Les désaccords entre le Hamas et les responsables égyptiens ont atteint leur paroxysme ces deux derniers jours, suite à ce que le mouvement décrit comme une « campagne médiatique » égyptienne exagérée concernant l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza via le territoire égyptien.
Alors que Le Caire affirme « déployer tous les efforts possibles pour faciliter le passage des camions », le Hamas affirme que nombre de ces camions sont « volés » et que leur nombre est présenté dans les médias égyptiens de manière « inexacte » et exagérée, servant ainsi le discours israélien qui exonère l’ennemi de la responsabilité d’affamer la population de la bande de Gaza.
Les déclarations du Hamas ont suscité une vive colère au sein des cercles officiels égyptiens, le Premier ministre Mostafa Madbouly ayant réagi en affirmant que son gouvernement « ne ménageait aucun effort » pour acheminer l’aide dans la bande de Gaza.
Lors d’entretiens privés, des responsables égyptiens ont qualifié les dirigeants du mouvement de « manque de sens diplomatique », arguant que la situation actuelle exigeait des « approches différentes » non seulement envers Le Caire, mais envers tous les acteurs du dossier palestinien.
Le nombre des camions est inférieur
Pendant ce temps, les médias égyptiens continuent de diffuser les mêmes images montrant des dizaines de camions entrant via le terminal égyptien de Rafah vers celui de Kerem Shalom, donnant une fausse impression du volume d’aide envoyé à Gaza.
En réalité, selon des sources bien informées, « le nombre de camions entrant réellement dans la bande de Gaza est bien inférieur à ce que rapportent les médias, et la plupart d’entre eux ont été partiellement déchargés en réponse aux exigences israéliennes concernant les procédures d’inspection au point de passage de Kerem Shalom, ce qui entraîne des retards et réduit le volume de l’aide envoyée. »
Selon des sources égyptiennes bien informées qui se sont entretenues avec le quotidien libanais al-Akhbar, « le mécanisme de travail actuel, en coordination avec la partie israélienne, stipule que les camions commenceront à se déplacer de Rafah vers Kerem Shalom à 5 h 30, le point de passage étant ouvert à 20 h. Cet arrangement a été mis en œuvre ces derniers jours et devrait se poursuivre dans les prochaines heures. »
Le Comité d’urgences centrales à Gaza a confirmé cette manipulation des informations par certaines parties égyptiennes sur le volume de l’aide autorisée à entrer dans la bande de Gaza, ajoutant que même le volume des évacuations pour des raisons médicales est exagéré tandis qu’elles ne couvrent qu’un nombre très réduit des blessés via « un mécanisme compliqué et humiliant ».
« Il est temps pour l’Égypte de passer d’une position de médiateur à une position de soutien moral aux côtés de Gaza, pays sinistré », a réclamé le comité dans un communiqué.
Protestations en Egypte
Un mouvement de contestation a émergé ces dernières semaines en Egypte où plusieurs activités réclamant un rôle égyptien plus efficace ont été réalisées.
La semaine passée, deux jeunes hommes ont attaqué le siège de la Sureté d’Etat dans la région d’al-Maasara dans le gouvernorat de Halwan. Une démarche symbolique pour protester contre la fermeture du terminal de Rafah.
L’un des participants Ahmad al-Charif a déclaré dans une vidéo publiée sur les réseaux sociaux qu’il ne supporte plus voir la passivité des autorités égyptiennes face à la tragédie en cours à Gaza. Il a révélé avoir vu de ses propres yeux comment l’armée égyptienne laisse passer les navires transportant des armes à Israël « pour tuer nos frères » à Gaza. Il rappelle que les autorités égyptiennes perçoivent des sommes considérables de la part des Palestiniens qui sortent de Gaza via leur terminal.
Des jeunes protestataires égyptiens qui collectaient de l’aide pour Gaza ont été arrêtés par dizaines.
Sur les réseaux sociaux, de jeunes égyptiens expriment leur désarroi devant ce qui se passe dans la bande de Gaza alors que leur gouvernement s’abstient de toute action.
Manifestations de colère dans le monde
Dans plusieurs villes arabes et occidentales et sur les réseaux sociaux, des manifestants et des internautes ont exprimé leur colère en raison de l’inaction des dirigeants arabes face à la famine qui sévit dans la bande de Gaza. L’Egypte a été la plus critiquée du fait qu’elle partage avec la bande de Gaza le terminal de Rafah où est entassée l’aide humanitaire. Ses dirigeants sont accusés de complicité avec les dirigeants israéliens.
