Cela fait longtemps que les Etats-Unis interfèrent dans la vie politique libanaise. En soutenant et en manipulant le camp du 14mars. Comme dans les affaires économiques et militaires du pays du cèdre. Mais ils l’ont longtemps fait en catimini. Cette semaine ils sont sortis de leur réserve, au sujet l’incident de Qabr Chamoun.
Le 30 juin dernier, un échange de tirs entre des partisans du Parti socialiste progressiste (PSP) et des sympathisants du Parti démocrate libanais (PDL) s’est soldé par la mort de deux gardes du corps d’un ministre membre de ce dernier. Le PSP étant un pilier du camp de 14-mars et le PDL de celui du 8-mars. Les deux appartenant toutefois à la communauté druze.
Fait paradoxal mais très typique de la politique américaine au Liban, voire dans le monde : ils s’ingèrent pour mettre en garde contre les ingérences !!
Le mercredi 7 juillet, l’ambassade des Etats-Unis à Beyrouth a appelé à un règlement dans le cadre judiciaire de l’affaire de ces affrontements qui ont dégénéré en grave crise politique, à l’écart de « toute ingérence politique ».
« Les États-Unis soutiennent un processus judiciaire juste et transparent, sans aucune ingérence politique. Toute tentative d’exploiter l’événement tragique du 30 juin à Qabr Chmoun pour promouvoir des objectifs politiques doit être rejetée », a écrit l’ambassade américaine sur son compte Twitter.
Cette interférence a été qualifiée d’ingérence par de nombreux protagonistes du camp de 8mars et par le Courant patriotique libre. Le président de la république Michel Aoun l’a condamnée en personne.
Et le Hezbollah aussi qui a évoqué le jeudi 8 août, une «ingérence inacceptable dans un conflit politique de nature intérieure», voire même « une insulte au gouvernement et aux instances légales et judiciaires du Liban ». Toujours selon le Hezbollah, le but du communiqué de l’ambassade est « d’aggraver la crise actuelle du pays ». D’autant qu’il est intervenu à un moment où la crise touchait à sa fin.
Selon des observateurs l’ingérence américaine se veut surtout soutenir Walid Joumblatt, un cacique du 14 mars et l’un de ses alliés clés.
En revanche, elle apparait plutôt louche car ce sont les hommes de ce dernier qui devrait être traduits en justice et qui risquent la prison. Du coup, une autre lecture de ce communiqué croit deviner par conséquent que le texte américain pourrait léser Joumblatt aussi.
D’un côté, ce leader druze se trouve dans une crise risquée si elle est saisie par la Justice et qui risque de lui couter cher sur le plan politique. En même temps, il est hanté par la perduration de son leadership sur la communauté druze, sérieusement rivalisée par le chef du PDL, Talal Arslane. Raison pour laquelle il insiste pour aller plus loin qu’une réconciliation avec lui, et lorgne un accommodement avec le Hezbollah, rapporte le site en ligne d’information proche du CPL, al-Nashra.
Cette relation a été entachée par deux affaires : ses déclarations dans lesquelles il nie la libanité des hameaux de Chébaa, et l’affaire de la carrière Aïn Dara dont il voudrait avoir des parts que lui refuse un ministre du Hezbollah. Elles seraient liées et il semble qu’il a suscité la première pour obtenir la seconde.
En rattachant le Hezbollah à l’affaire de Qabr Chmoune qui ne le touche pas personnellement, Joumblatt se veut minimiser son rival Arslane, mais aussi et surtout espérer qu’il parviendra à le convaincre à renoncer à un recours à la justice.
Tout au long de la crise, le Hezbollah n’était pas intéressé, répétant sans cesse qu’il était derrière son allié Raslane. Finalement, c’est son autre allié, le chef du législatif Nabih Berri qui a pris l’affaire en main. Il en a découlé ce vendredi 9 août une rencontre entre Joumblatt et Arslane à Baabda, chez le chef de l’Etat, en sa présence et celle du chef du gouvernement Saad Hariri . Le chef du PSP a admis que l’affaire aille en justice, sans réconciliation avec le Hezbollah. Et le communiqué des Américains n’y est pour rien.
En tout cas, leur ingérence ostensible est un précédent, lequel pourrait être suivi d’autres. Signe que Washington voudrait s’affirmer davantage au Liban. Même sans avoir d’effet!
Source: Divers