur ses déclarations. Par la suite, il obtient le pardon du président Musharraf.
Le Dr Khan reste populaire au Pakistan en dépit des controverses. Il écrit régulièrement des billets pour le groupe de presse Jang dans lesquelles il fait l’éloge de l’éducation scientifique. Nombre d’écoles, d’universités et institutions de charité portent aujourd’hui son nom.
Source: AFP