Le Texas a rouvert vendredi ses restaurants et centres commerciaux au lendemain de la journée la plus meurtrière du coronavirus dans l’Etat: un paradoxe qui résume la situation des Etats-Unis, où le déconfinement gagne du terrain sans que l’épidémie ait entamé un vrai reflux.
« Le Texas va rouvrir les commerces par étapes à partir de vendredi. Le gouverneur Greg Abbott fait du bon travail », s’est réjoui cette semaine le président Donald Trump.
De plus en plus impatient, à six mois de la présidentielle, de voir l’économie sortir de l’hibernation dans laquelle l’ont plongée les mesures pour endiguer le virus, le milliardaire républicain s’en est en revanche pris vendredi à la gouverneure démocrate du Michigan, Gretchen Whitmer.
Des manifestants armés sont entrés jeudi dans le Capitole de cet Etat parmi les plus touchés par la maladie pour réclamer l’assouplissement des restrictions.
« La gouverneure du Michigan devrait lâcher du lest et éteindre l’incendie.
Ce sont des gens très bien, mais ils sont en colère », a-t-il tweeté.
« Sortir de la maison »
Au Texas, plus important Etat à redémarrer, à la fois par sa taille, sa population et son économie, les magasins, restaurants, cinémas et bibliothèques peuvent rouvrir leurs portes, mais en limitant la clientèle à 25% de leur capacité.
A Houston, The Galleria, plus grand centre commercial texan, a ainsi commencé à accueillir des clients mais au compte-gouttes, et bon nombre d’enseignes sont restées closes.
Le long d’une allée presque vide, Diane Curtis marche d’un pas vif, tenant une petite fille par la main. Elle est venue « acheter des chaussures » à la petite mais aussi « pour sortir de la maison ».
Elle assure ne pas craindre d’attraper le virus: « c’est comme pour toutes les maladies, ça partira mais ça prendra sûrement du temps. »
Pourtant, le grand Etat du sud américain ne remplit pas du tout les critères émis il y a seulement deux semaines par Donald Trump en vue d’un redémarrage du pays.
Le Texas a enregistré jeudi 1.000 nouveaux cas et 50 morts du Covid-19, soit son bilan quotidien le plus lourd depuis le début de l’épidémie, pour un total de près de 800 décès.
Or la Maison Blanche estime qu’il faut constater une diminution des cas sur une période de 14 jours avant une reprise progressive des activités.
Une tendance qui n’est avérée ni au Texas, ni dans plusieurs des autres Etats américains ayant, à des degrés divers, entamé leur déconfinement.
Surtout, près de la moitié des 50 Etats du pays ont commencé ou s’apprêtent à lever les restrictions alors qu’au niveau national, les statistiques restent sombres.
« Le plateau se prolonge »
Avec 1,07 million de cas et plus de 63.000 morts, le pays est le plus endeuillé au monde par la pandémie, dont la propagation continue à un rythme soutenu, avec régulièrement des bilans de plus de 25.000 nouveaux cas et plus de 2.000 décès quotidiens.
Les Etats-Unis sont bloqués depuis le début ou le milieu d’avril sur ce « plateau » dont ils peinent à redescendre.
Les grands foyers, comme celui de New York, où un confinement strict reste en vigueur avec les écoles fermées jusqu’à la fin de l’année scolaire, commencent lentement à refluer. Mais de multiples autres régions, comme la Virginie ou le Massachusetts, prennent le relais, même si de manière moins dramatique.
On est loin de la situation des pays européens comme la France, l’Italie ou l’Espagne, où un déconfinement extrêmement limité et prudent n’est envisagé qu’après avoir observé un vrai reflux de la propagation du virus.
« Il n’y a pas une épidémie unique aux Etats-Unis, elle évolue de manière différente selon les endroits du pays », explique à l’AFP William Hanage, professeur associé d’épidémiologie à la Harvard School of Public Health.
Relevant que les confinements à géométrie variable instaurés par les gouverneurs américains depuis plus d’un mois « n’ont rien à voir » avec celui, pur et dur, mis en place à Wuhan, en Chine, il estime qu’il s’agit « d’une des raisons pour lesquelles ce plateau se prolonge ».
« Sans mesures supplémentaires, on pourrait rester sur ce plateau pendant un bon moment », prévient aussi sur Twitter Jeremy Konyndyk, du cercle de réflexion Center for Global Development.
Cet expert également membre d’une commission indépendante chargée de conseiller l’Organisation mondiale de la Santé appelle à s’intéresser davantage aux nouveaux épicentres de l’épidémie aux Etats-Unis: « les lieux de travail et les structures de soins peu sécurisés ».
Source: AFP