Des rassemblements ont eu lieu devant les ambassades d’Égypte dans plusieurs pays. Notamment aux USA, à Bagdad, au Maroc, en Libye, au Royaume-Uni, en Finlande, en Allemagne, au Danemark, au Liban…
Dans d’autres cas, des activistes ont fermé avec des cadenas et des chaines le portail extérieur des ambassades ou consulat égyptiens dans le monde, tournant en dérision les déclarations officielles égyptiennes selon lesquelles le terminal de Rafah est ouvert du côté égyptien mais fermé du côté palestinien contrôlé par les Israéliens. Cela s’est passé entre autres en Turquie, en Norvège, en Hollande, en Belgique…
Une manifestation de protestation devant l’ambassade de Jordanie à Washington aux cris « Shame on you » (honte à vous)
Même à Tel Aviv, des Israéliens et des Palestiniens ont manifesté plusieurs fois ces derniers jours pour protester contre la politique de famine.
Deux avions jordanien et émirati
C’est dans ce contexte qu’est intervenu le largage de l’aide alimentaire via l’air.
Depuis dimanche, où les autorités de l’occupation ont autorisé le parachutage de vivres, et annoncé sous la pression internationale une pause des hostilités durant la journée dans certains secteurs, deux avions jordanien et émirati ont largué des denrées essentielles sur la bande de Gaza. La France a annoncé qu’elle larguerait 40 tonnes d’aide sur Gaza à partir de demain vendredi.
« Une mise en scène macabre »
Le chef du Hamas Khalil al-Hayya a critiqué ces opérations de largage de l’aide assurant qu’elles ne sont « qu’une mise en scène macabre », et indiquant que « 5 largages sont l’équivalent d’un petit camion », alors qu’il faudrait ouvrir les passages frontaliers.
S’adressant au peuple égyptien il a dit : « À nos frères d’Égypte, terre fertile, nous nous adressons à vous au nom du statut politique et sociale de l’Égypte. Nous comprenons que vous soyez peinés par la souffrance de votre peuple à Gaza. Ô peuple d’Égypte, ses dirigeants, son armée, ses tribus, son Al-Azhar et ses églises, vos frères de Gaza meurent-ils de faim à vos frontières ?! Nous attendons avec confiance que la grande Égypte ait le dernier mot que Gaza ne mourra pas de faim et n’acceptera pas que le passage de Rafah reste fermé. »
Les obstacles sur le passage de Kerem Shalom
De leur côté, les Émirats arabes unis ont fait entrer mercredi matin dans la bande de Gaza plusieurs véhicules tout-terrain de luxe, chargés de quantités limitées d’aide et de tentes, par le point de passage de Kerem Shalom, en coordination directe avec l’armée d’occupation israélienne. Ces véhicules seront utilisés par les « organisations internationales » opérant à Gaza. L’Arabie saoudite a également envoyé plusieurs camions d’aide dans la bande de Gaza, arborant le drapeau du Royaume. »
Le Bureau des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a jugé mercredi que les conditions de la distribution d’aide aux habitants de la bande de Gaza étaient « loin d’être suffisantes » pour permettre de répondre aux besoins. Selon lui, les pauses décrétées par les Israéliens « ne permettent pas le flux continu de livraisons nécessaire pour satisfaire aux immenses besoins à Gaza ».
Dans un communiqué, l’OCHA explique les complications dans le terminal israélien pour acheminer l’aide par voie terrestre. « Par exemple, pour que des chauffeurs de l’ONU puissent accéder au point de passage de Kerem Shalom – une zone barricadée -, il faut que les Israéliens donnent leur accord à la mission, fournissent un itinéraire sûr, accordent de multiples autorisations ainsi qu’une pause dans les bombardements et, in fine, ouvrent les barrières pour leur permettre d’entrer », a exposé la même source.
L’OCHA a averti qu’après quatre jours de « pauses tactiques » d’Israël, les décès dus à la faim et à la malnutrition continuaient de survenir, tout comme les morts parmi les personnes venant chercher de l’aide. Ce sont « des gens désespérés et affamés » qui continuent d’affluer vers les petites quantités d’aide délivrées par les camions qui parviennent à franchir les barrières, selon l’organisation.
Des martyrs pendant la distribution de l’aide
« Les livraisons de carburant sont insuffisantes pour répondre aux besoins élémentaires et représentent une goutte d’eau dans l’océan », a ajouté l’OCHA qui appelle à l’ouverture de tous les points de passage pour permettre un large accès de l’aide humanitaire..
Amputé d’un bras et d’une jambe, un Gazaoui apporte de l’aide
Les agences de l’ONU ont appelé mardi à « inonder » d’aide alimentaire la bande de Gaza, menacée d’une « famine généralisée ».
La petite fille Najla de 9 ans a perdu 20 kg
Mercredi, le Comité suprême des affaires tribales de Gaza a appelé « nos frères d’Égypte à ouvrir des couloirs humanitaires en permanence vers la bande de Gaza » et « à faire pression sur l’occupation pour qu’elle intègre l’aide aux mécanismes internationaux capables de la distribuer équitablement à chaque citoyen, en particulier à l’UNRWA, dont l’occupation entrave délibérément le travail.
Source: Divers